Depuis ma promotion, j'ai l'impression de ne jamais cesser de courir dans tous les sens, tout le temps appelée à diverses missions. Il n'y a pas à dire, chaque jour me rappelle les charges et obligations de mon nouveau rôle au sein de ma division. Dans le fief de la sixième division, les événements mystérieux et inquiétants se multiplient décidemment de plus en plus ces derniers temps. Entre yōkai persuadés d'être shinigamis, défunts refusant de rejoindre le Seireitei, étranges apparitions de grottes hantées, étranges disparitions d'émissaires...

La nouvelle du jour n'est pas des plus réjouissantes. Il y a de ça plusieurs semaines, lors de la saison précédente, un émissaire de l'Ordre Mnémonique aurait disparu dans des circonstances encore troubles. Il a du jour au lendemain cesser de donner la moindre nouvelle, sans raison apparente et sans rapporter le moindre danger ou faire appel à des renforts. Pire encore, les équipes envoyées jusque là n'ont pas été capable de retrouver un cadavre ni même de piste tangible. Voilà encore une mission bien étrange que l'on m'attribue, comme si mon don est d'attirer les ennuis.


Seule, je ne parviendrai à rien : je ne sais même pas par où commencer. Je donne donc des instructions simples mais clair au petit papillon des enfers que je viens d'invoquer : deux senseurs, et quelqu'un capable de m'aider à protéger cette pseudo-expédition. Je n'ai pas le moindre doute quant à la capacité de la petite créature ailée à faire parvenir ma requête auprès d'émissaires compétents situés non-loin dans la région. En attendant l'arrivée de mes renforts, je profite d'avoir un peu de temps pour flâner dans la grande ville d'Hiroshima ; une ville qui ne manque pas de raviver quelques souvenirs à mon âme-sœur.


Comme toujours, les paroles de Shina résonnent depuis mon monde intérieur jusque dans mon esprit là où je suis la seule à pouvoir l'entendre. Comme à chaque fois qu'elle prend ainsi la parole pour me raconter quelques détails sur sa vie d'antan, il y a près de trois siècles, un sourire se met à orner mes lèvres. Malgré son léger accent, dû à la différence d'époque qui nous sépare, ses connaissances d'un autre temps ne manquent jamais de me plaire et m'impressionner.

La mâtinée est rapidement passée, tandis que j'observais l'activité des humains dans les rues de cette grande ville qui semble être toujours animée et que je conversais avec la princesse qui habite mon monde intérieur depuis que nos âmes ont fusionné dans une grotte pas si loin d'ici. Le soleil ne tardera désormais plus à atteindre son point le plus haut dans le ciel et, comme s'il s'agissait d'un signe annonciateur, les trois shinigamis que j'attends ne devraient pas non plus tarder à montrer le bout de leur nez.

Combien de temps avant la prochaine mission ? Impossible à déterminer. Véritable pantin du Troisième Oeil, lame dormante du Concile Blanc, je patientais pendant un temps qui me paraissait sans fin. Les périodes calmes étaient rares pour moi, ayant perdu la majeure partie de mes activités lorsque j’ai été forcé de quitter l’Ordre. Je repense à ces entrevues, ces débats à longueur de journée, cette réflexion sur la durée, l’équilibre du Seireitei entre nos mains. Aujourd’hui, la seule chose qu’il m’est autorisé à avoir entre mes doigts c’est mon sabre, et la vie de mes ennemis. Alors, en silence, je nettoie ma lame, je l’entretiens. Je n’avais toujours pas créé de lien avec cet Asauchi, celui qui m’avait appartenu m’ayant été confisqué… Je ne suis pas en droit de demander à le récupérer, toute trace de mon passé doit être effacé, même de mon esprit.

Avec un goût amer dans la bouche, je sentais une présence dans mes appartements. Un papillon des enfers, posé contre la fenêtre. Je reconnais cette façon de faire, cet appel aux armes : une nouvelle mission se présente à moi, et j’étais forcé de l’accepter. Tant mieux, je n’en demandais pas plus, simplement de quoi m’occuper l’esprit, et le plus longtemps possible. Rengainant mon Asauchi, j’écoutais en silence le message, l’ordre de mission. Une disparition étrange, comme bien d’autres… Mais je sens quelque chose en moi vibrer. L’Ordre Mnémotique est impliqué, et dans son ombre le Concile Blanc. Pesant mes propres pensées pendant un moment, je décidais finalement de disparaître à travers la fenêtre, telle une ombre agile.

Hiroshima, ville qui se veut spirituelle. L’empreinte de l’histoire apposée sur ce territoire, je ne ressens que très peu de chose face à ces décors qui ne m’évoquent rien. Ce n’est pas mon histoire, ni mon territoire. Ma patrie est le Seireitei. Pourtant, la quiétude de certains lieux m’apaise, je ne doute pas du sentiment de plénitude qu’on peut avoir face à de tels lieux. Je marchais en silence, entouré d’humains qui ne me voyaient pas. Mes pas sont étouffés et il suffirait qu’on me quitte du regard un instant pour oublier ma présence. Je déployais doucement mes sens, traquant les énergies spirituelles présentes dans cette ville. Il y en avait plusieurs, ce qui n’était pas étonnant étant donné la taille de cette ville, nous étions probablement plusieurs déployés pour différentes tâches. Surtout qu’il s’agissait du territoire des Parles Esprits.

Une fois que j’avais repéré le lieu de rendez-vous, je patientais dans un coin, à l’écart du point de rassemblement. Les bras croisés, j’observais les passants, ainsi que mes potentiels compagnons de chemin. Celle que je présumais être l’officier ayant rapporté à mes supérieurs était déjà là, patiente. Le soleil suivait sa progression, jusqu’à atteindre son zénith, ma position n’ayant pas bougé en plusieurs heures. Une fois que je sentais de nouvelles énergies s’approcher, je décidais de sortir de l’ombre, la main au fourreau tandis que je me tenais droit.

Vous avez appelée, me voici. Membre du Troisième Oeil, Akuma. Mes capacités de traqueur sont à votre service.

Pourquoi avais-je attendu avant de me révéler ? Parce que j’avais l’habitude à présent d’apporter une forme de malaise lorsque je rencontre un nouveau groupe. Mon apparence n’était pas la plus accueillante… et j’ai fini par comprendre qu’il était plus simple de jouer mon rôle jusqu’au bout, quitte à ce que ne soit pas au goût de tout le monde. Il n’empêche que mes paroles étaient sincères, et que peu importe les circonstances, j’étais prêt à me sacrifier pour la cause.

Je venais de prendre le thé avec Kioshi. À vrai dire, non, c’était un peu plus complexe, parce que ça faisait maintenant un moment que j’avais fini mon thé, mais durant ce dit thé, on m’avait un peu perturbé pour e parler d’une situation, situation impliquant Mukuge. Bon, elle n’avait rien fait de mal mais elle avait demandé assistance, l’aide de senseurs. Ça tombait bien, j’étais un senseur, un officier senseur même, c’était donc mon devoir de répondre de ma présence.

Son papillon à peine reçu, j’avais enrollé Kioshi pour venir avec moi. Après tout, je me disais que ses talents nous seraient bien utile. C’était un Mande-Tempête digne représentant des siens. Son expertise des kido étaient donc des plus nécessaire, enfin, à mon humble avis. J’avais donc envoyé à Mukuge un message grâce à un papillon de mon cru et lui avait fait savoir que j’allais venir accompagner.

Évidemment, sur le chemin j’avais gardé la conversation bien vivante – j’aimais parler, je ne me la fermais pas dix secondes quand j’en avais la chance. Mais, je n’étais pas sans un minimum de préparation. Ma signature spirituelle étant camouflée et mon sixième sens survolait les alentours. Je n’allais pas me faire prendre par surprise.

Ça nous avait pris bien moins temps que j’avais envisager avant d’arriver, mais je n’allais pas m’en plaindre, loin de là. À vrai dire, j’aimais bien que ça ne nous ait pris que ce temps-là. Je fis signe à mon compagnon d’attendre avant de rejoindre nos équipiers pour ce contrat. Je ne voulais pas être le premier arrivé – enfin, le premier avec Kioshi – après tout, je voulais donner l’impression que j’étais occupé – chose qui était vrai, même si je ne mettais pas nécessairement mes priorités au bon endroit.


Je priais les dieux pour qu’il ne e dise pas un yokai. Pas que j’en avais peur, j’en avais juste un peu plein le cul voyez-vous. Quoi que se serait bien plus intéressant qu’une désertion ou un truc du genre. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais en fait – histoire de ma vie.

Mais après un bon moment, l’autre personne qui devait nous rejoindre ne se présenta pas, alors je me dus d’abandonner mon idée de rejoindre Mukuge sans plus de délais. Après tout, c’était quand même un contrat important dans lequel le temps comptait énormément. Tant pis pour le troisième, j’allais commencer sans lui …

Ah … non, il était là le petit … même dans ma tête j’ai dû retenir l’insulte, ne sait-on jamais. Je lui envoyai donc un regard mauvais avant de tourner mon attention vers Mukuge :

Votre entreprise rencontrait un obstacle glacial. Une anomalie ; une chance que bien des êtres aimeraient éprouver à votre place. Au cœur de cette mégalopole où fourmillaient des milliers d'humains, cette entité ne pouvait définitivement pas passer inaperçu. À l'instar des citoyens d'Hiroshima, l'ermite était visible, et circulait aisément entre chacun, se frayant un chemin au travers de la cité pour rejoindre l'une des auberges emblématiques de la place forte – un vieil établissement datant de la création de la ville par les premiers colons d'Ishizumi.

Cet homme, cette entité, ce blond, ce manchot, aiguillonnait votre curiosité avec une facilité déconcertante. Même si vous n'aviez jamais croisé cet héraut stellaire auparavant, vos destins entremêlés avaient réussi à croiser le sien. Alors que vous vous approchiez de lui, objet de curiosité ambulant, l'ermite vous adressa ces mots sans se retourner, vous ayant pressenti.


Le voyageur vous adressa un regard à tous les quatre ; et finit par t'inspecter de plus bel, @Kō-Araiguma Mukuge. Tu compris dans son regard qu'il allait être impossible de négocier avec toi.


Pour bien des gens, le blond n'était qu'un fou qui parlait au vent. Mais vous, vous saviez qu'il était bien au-dessus de tous ces plans parallèles. Une occasion à ne surtout pas rater.

Enfin, les trois émissaires dont j'avais requis la présence sur les lieux afin de mener ma mission à bien décident de se montrer. Voilà plusieurs heures déjà que je les attends patiemment, sous le soleil qui frappe en ce jour la ville d'Hiroshima. Ils ont mis bien trop longtemps à arriver à mon goût, comme s'ils attendaient que j'aille les chercher moi-même. Dois-je faire office de mère ici aussi ? Je n'ai pas le temps pour ça, une mission bien plus importante m'attend et nous avons déjà perdu bien assez de temps. Je passe un regard circulaire sur les trois shinigamis qui se présentent à moi, avant de leur énoncer l'objet de leur présence.


Je présente alors aux deux senseurs qui me font face quelques objets et babioles tirés des possessions du porté disparu. J'allais les leur remettre, lorsqu'un individu situé un peu plus loin attire soudain toute mon attention, tel un papillon de nuit qui rencontre une lumière éclatante. Je ne saurais dire pourquoi exactement, mais cet homme à la chevelure blonde me coupe net dans mon action. Je m'approche de quelques pas et, avant même que je ne puisse le héler, le voilà qui s'adresse en premier à notre groupe.


Le regard qu'il m'adresse est déstabilisant, Froid, à m'en glacer le sang. Je comprends dès lors qu'il me sera impossible de converser calmement avec lui, même si j'ignore pourquoi dans les détails. Son simple regard me pousse à faire un petit pas en arrière, pour me tenir légèrement à distance de lui. Ma main se porte tout naturellement au fourreau des deux arme-esprits que je porte à mon flanc droit lorsqu'il évoque en faire la collection. Espère-t-il réellement que nous allons lui céder ainsi nos armes ? Sa proposition me conforte dans ma position et me pousse à me mettre davantage encore sur la défensive.

Comme je le pressentais, ce ne sont pas des regards accueillants qui se posaient sur moi. Entre méfiance, agacement et lassitude, j’acceptais les critiques muettes à mon encontre, me rangeant dans les rangs pour obtenir les consignes liées à cette mission. Les instructions étaient simples, et l’Officier Kô-Araiguma s’apprêtait à sortir les objets en lien avec le soldat de la 7ème à retrouver. Cependant, un frisson me parcourait l’échine, mes sens captant une signature unique, bien différente de toutes celles que j’ai pu ressentir jusqu’à présent.

Je me tourne naturellement vers la source d’énergie, mes yeux suivant du regard le dos de cet homme qui marchait parmi les humains. Était-il un humain ? Jamais l’humanité jusqu’à présent n’a pu s’élever à ce point à travers leur âme… On nous a appris que même nos ancêtres, les pères fondateurs, ont un jour quitté leur enveloppe charnelle pour atteindre un niveau supérieur de maîtrise. Curieux, je suivais de près Kô-Araiguma Mukuge pour me rapprocher de cet être unique, et porteur de propos bien étranges.

Selon lui nous étions ses “frères” ? Et il annonçait avec un flegme légendaire qu’il faisait la collection des zanpakutos. L’information lâchait un grand seau d’eau froide sur ma tête, le concept même de collectionner les asauchis confiés par le Concile Blanc me mettant mal à l’aise. Etait-il sérieux, ou essayait-il de nous déstabiliser, de nous tester ? La Parles-Esprit à mes côtés réclamait une identité, moi je déclarais la vérité :

Nos zanpakutos sont la propriété du Concile Blanc, nous ne pouvons nous en séparer, sans quoi nous serons lourdement sanctionnés.

Même si je gardais dans un coin de ma tête que l’un d’entre nous possédait plus d’un zanpakuto, ce qui normalement serait une faute assez grave sans explication. Mais là n’était pas le moment d’interroger les autres shinigamis, mais plutôt de découvrir la nature même de l’être en face de nous.

De plus, nos sabres sont nos compagnons, je ne conçois pas de sacrifier un tel lien pour des desseins qui me sont inconnus.

Maladresse, ou incompatibilité entre vos idéaux, l’échange s’était lancé sur la mauvaise voie. Le parfait inconnu demandait des asauchi parmi les cinq à portée de lui – mais à quoi bon ? Pourquoi risquer les foudres du Concile Blanc, en osant sacrifier ce qui fait de vous des shinigami ? Cette négociation ne tournait pas rond. Cet étrange énergumène ne vous rassurait guère. L'ambiance était assurément bizarre, malsaine, et rien de bon ne pouvait en découler. Alors, c'était terminé.


Le passeur d'âmes dodelina subrepticement de la tête en guise d'un bref témoin de respect, et vous abandonna, vous laissant pâturer l'herbe du Contrat sur lequel vous aviez été envoyés. En une poignée de secondes, l'anomalie s'évapora de votre champ sensoriel, soudainement rendu à l'état de souvenir. Que s'était-il passé ? Qui était cet étrange personnage ?