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  • HOKA NO NIHON
    他の日本

    Depuis les premières ères de l'Humanité, des esprits invisibles n'ont cessé de hanter les Hommes. Ces apparitions étranges, ces fantômes lancinants, ces créatures spirituelles, sont appelés « yōkai » – des âmes n'ayant pu rejoindre l'au-delà à cause des remords de leur vie passée, développant des attraits monstrueux pour combler le vide qui les définit. Les shinigami, émissaires à la solde de la Soul Society, une organisation dissimulée dans les coulisses du Nihon, ont pour but de purifier ces démons, mais aussi les âmes humaines ancrées au monde réel, par le biais de leur zanpakutō (斬魄刀, litt. : épée trancheuse d'âme). Hélas, les conflits des Hommes engendrent le drame, et le drame engendre les remords ; d'où le cercle vicieux qui donne tant de travail aux passeurs de l'au-delà. La récente guerre civile de 150 ans baptisée Sen'yuu Sensō (戦友戦争, litt. : la Guerre des Frères d’Armes), ayant opposé les parties méridionale et septentrionale de l'archipel, a été une période critique favorisant l'apparition des yōkai, réveillant de vieux débats sur le rôle de la Soul Society quant à la protection de l'Humanité. Faut-il abandonner toute idée d'intervention, comme il est de rigueur de faire depuis la création de l'organisation, ou est-il grand temps de réguler les âmes humaines pour couper le mal à la racine ? Même dans la sphère spirituelle, la politique est en proie au schisme. Malgré la volonté du Concile Blanc, quelques Divisions de son armée commencent à changer de cap. Entre les yōkai démoniaques, et les puissants shinigami en faveur du changement, qui seront les plus dangereux pour l'Humanité ?
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    Épisode n°1 : À la table du MaîtreMar 14 Mar - 10:42Le Concile Blanc

    Épisode n°5 : Énergie verte
    NARRATEUR

    https://www.youtube.com/watch?v=CJM5RhQQJ1Y

    Une douleur aigüe, logée dans le cœur de l'anomalie ressuscitée, l'interdisait de faire un pas de plus. Tétanisée, privée de tout libre arbitre, la créature se sentait obligée de répondre à son maître et créateur. Il n'y avait plus d'autres choix. Plus d'échappatoire. Seulement l'envie irrépressible de retourner à la maison, quittant de facto ses occupations, sans prévenir son entourage stupéfait. Ainsi, Shin'ichi se trouva un coin d'ombre où il pouvait trouver tranquillité et solitude ; et, puisant dans l'énergie tellurique sous ses pieds, invoquant une étrange racina d'anima - bleue et froide.

    MORTIFER

    https://cdna.artstation.com/p/assets/images/images/014/582/482/large/lim-kheng-wei-ice-towe-refine.jpg?1544574202

    La chaleur était répudiée, en ces lieux occultes. L'humanité n'y avait pas sa place - comme n'importe quelle émotion d'ailleurs. Pourtant, gravitaient là-bas mille milliers d'âmes récoltées, à la force du temps, formant des volutes spectrales autour du pylône de puissance. Parfois, des traits verdâtres se mêlaient à l'équation, signe de l'apport conséquent de la Source depuis le vol du sanctuaire tout entier, au nez et à la barbe du Concile Blanc.

    — Rejoins-moi dans l'enceinte de la Flèche.

    La voix, retentissant en écho dans le crâne de l'homme-animal, lui ordonnait d'emprunter le fragile escalier jusqu'à la plateforme principale. Il y avait, çà et là, des créatures mutées ; des homonculus abstraites ; des jouets, conçues lors des travaux de l'Exarchus Alveare, hélas indisponible. Mais toutes ces abominations n'étaient que des distractions pour l'âme harnachée de Shin'ichi.

    Enfin, l'Exarchus se présenta devant les « portes » de la bâtisse. Une gigantesque ouverture, brillant de la même teinte violette, força ses iris bestiales à s'adapter à la luminosité. Entre crainte, obéissance et affection, le chat ne savait pas sur quelle patte se tenir.

    SHIN'ICHI

    Errer dans l'antre du corbeau, retrouver son ancienne race. Une distraction rapidement interrompue par l'épine du destin. Iris pétrifiés en une fente verticale, le fouet douloureux du maître... Soupir, il quitte donc le groupe d'Hybrides, et dans l'ombre du Huitième Cercle, il descend.

    Pierres glaciales, air gorgé d'Anima, sous l'éclairage lunaire du pylône centrale, l'Animŭs retrouvait sa maison. Il y avait une certaine beauté dans ce tableau funeste, la poésie éthérée, aseptique, des fantômes et de la glace. Lui pourtant ne sut retenir un soupir. Il s'était libéré du Sereitei, affranchi d' Ǒcŭlus, et le revoila… esclave ? Nulles chaînes aux poignets, mais il n'en était pas moins soumis, et si sa nouvelle nature lui interdisait de conceptualisé son mécontentement, ses entrailles se maquillaient de colère.
    Trajet rapide, monacale, nul regard trainant, un comble pour celui qui, avant, s'énivrait dans les jeux. Il fit toutefois une pause devant l'immense portail, où du moins ce qui s'en rapprochait. Capuche baissée pour contrer la lumière soudaine, les yeux félins s'adaptèrent, le corps lui avançait.

    — Ce Shin'ichi est là.

    Mains l'une dans l'autre, incertitude sur l'attitude à adopter, son regard se posa toutefois vers celui l'ayant appelé. Pas de sourire, un rictus aigri, celui d'un enfant mécontent. Il était forcé d'obéir, mais courber l'échine ?

    — Il répondrait si tu l'appelais, pas besoin d'utiliser ça…

    Référence évidente à ce vilain tour de magie, car assurément son nouveau maître aurait simplement pu demander sa venue. M'enfin il avait suffisamment fréquenté Fābŭla pour ne plus s'attarder sur les convenances.

    — Les Animi sont perturbés par l'absence d'Ǒcŭlus. Tu t'en fous surement, mais il faudrait peut-être faire quelque chose.

    Il n'avait jamais, de toute son ancienne vie, vouvoyer quoique ce soit, il n'allait pas commencer aujourd'hui.

    MORTIFER

    — Un peu de tenue, Animŭs.

    Mortifer tourna son dos, et sans salut ni attention envers l'animal, s'en alla dans les entrailles de la Flèche. Ses pas se firent entendre dans tout le hall principal, vide de meubles comme de monde, avant d'emprunter un autre escalier menant à l'étage inférieur, toujours suivi par Shin'ichi. Le scientifique n'avait pas besoin de tirer sur la laisse spirituelle pour forcer sa création à l'écouter.

    — Le sort des animi ne me concerne guère, en effet.

    Aucune empathie, ni ouverture dans sa réponse sèche. La présence de Shin'ichi au sein du quatrième cercle n'était que le fruit d'un partenariat fraternel, allant dans le sens des deux parties, et non une tentative de salut envers un peuple déviant. Alors, le binôme atteignit enfin une drôle de salle circulaire. Six statues de pierre blanche - du sekkiseki - ornaient cette plateforme, leur main sur le manche de leur sabre de fonction, prêts à dégainer. Un lointain souvenir du shinigami lui rappela l'allure de l'ancien Captaine de la Panacée : Soga Kazumune.

    Une drôle de chaleur, contrastant net avec l'atmosphère du Cercle, enveloppa l'animŭs.

    ... Initialisation : 25% ...

    — Conduis-nous au premier sous-sol.

    ... Initialisation : 75% ...

    Shin'ichi n'avait qu'à en prononcer l'ordre.

    SHIN'ICHI

    Peu bavard, comme d'habitude, l'entravé encaissa la froideur avec nonchalance. Non, ce n'était pas l'Enryaku-ji, mais on remarquera que Mortĭfer n'exigeait pas une conduite parfaite. Une voie du milieu, pourquoi pas. La marche continua, silence mortuaire, il fallait l'avouer, se laisser guider était d'un naturel horrifiant. Quand à cette froideur, si peu cohérente avec le Nihon… Le chaton n'avait hélas pas le luxe de juger.

    — Les Cercles sont pourtant le dernier endroit où ce Shin'ichi pensait retrouver les traces du Seireitei...

    Il n'attendait pas une réponse, cela ne l'empêchait pas de partager ses pensées. Honnêtement il pensait même que son maître appréciait sa franchise. C'était surtout sa façon à lui de maintenir un ancien ami encore en vie. Son attention fut toutefois captée par le Sekkiseki, ivoire tant apprécié, que faisait il à orner les Dieux de la mort ?
    S'arrêter, une seconde, silhouette d'un ancien Capitaine... Il ne l'avait pourtant jamais rencontré, d'où sortait ce nom ? Quelques mois furent insuffisant à percer le secret de sa renaissance, mais une idée terrible lui vint en tête. Il était originellement venu au monde par l'essence d'un notre, l'histoire tournerait en boucle ? Doute gardé pour lui-même, le froid se dissipa enfin.

    Puissance, sa puissance, exploité par la volonté d'un autre. l'Animŭs connaissait pourtant la caresse de Nihon, tendresse maternelle, chaleur du nid, c'était différent. Pas désagréable, pas effrayant, mais différent. Communion avec l'environnement, un ordre lancé, pourtant ici... N'était-ce pas lui le maître ? Lentement sa main se leva, vers le maître des vers ?
    Tester ces nouveaux pouvoirs, l'idée ne serait pas déplaisante, une taquinerie, rébellion d'enfant contre cette laisse forcée. Mortĭfer décela sans doute un sourire, sauf que la main s'ouvrit, paume vers le bas.

    — Premier grade d'accréditation déverrouiller. Accès au premier étage.

    Rien n'était gratuit, et si sa mémoire était bonne, l'Hangenkijou
    réclamerait son paiement.

    MORTIFER

    https://www.youtube.com/watch?v=bPeFSYa-4Ow

    Ordonnée par la commande de ce Shin'ichi, la plateforme se déverrouilla et entama sa descente au premier sous-sol. Les six statues s'animèrent d'une énergie chaude, et pourtant mécanique, tandis que les parois blanches du long couloir vertical défilaient sans dénoter. Alors, après quelques secondes, l'ascenseur s'arrêta à l'étage demandé.

    — Bien.

    Mortĭfer prit note - intérieurement - de la prouesse de sa nouvelle engeance, et ouvrit aussitôt la marche vers le dédale du premier étage inférieur. Pourvue de la même conception que celui de tantôt, vint néanmoins un moment où davantage de couloirs s'imposèrent devant le binôme, composant une rocade pour contourner tout ce quartier. Mais le scientifique se ficha de cette boucle extérieure, et marcha tout droit, jusqu'à croiser les premiers autochtones de ce temple profane.

    Des homonculus, à nouveau, mais d'un genre particulier. Si le 4ème Cercle était peuplé des créations aléatoires de l'Exarchus Alvĕāre - dont l'esprit artistique n'avait de limite que la quantité d'énergie à portée de main -, la Source, quant à elle, accueillait un mélange dosé entre les Leo d'origine, et les animi d'Ǒcŭlus. Des hybrides ; des monstres ; des amalgames entre l'animal et l'homme, le chat et le Leo, et ce de ratio différents.

    Des Erreurs - tous autant qu'elles étaient.

    « La prochaine itération est prête, Créateur. »

    Un Leo diminué, pourvue d'une truffe et d'oreilles de chat, faisait office d'intermédiaire entre cette armée monstrueuse et l'avatar auto-imposé de Soga Kazumune, en la personne de Mortĭfer.

    « Nous avons réussi à isoler son âme. »

    Le scientifique dodelina de la tête, et récupéra le rapport écrit de son serviteur, lisant en diagonale - mais avec un sérieux académique - tous les détails de l'expérience. Sans prendre en compte le Shin'ichi qu'il venait d'invoquer, il répondit solennellement au second.

    — Commencez les préparatifs.

    SHIN'ICHI

    Chaleur qui s'évade, se propage, son essence répandu activait le Temple de la demi-vie. Ce n'était plus douloureux, mais pas tout à fait agréable. Personne n'aimait se faire ponctuer sa vie, quand bien même la réserve était vaste.

    Réponse brève, l'Animŭs se contenta d'hocher la tête, et continua. Regard fixé sur le dos de Mortĭfer, il lui devait la vie, mais cela ne justifiait pas le respect teinté de peur qu'il lui inspirait. Creuser plus loin, il s'était libéré du Corbeau, le Vers ne ferait pas exception. Pour l'instant il continua, le prix de sa résurrection s'offrant à ses yeux. Fraternité, pincement aux coeurs, le chaton ne pouvait rester insensible à sa litière.

    { Ce Shin'ichi est content de vous revoir. Comment allez-vous ? }

    Curieuse pensée traversant le réseau télépathique. Les Léo pouvaient-ils l'entendre ? Cocasse. Ce chaton n'était pas aussi aseptique que ses frères. D'ailleurs il fit quelques pas, une main posée sur le dos du Léo, animal. Il le savait qu'ils n'étaient pas habitué à ses démonstrations affectives, mais cela ne le stopperait pas.
    Sourire à la mention de Créateur, devait il lui aussi l'appeler ainsi ? Retour à l'essentiel, isolation d'une âme...

    — Fābŭla ?

    Espoir timide, stupide même... Si le Nihon pouvait faire revivre un Exarchus, ça serait déjà fait.

    — Ce Shin'ichi ne comprend pas. Qui tentons nous de ramener ?
    { Ce Shin'ichi ne comprend pas. Qui tentons nous de ramener ? }

    Une question adressée autant à Mortĭfer qu'aux esprits connectés à l'Animŭs.

    MORTIFER

    « L'état de ces Shin'ichi n'est pas important. »

    Les mots du scientifique ponctuaient les phrases des Erreurs sans même avoir besoin d'en prononcer un. Un parti-pris que le 4ème Cercle avait pris soin de partager à ses pairs. Ces concepts, ces errances, ces prototypes, ces expériences, n'étaient encore en vie que pour servir un besoin en main d'œuvre - et celle-ci ne pouvait se montrer réticente à l'état d'esprit de l'Exarchus.

    « Ces Shin'ichi essayent de recréer le Créateur. »

    Rapidement, les Erreurs retournèrent à leur occupation. Mortĭfer, lui, toujours aussi morne, prit le soin d'analyser les moindres faits et gestes d'Animŭs, conscient de la part d'aléatoire qu'un tel projet a pu abriter, en prenant en compte tant de variables de vécu.

    — Fābŭla n'est plus.

    Le scientifique rebroussa chemin pour rejoindre à nouveau la plateforme aux six statues, et y attendit son animal de compagnie. Il s'installa devant le poste de commande, où l'on pouvait clairement poser une main humaine, et prit grand soin de ne pas combler le silence glacial de l'étage. Voyant le détail de l'interface homme-machine, Shin'ichi put se rendre compte, et ce sans problème, que sa main gauche n'était plus celle qu'il avait connu dans sa vie passée. Mais depuis quand disposait-il de ce nouvel « atout » ?

    — Demande un échantillon de la Source.

    Le ton doux-amer de l'ordre de Mortĭfer arracha à nouveau les poils du chaton.

    SHIN'ICHI

    Soupir... Ce n'était pas la première fois qu'il entendait ces mots, mais il ne s'y habituait pas. Comment le pouvait-il ? Son ancien moi avait goûté au manteau de Protecteur. D'abord avec les Hybrides, puis avec les Ebisus. Une habitude difficile à ôter.

    { Leur état est important, pour ce Shin'ichi. }

    Il ne s'attendait pas à une réponse. Il ne pouvait même pas en vouloir à Mortĭfer, ce dernier n'était après tout que fidèle à sa nature. L'Animŭs chérissait après tout autant l'empathie que l'égoïsme. Un chat vint néanmoins se frotter à la jambe de l'esclave. Tête humain, corps félin, vision affreuse en réalité, mais ce Shin'ichi s'abaissa tout de même pour le caresser. Son trop plein d'émotions avait influencé la Ruche, de façon infime, ou du moins il aimait le penser.

    { Le Créateur... }

    Là encore sa pensée s'arrêta, certes il était intrigué entre la certitude de sa parenté à Mortĭfer, et l'image d'un shinigami hantant son esprit. Soga Kazumune, pourquoi connaissait-il ce nom ?
    Manque d'empathie, ton froid, mécanique, quelle était donc l'émotion animant cet Exarque ? Pourtant Shin'ichi avait déjà entendu des rumeurs sur la chute d'Imperator, il n'était plus choqué de l'étrange fraternité des Gardiens du Nihon. Pourtant, il voulait savoir.

    — Que pensais-tu de lui, quel effet te fais sa mort ?

    Une nuisance sans doute pour le Maître des lieux, mais il pouvait au moins lui concéder ça. Déjà Shin'ichi le rejoignait au centre de la plateforme, son regard posé sur ce nouvel appendice. Il ne s'y était pas encore fait, il en ignorait encore les tenants, sinon son lien évident avec cette machinerie. De ça au moins il pouvait être sûr, il servait ici autant d'esclave que de clef. Une information qui pourrait s'avérer utile.
    Tête brusquement levé, les yeux félins fusillèrent l'Exarchus, même s'il ne se permit aucune remarque. Cela l'amusait il de démontrer ainsi son autorité ? Il avait bien compris la situation, nul besoin de forcer son obéissance. Atrappant fermement son poignet gauche de son autre main, Shin'ichi résista. Il avait affronté les voies du Vide, la Chape étouffante du Nihon, mais retarder pour quelques secondes son obéissance lui demandait un effort surhumain.

    Inutile.

    Soupir, il relâcha sa main, et posa sa main sur le réceptacle.

    — Il est triste que le Nihon débordant d'Anima en soit réduit à quémander la force du Concile blanc.

    Amertume dans la voix, une parole qu'il prononçait plus pour lui même qu'autre chose. En attendant la raison prit le pas sur l'émotion. Après tout dans son ancienne vie il avait dompter l'acier. Ses connaissances précaires ne lui permettaient pas de comprendre ce niveau d'ingénierie, mais avec l'aide de la multitude, il apprenait vite.

    — Ce Shin'ichi offre son énergie. Activation requise, accès à la source. Demande d'échantillon.
    { Demandez au Léo ce qu'ils en pensent. Deux Créateurs, pourquoi ? }

    MORTIFER

    — Sa mort est regrettable. Mais il est inutile de parler de Fābŭla maintenant. Rien ni personne ne pourra le ramener à la vie. Personne n'en aurait l'intérêt.

    L'hybride finit par céder à l'ordre de l'Exarchus malgré toute la résistance du monde. Sa résilience ne suffisait pas à se défendre de pareille tenailles. Le scientifique laissa déblatérer son cobaye sans prendre compte de ces remarques, s'accordant à inspecter la méthode empruntée pour parler aux lieux. Là était la seule valeur de ses jérémiades.

    Rapidement, l'énergie spirituelle du Shin'ichi se fit absorber par la machinerie. En échange, un flacon rempli d'un liquide verdâtre sorti d'un orifice spécial, juste à droite de l'interface technologique. Une danse bien huilée s'opéra aussitôt ; le chat de compagnie que venait d'apprivoiser Animŭs vint récupérer la fiole entre ses petits crocs, sans un mot, avant de repartir avec vers les habitations, d'un déhanché félin.

    — Je ne suis pas apte à remplacer le Créateur. Nous sommes trop différents.

    Une simple réponse, ouvrant des dizaines d'autres questions. Insinuait-il que ce Shin'ichi pouvait le remplacer, lui ?

    — Tu parles à ces Erreurs comme si elles disposaient d'une conscience propre. Es-tu en bonne santé mentale ?

    L'Exarchus secoua la tête. Une première marque de lassitude ; le tout premier témoignage de ses sentiments étouffés.

    — Il est temps, Shin'ichi.

    Le Roi des Vers désigna la statue de Soga Kazumune.

    — Demande l'accès au niveau -2.

    SHIN'ICHI

    Personne n'en aurait l'intérêt. Explosion de colère propagée dans le réseau télépathique, des sentiments brûlants, mais au combien inutiles. Inutile de faire l'idiot, il connaissait depuis longtemps la division des Exarchus. Cela ne pouvait plus le surprendre, ça ne devait plus le surprendre.
    La machine se mit en route, et encore une fois le chaton interagissait à l'instinct. Bien qu'assez faible, son lien avec les Leo expliquait sans doute son savoir. Une sorte de transfert, mais pourquoi lui ? Il n'était pas le seul être conscient à sortir de cette source. Le Léo, le point d'ancrage de tous les autres, pourquoi lui ne subissait pas cette dominance ?

    — Tu la contrôles, mais tu ne la maîtrises pas... Je vois.

    Information capitale, cela confirmait l'hypothèse de la clef. Bien entendu, un pur altruisme ne justifierait pas son retour à la vie.

    — Un Exarchus qui me parle de santé mentale ? Vos psychés uniques enferment ce terme dans la subjectivité.

    Une réponse plus élégante qu'à l'accoutumé, résultat de la tutelle du Corbeau, il n'était plus qu'un simple chaton. Il aurait bien rajouté qu'eux -même faisaient partie d'un tout, mais inutile de provoquer d'avantage Mortĭfer. Pour être honnête, lui aussi était curieux. Il n'avait jusqu'alors jamais dépassé le premier étage. Ce n'était pas faute d'avoir essayé pourtant…
    La dernière fois il s'était littéralement évanoui. Pas assez fort, une phrase qui suffirait à décrire sa vie...

    — Hum...Mortĭfer, accorde moi dix secondes.

    Il avait beau fanfaronné, les mots de son maître l'avait tout de même touché. Il venait de repenser à un petit tour de passe-passe d'Ǒcŭlus. Morbide, il espérait vraiment se tromper… Levant sa main droite, il claqua des doigts, enlevant pitié et empathie de son esprit, pour se concenter sur l'instinct régalien du prédateur.

    { Riez. }

    MORTIFER

    Comme un seul homme, toutes les Erreurs rièrent. Mais d'une manière chaotique. Horrible. Désaccordée. Faisant vibrer ces cordes vocales dysfonctionnelles, abîmées ou... arrachées ? Où avait été placé le curseur de la mutation, entre évolution programmée et acte chirurgical délibéré ? Aussitôt, le scientifique grinça des dents face à cette cacophonie. CES RIRES. Encore et encore, CES RIRES. Une écoute d'horreur, infernale, à en faire pâlir la beauté de la Nature. Aucune grâce ; aucun plaisir ; juste une lame vorpale glissée dans le tympan de l'Exarchus, à jamais blessé.

    — TAISEZ-VOUS !

    Une onde morbide s'empara de l'étage entier, hérissant les poils et fauchant les genoux. Grelottant à mort, l'essence même qui simulait la Vie dans les corps de ces Erreurs et de leur Berger factice tentait de sortir par tous leurs pores. Torture inimaginable pour l'âme à peine éveillée de l'hybride et de ses compères, qui souffrirent tous en chœur - comme un seul homme.

    — Tu ne comprendras donc jamais...

    Les plaintes bruyantes des Erreurs saturèrent le réseau télépathique. Telles des araignées à qui l'on arrachait les pattes, tous souffraient. La Flèche leur ponctionnait leur précieuse anima empruntée, non possédée, tandis que des premiers représentants de cette caste déviante s'effondraient.

    — Je ne le répèterai pas : demande l'accès au niveau -2.

    SHIN'ICHI

    https://youtu.be/orbBYb7Ivi8

    Souffle court, des kilos transformés en tonne, un corps vaincu par la réalité. Le concert commença, l'Animŭs ferma les paupières. Esclave transformé en bourreau, il avait souhaité s'émancipé, mais jamais il n'avait visé le trône d'Ǒcŭlus. Pourtant le voila, clef de voute d'une armée de pantins, de poupées trouées, imparfaites, hideuses, mais des parties de lui, le prix de sa deuxième chance.
    Encore sous le choc de ce chœur amer, ce chaton ne réalisa que trop tard l'ire de Mortĭfer. Il n'eut pas le temps de lever la main, que le cri retentit. La puissance d'un Exarchus, pas d'un aspirant au titre, mais d'un des fragments originel de Pater.

    { Pardon... }

    Voici la seule pensée qu'il put formuler, avant que le rire se transforma en pleurs. Jambes fauchées, le Succès s'écroula, assaillit par la douleur muselée de sa tribu. Silence morbide, leur douleur collective s'injectait dans leur lien, aiguille brisant l'esprit du jeune Exarchus. Mains enserrant son crâne, replié sur lui-même, il subissait, chaton lové sur lui-même. En silence, comme avant. Sans un cri, comme avant.

    { Qu'aurais tu fais ? }

    Ah qui parlait-il ? Esprit lacéré par la douleur, la sanité fleurtant avec la folie, l'Animŭs trouvait le seul secours qui lui restait : des fantômes...

    { Tu souffres ? Arrête. Je comprend mieux maintenant... }

    La poigne se desserra, laissant entrevoir, au milieu des larmes, un sourire ? Oui et non, grotesque, élargi, des lèvres étirés par la folie. Dans l'esprit de Shin'ichi, l'empathie avait toujours combattu l'égoïsme, aujourd'hui, ce dernier marquait sa plus grande victoire. Se relevant, un sourire malicieux luttant contre ses larmes, l'Animŭs dévisagea son bourreau.

    — A-ya. Ca tu le savais déjà non ?

    Aucune animosité, un ton joueur, brin qu'éreinté, on le croirait presque cordial, si ce n'était pour ses larmes n'arrêtant pas de couler. Tremblant, parvenant à peine à tenir debout, il ne pouvait plus rêver de briser ses ch
    aînes. Pas aujourd'hui en tout cas. Pourtant ce corps tremblant refusait de se soumettre. Etait-ce donc ça sa nouvelle vie ? Une marche au rythme forcée, vraiment ? Ǒcŭlus ne pouvait pas ignorer ce qu'il se passait, était il vraiment complice ? Et Sanguĭs ?
    Faire une croix sur les amitiés passées ? Peut-être...

    — Arrête maintenant, je n'y arriverai pas comme ça.

    Main posée sur sa tempe, il inspira. Quelques secondes pour reprendre ses esprits. Profiter du répit offert, ignorer autant que possible la culpabilité, les plaintes, les douleurs. Se concentrer sur le présent. De nouveau la main gauche se planta dans son réceptacle. Difficile de retourner en lui après ce traumatisme, mais il n'avait pas d'autre choix. Pulsation sonore, à l'opposition de l'onde morbide, une aura brulante, ambivalente, indécise entre la chaleur du foyer et la prédation du brasier. Petit à petit la peau de l'esclave se recouvrit d'écailles, un cristal gorgée d'anima se dévoila sur sa poitrine.

    — Deuxième grade d'accréditation déverrouiller. Ce Shin'ichi offre son énergie...

    Dans l'ensemble de la plateforme, un sceau se dessina. L'aura sans cesse se grandissante se cristallisa en cascade, océan nourrissant les rouages célestes, gorgeant les six statues d'Anima. Il y parvenait à peine, mais se refusait de payer le prix de l'échec. Pas encore, pas cette fois.

    — Accès au deuxième étage.

    MORTIFER

    Le Réplicant brisé s'était relevé pour accomplir sa tâche cruciale. Les yeux noyés dans les larmes, le visage sillonné d'un delta verdoyant, un élan d'héroïsme, sous couvert de martyr, s'était emparé de lui pour l'élever au-delà de son état précaire. Une prodigieuse énergie spirituelle dégueulait de l'amalgame, infusant les six statues de sekkiseki alentours pour leur commandant un ultime ordre : l'accès au deuxième étage inférieur. Ainsi, la plateforme vibra. Les runes, au sol, se mirent à luire comme jamais, de concert avec l'étincelle dans le regard de Mortĭfer, en amont de sa victoire.

    ... Niveau d'accréditation insuffisant. Administrateur actif : le Créateur ...

    La voix synthétique cloua à nouveau le cercueil du projet du scientifique. Prise de fatigue, l'Erreur s'écroula au sol, les runes autour d'Elle se réduisant peu à peu, jusqu'à retrouver leur inactivité standard. De même, les yeux des six statues cessèrent de briller.

    — ...

    Encore un échec.

    ... Initialisation : 2% ...

    L'Exarchus toisa Shin'ichi de haut. Sa déception était présente, visible, mais menue. En accord avec son personnage, il encaissait la nouvelle. Soudain, l'Erreur sentit une vive chaleur poindre dans son ventre. Une boule de lave en fusion brûlant sa chair et ses veines, comme s'il s'était jeté dans un feu de cheminée ; ou pire, qu'une centaine de tortionnaires le marquaient au fer rouge.

    — Ça n'est pas encore prêt.

    Et puis, le voile noir. Animŭs rendit son dernier souffle - son anima arrachée de force par la Flèche.

    ... Mise en veille du réseau ...

    — 453ème essai : raté.

    Mortĭfer saisit le corps flasque de Shin'ichi par l'épaule, et le traîna vers les quartiers de vie des Erreurs passées.

    NARRATEUR

    Un paysage blanc. Paisible. Paradisiaque. Quelques aurores boréales violettes sublimant le ciel lumineux. Une plaine, vaste et monochrome, mais inspirant le réconfort tel un foyer d'enfance. Shin'ichi - du moins, l'assemblage de fragments d'âme que Mortĭfer avait repêché après l'invasion des Stern Ritters sur le dixième Cercle - se sentait heureux. Même s'il ne pouvait pas voir ni entendre son ami Fābŭla, il savait, quelque part, çà et là, que d'infimes parties de lui existaient encore, dispersées, bénissant cet endroit pour chaque seconde passé à l'intérieur.

    Alors, il se souvint de son ancienne vie, passée sous le broyeur de la Flèche. Quelques morceaux, au bas mot - mais assez pour se souvenir d'une nouvelle itération d'échec. Son esprit meurtri rajouta une nouvelle encoche dans son Monde Intérieur. Un nombre remonta : 453.

    LE CHEVALIER VERT

    — ... core là. ... mis nous. ... enue.

    SHIN'ICHI

    L'éveil. Sortir d'un rêve, les sens engourdis, l'esprit agard, il se retrouvait les pattes dans l'herbe... Heureux ? Plus petit, image de son âme dans ses débuts, sauf que cette fois le masque d'ivoire lui servait de visage. Il se leva doucement, étirement félins, les yeux plongés sur la plaine interminable. Quelques instants de félicité, tout était à sa place, même les bribes de son meilleur ami enveloppaient l'air. Légères, mais bien présentes.
    Un nombre dessiné dans l'aurore, puis le flash d'une vie passé. Souffrance, douleur, soumission, mais aussi espoir, les aléas de la vie lui revinrent à l'esprit, floutés. Il ne connaissait pas les détails, mais une voix familière perturba sa solitude.

    — Aya, oui, de retour. Merci.

    Il sautilla auprès du chevalier, sa patte posée sur son front/casque, un sourire aux lèvres.

    — Je ne sais toujours pas pourquoi, je n'ai que des bribes, pas de détails.

    Un ton plus que jamais enfantin, mais quel plaisir de retrouvé sa joie innocente, sa chaleureuse spontanéité.

    — Après je ne suis pas entier… C'est déjà une surprise que j'arrive à maintenir les limites de mon domaine. Avant, tu ne serais pas rentré si facilement !

    Taquinement, le masque se fendit d'un sourire. Bond du petit être, il sauta sur les épaules du géant. Peut-être que cette fois il serait plus loquace ?

    — Je suis encore confus. Eclaire-moi.

    LE CHEVALIER VERT

    Peu à peu, l'âme fragmentée de Shin'ichi arriva à se faire aux lieux. Ses derniers souvenirs se rajoutaient doucement à la masse mémorielle de l'année passée, tels les grains de sable d'une clepsydre organique. Un mélange entre entre le Monde Intérieur d'Animŭs - annihilé par le Reishi pendant la Troisième Marche -, et le biome vierge mais tranquille de la Flèche, s'opérait maladroitement en ce nouveau purgatoire. Suivant la prouesse du Havre des Esprits, Mortĭfer avait mis au point la technologie nécessaire pour répliquer cette capture des âmes des défunts.

    — ... de plus ... chat. ... urs pas... orti.

    À nouveau, la voix du grand colosse ne parvenait pas aux oreilles pointues de l'animal. Trop d'écho ; trop d'interférences ; trop de participants pour une même conférence, dont ce « Chevalier Vert » était le seul coupable.

    — ... présente. ... a-Daiō.

    L'assemblage caressa la moustache de Shin'ichi de sa grosse main gantée, l'air affectueux.

    Tout autour d'eux, le paradis commençait déjà à évoluer ; les volutes violettes s'éprirent de davantage de teintes vertes, déchirant le tableau blanc de cet horizon infini. Sans prévenir, un bout de « l'âme » du chevalier se fit brutalement arracher - troqué par un hoquet de douleur. Pendant une dixième de seconde, l'Erreur put apercevoir six personnalités emprisonnées dans l'armure, toutes déphasées le temps de l'extraction, avant de reprendre un calme ordonné, enfermées - ou alors tout simplement unies.

    — ... encore une fois. ... jamais libéré de cet ...

    Le colosse prit le chaton par ses deux mains, et le leva à hauteur d'épaule - les pattes dans le vide.

    — ... faut que tu nous libères. ... prochain jour ... urgent. ... souviens- ... !

    La Flèche devina l'animosité du Chevalier Vert. Aussitôt, une vive douleur électrifia les six âmes errantes de la construction, la forçant à lâcher l'animŭs, qui retomba aisément sur ses patounes. Lui ne ressentit rien. Pour l'instant. Mais il ne pouvait pas en être indifférent.

    SHIN'ICHI

    Familiarité curieuse, peu d'information sur le géant masqué, mais le temps les avait rapprochés. Tapottant sur le casque, Shin'ichi démontrait encore une fois sa profonde maturité.

    — JE COMPRENDS RIEN !

    Il se doutait bien que le chevalier ne faisait pas exprès, mais cela ne rendait pas l'expérience plus plaisante. Daiō, voulait-il dire seigneur ? La caresse vint néanmoins tempéré le tantrum du félin. Il ne laissait pas beaucoup de gens le toucher, mais pour les heureux élus, il avait l'attachement d'un chaton pour son maître. Sourire, il observa toutefois l'évolution du ciel. Griffes sorties, dents exhibées, il sauta vers l'intrusion.
    Trop tard, déchirure qu'il ne put éviter, regard inquet vers cet ami torturé. Nouveauté... Six ?

    — Je n'avais jamais remarqué...

    Il n'attendait pas de réponse, mais cette information fit forcément échos aux mystérieuses statues du Temple. Cette fois, son ami semblait inquiet, il parla d'urgence. Se pourrait-il qu'il arrivât à sa limite ? Shin'ichi s'affaiblissait lui aussi de jour en jour, à chaque tentative, une partie de lui-même s'effritait. S'il parvenait à se nourir dans l'amalgame d'énergie de la Flèche, son compagnon ne partageait peut être pas ce luxe.
    Retombant sur ses pattes, il contempla impuissant la punition. Mortĭfer ou une autre force, il ignorait encore qui contrôlait cet endroit. Maintenir son domaine était déjà un miracle...

    — Mais je n'arrive pas à me souvenirs... Chaque essai, j'ai l'impression d'être l'unique, j'oublie... Je t'oublie.

    Son âme était peut-être trop abîmé, où le processus encore imparfait, mais chaque rappel au monde lui ôtait la conscience de cette réalité. Il lui manquait un pont, une continuité pour agir. Retournant vers le chevalier, ses petites mains posées sur l'armure, tentative de soutien dans la douleur.

    — Tu ne peux pas venir avec moi ? Tu es déjà dans mon monde intérieur… Mon âme est de toutefaçon incomplète, il y a de la place. Pour toi, pour vous tous.

    Tout en parlant, l'Animŭs concentra ses forces. Son attention se plongea sur cette brèche récente, vaine tentative de la refermer. Ici il ne sentait plus le Nihon, et sans son aide, avec simplement une partie de lui-même, il manquait terriblement de puissance.

    { Fābŭla ? Je sens ta présence, rejoins moi. Tu m'as offert ta force autrefois, c'est à mon tour de te rendre la pareille.}

    ENMA-DAIO

    https://www.youtube.com/watch?v=ApgcntbrLYE

    Fābŭla ne répondit pas - en aucune manière perceptible.

    Le colosse en armure se calma alors, de concert avec l'équilibre de la Flèche. Ce qui ne respirait pas reprit pourtant son souffle, et s'assit en tailleur devant Shin'ichi, avant de décrypter ses paroles découpées par les interférences. Après s'être enfermé dans un silence réparateur, le « Chevalier Vert » osa enfin de prononcer ses premiers mots de nouveau-né.

    — ... Enma-Daiō. Nous avons été appelés Enma-Daiō.

    La surprise de l'animal confirma le succès de leur opération sociale. Concentrés, en pleine méditation, ils s'étaient liés à l'âme mise à nue de l'Erreur fragmentée, qui récupérait doucement de ses morceaux. Six personnalités ; six statues ; et si ce même nombre était bel et bien un fait d'importance, et non une vulgaire coïncidence ? L'armure vivante offrit ses deux mains, paumes dirigées vers le ciel blanc, et profita de la connexion directe avec la conscience du Berger pour engager la discussion - une 454ème fois.

    — ... Nous sommes Sengoku Tokiuji.
    — ... Nous sommes Amago Ujimichi.
    — ... Nous sommes Kansei Yasutame.
    — ... Nous sommes Sakakibara Shino.
    — ... Nous sommes Hitotsuyanagi Niwami.
    — ... Nous sommes Soga Kazumune.

    Six voix avaient simultanément percuté l'esprit de l'hybride, d'une harmonie religieuse. Mais la véritable prouesse était le ressenti familier qu'éprouvait le Réplicant envers ces hôtes inconnus, comme s'il les avait toujours connu. Plissant les yeux, usant d'une timide sensorialité - améliorée par l'affinité explicite des sept esprits -, Animŭs put reconnaître le visage des statues de l'ascenseur de la Source. Le premier, néanmoins, semblait avoir été atteint d'une vieillesse accélérée, extrême, si l'on devait comparer son âge avec celui de ses compères.

    — Tu es revenu, encore une fois. Nous ne serons jamais libéré de cet endroit. Devons-nous encore attendre un prochain jour ? C'est urgent. Souviens-toi...

    SHIN'ICHI

    Pas de réponse, de l'Exarchus, il s'y attendait… Difficile d'arrêter même quand il n'y avait plus d'espoir. Paroles !

    — Le roi... Tu es le roi ?

    Tête penchée sur le côté, souffle court. Mémoire de sa vie d'antan, la bibliothèque du Temple Mnémonique, la religion des Parles-esprits. L'esprit ressassait le passé, le corps lui attendait. Non. Deux mains tendues, deux pattes reçues. Nonobstant le comique de la scène, ils acceptèrent sa requête. Une suite de noms, légendes du Concile blanc, aussi célèbres là-bas que les fameux Exarchi. Les piliers du passé, des noms que même lui ne pouvait oublier.
    Ce n'était pas la première fois, et baissant les yeux, le chaton ne savait comment masquer son embarras.

    — Vous… Je suis désolé.

    Désolé de ne pas pouvoir en faire plus. Désolé que tout vos espoirs reposent sur une parcelle d'humanité. Une tristesse soudaine renforcée par cette communion contre-nature, qui pourtant semblait si familière. Pourquoi ? Tous les opposaient, rien dans son passé ne l'avait préparé à de l'empathie pour les géants du monde céleste… Alors de la sympathie ?
    Ces doutes, ses regrets, ils le sentirent, il ne pouvait le cacher. Claquer des mains, se concentrer sur le présent, le chaton chassa ses démons et posa ses yeux dans les orbites creux du Roi de l'enfer.

    — Je comprend mieux. Je peux partir, pas vous…

    { Ils ont survécu jusque là… Par delà le temps, plus loin que Fābŭla ! Comment ?}

    Pensées qu'il ne pouvait bien sûr garder pour lui-même, mais un peu de flatterie ne les tuait pas. Tête plongée dans ses mains, il se frotta rapidement les cheveux. Une idée.

    — Pour vous libérer… Je pourrais les détruire, malgré sa surveillance, je pourrais. Mais vous ?

    Des statues recouverts de Sekkiseki, des catalyseurs, mais peut-être… Des ancres ? Une fois détruites, qu'adviendrait il des âmes ?

    — Si j'y arrive, pas sûr de pouvoir vous héberger. Vous êtes prêts ? Prêts à risquer le néant ?

    ENMA-DAIO

    — Enma-Daiō nous a fait grâce de sa présence au Havre des Esprits, et nous a permis de nous retrouver pour ne former qu'un. Comme toi, nous n'étions que des fragments d'âme, tranchés par la lame sacrée de Noctifer. Connais-tu notre Fin Sanglante ?

    À nouveau, six voix parlaient en chœur, aux timbres ô combien différents. Et puis, il y avait le fond de leur réponse. Noctifer ? La Fin Sanglante, en référence à la Journée Sanglante ? Comment étaient-ils au courant de détails si pointus, modernes, spécifiés après leur disparition ?

    Les écrits des bibliothèques de l'Ordre Mnémonique, et surtout du temple d'Itsukushima des Parle-Esprits, se manifestèrent dans la mémoire à long terme de l'hybride. Les prières pouvaient servir de moyen de communication entre la vie et la mort.

    — La Flèche est notre prison. La tienne également. Nous avons erré pendant des éons au Havre des Esprits, en attendant d'être ancrés de force sur le Nihon par un phénomène inconnu, lors du saccage d'Itsukushima par l'Exarchus Mortĭfer. Certainement l'œuvre du gardien silencieux Enma-Daiō, nous demandant de défendre ses fidèles en échange de notre survie.

    Ce golem d’airain, aussi imposant qu’un château, dispose de trois faces : démoniaque, neutre, souriante. Six bras qui tiennent dans chacune de leurs mains une épée, un bouclier, un chapelet, un miroir alors que les deux dernières soulèvent un globe représentant le samsara. Deux jambes masquées par une ceinture où de nombreuses têtes desséchées y sont attachées par les cheveux.

    — Tu ne pourras pas détruire la Source. L'Exarchus a déjà essayé maintes fois. Et nous ne sommes pas connectés à ces statues non plus. Il s'agit juste d'un... hommage. Une marque de vanité. Tous les six, nous en sommes les Créateurs.
    Un silence s'empara de ce paradis artificiel, en proie au changement. La version 454 était en cours de création.

    — Ça n'est pas la première fois que nous t'expliquons cela, mais nous espérons que demain, tu t'en souviendras. Mortĭfer essaye de comprendre le secret de la Source pour l'ouvrir complètement. Chaque jour, il extrait des parcelles infimes de notre âme pour l'insérer en toi, et créer un nouveau concept. Chaque jour, tu te réveilles d'un long rêve, et ne te souviens que des bribes saines de ta vie passée. Alors, il t'appelle. Te demande l'accès de la Source. Et tu finis par échouer au premier sous-sol. Mais ça n'est pas un échec, « Animŭs ». Tu dois résister. Tu nous entends ?!

    La colère grondante de l'armure verte ébranla les fondations même de la Flèche. Des sillons se dessinèrent à même le sol de nacre, tout autour de l'Enma-Daiō, alors qu'ils reprirent un semblant de calme pour ne pas en alerter la sécurité du complexe spirituel.

    — Tu dois résister...

    SHIN'ICHI

    — Eh... La journée sanglante ? Pas tout, en partie. Ǒcŭlus ne m'a pas tout dit. Montrez-moi !

    Associer le geste aux mots, le chaton bondit, son front posé contre celui du géant. Pas le temps pour un récit, il espérait capter un morceau de mémoire, à défaut de La vérité, leur vérité.
    Soupir, le Maître des vers l'aurait trompé ? Pas de surprise, mais un peu de déception. Le Corbeau avait donné son accord, mais peut-être était ce mieux ainsi. Une deuxième chance, un sursit. En attendant, des souvenirs, des images, l'esprit surexcité apprend, découvre, comprend…

    Démonstration de puissance, la colère, la hargne, cela il pouvait comprendre. Mais en même temps, ils restaient des Shinigamis. L'Animŭs avait-il surmonté sa rancœur ? Ce n'était pas le Concile Blanc qui avait détruit son nouveau foyer. Gen'ichiro, Naraku, et tant d'autres. Le monde n'était plus, hélas, dans l'ombre du manichéisme.

    — Je vois… Un saut de foi. Mais après 453 fois, il est peut-être temps.

    Changement dans l'air, plus sec, plus léger. Evanescence… Plus le temps !

    — Blesse-moi. Comme pour Sanguis. Plus loin que la chair, laisse une trace ici !

    Pas le temps d'expliquer, mais déjà le chaton sauta, se présentant bras ouvert devant le chevalier. Il espérait que celui-ci comprît. Surpasser les murailles de la chair, attaquer son monde intérieur. Une cicatrice, une marque qu'il ne pourrait ignorer, un souvenir.

    — Ne te retiens pas, je ne t'en voudrai pas. Vite !

    Hésitation... Sourir.

    — Malgré nos différences, j'espère qu'on pourra être amis.

    ENMA-DAIO

    — Nous sommes désolés, « Animŭs ».

    Les pieux ont la possibilité de se recueillir auprès d’un autel à ses pieds où bougies, encens et diverses offrandes sont entretenus chaque jour. Déversé un fragment de son énergie spirituelle dans la coupole de l’autel permet d'acquérir une amulette réputée chasser les esprits et apporter la bonne fortune, plus ou moins puissante selon l’offrande spirituelle.

    Le Chevalier Vert invoqua une lame éthérée du néant, avant d'empaler l'esprit fragmenté de l'hybride. De l'énergie à profusion investit le corps faiblard de Shin'ichi, qui ne put qu'encaisser ce déluge - véritable champ de conduction de nécromancie.

    — Abeilles bourdonnantes sur le chemin du passeur. Ermitage séculaire du bouc aux neuf visages. L'affable martyr se baigne dans le lac des morts. Porte sans verrou ; clé sans serrure ; l'accès au nectar de la vie se refuse aux profanes. Kaibakudō : Herugētorokku (ヘルゲートロック, litt. : Verrou de la Porte de l'Enfer) !

    Un aria inconnu, né d'un Père disparu.

    — Sonde ton Monde Intérieur, et retrouve ce Verrou ! Alors tu récupéreras le souvenir de cet entretien ! Mais surtout... ne laisse jamais le Roi des Vers atteindre le Souffle de la Vie. Ou le monde des hommes est condamnés.

    SHIN'ICHI

    Dernière image avant l'impact, une statue… Une légende de la sixième division, pourquoi ça, pourquoi maintenant. La clef de son indépendance ?

    Pas de réponse possible, il s'attendait à un choc, il reçut une comète. L'âme fragile parvint à peine à garder sa contenance. Sa puissance déclinante se concentra en un seul but : Rester entier, ne pas se disperser. Le visage se brisa, argile fendu, des morceaux de lui-même s'étiolait. Des fragments perdus, il était peut-être trop faible ?
    Le chevalier ne put le manquer, ce regard apeuré. Trop tard. L'ensemble se fissura, tranché en deux, une explosion qui ébranla l'ensemble du Monde intérieur. Tant pis pour la discrétion, tant pis pour l'espoir. Etait-ce la fin ?

    Il ne restait qu'un masque, fracturé, et lové dans l'ivoire, un chaton aux prémices de sa vie. Plus de superflus, de retour à sa forme primaire, pitoyable, mais vivant.

    Vivre un jour de plus, rêver du lendemain.

    NARRATEUR

    https://www.youtube.com/watch?v=CJM5RhQQJ1Y

    Une douleur aigüe, logée dans le cœur de l'anomalie ressuscitée, l'interdisait de faire un pas de plus. Tétanisée, privée de tout libre arbitre, la créature se sentait obligée de répondre à son maître et créateur. Il n'y avait plus d'autres choix. Plus d'échappatoire. Seulement l'envie irrépressible de retourner à la maison, quittant de facto ses occupations, sans prévenir son entourage stupéfait. Ainsi, Shin'ichi se trouva un coin d'ombre où il pouvait trouver tranquillité et solitude ; et, puisant dans l'énergie tellurique sous ses pieds, invoquant une étrange racina d'anima - bleue et froide.

    MORTIFER

    https://cdna.artstation.com/p/assets/images/images/014/582/482/large/lim-kheng-wei-ice-towe-refine.jpg?1544574202

    La chaleur était répudiée, en ces lieux occultes. L'humanité n'y avait pas sa place - comme n'importe quelle émotion d'ailleurs. Pourtant, gravitaient là-bas mille milliers d'âmes récoltées, à la force du temps, formant des volutes spectrales autour du pylône de puissance. Parfois, des traits verdâtres se mêlaient à l'équation, signe de l'apport conséquent de la Source depuis le vol du sanctuaire tout entier, au nez et à la barbe du Concile Blanc.

    — Rejoins-moi dans l'enceinte de la Flèche.
    Le Concile Blanc
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