NARRATEUR

https://www.youtube.com/watch?v=jupfy4_mjNA

En quelques occasions, l'héritier d'Impĕrātŏr retrouvait le chemin du sanctuaire de l'Armée des Ombres pour ressentir la chaleur indescriptible du foyer. Un pèlerinage improvisé jusqu'à la cité annihilée de Kyoto, dans laquelle se trouvait, perchée sur une colline, la fameuse bulle spirituelle du Dieu Déchu - résidu d'empire. À nouveau - comme poussé par une pulsion propre à sa condition - Fenihara Shaporo se rendit jusqu'au Bassin Noir, accompagné par son frère d'armes, collègue, et co-fragment Ando Fusakore - ancien Lieutenant du Troisième Œil ayant œuvré pour la destruction de Grand Order, notamment dans la région de Kansai, contre les manigances professionnelles de Hayate Kyoka.

C'est ainsi, qu'après de rapides minutes de déplacement jusqu'au cœur de l'île de Honshu, les deux compères pénétrèrent l'aura du feu Exarchus.

ANDO KUSAKORE

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— Ça n'a pas changé d'un iota. Toujours le même abandon. Toujours le même silence.

Le Milan Noir observa les lieux d'un œil expert, chassant les ombres pour en découvrir leur vérité.

— Les autres devraient arriver d'un moment à un autre.

Soudain, la bordure de la bulle spirituelle commença à vibrer - signe que quelque chose essayait de la traverser pour entrer à l'intérieur. Par réflexe, l'ex-shinigami mit la main sur le manche de son tantō, prêt à soumettre tout intrus inopportun.

SHINMEN AKIRA

— Pardonnez mon retard. J'ai mis plus de temps que prévu.

La Grue à couronne rouge fit une légère révérence militaire. Derrière lui, une nouvelle ombre approcha.

MIUGOKI SENDO

— ... Ainsi, il ne reste plus que vous trois.

La gigantesque Relique du Faucon trainait dans son dos, comme à son habitude. Mais cela faisait longtemps qu'il n'avait plus été aperçu au sein du Nihon. Son ermitage avait été d'une efficacité folle - loin de tout centre de population ; loin du Dernier Refuge.

SHAPORO

Certaines sensations étaient à la fois désagréables, familières et appréciables. Je m’étais fait à l’idée d’une vie nomade, ne pas avoir d’affiliation, ne point ressentir de sentiments envers quiconque… Mais je n’arrivais jamais à tenir mes promesses. Mon logis au sein du Jiyuutaisha n’en était guère la cause. Mon très cher partenaire l’était, c’était indéniable. Qu’importe comment je l’interprétais oralement et mentalement, ce que je ressentais au fin fond de moi différait de mes pensées. Je détestais cela mais… Je me trouvais à ma place.

« Tu préférerais peut-être que cela s’ébruite et se mouvemente… ? », soufflais-je alors de la première remarque de mon ancien collègue de division.

Parfois, un macabre silence était préférable à un exécrable brouhaha. Si l’on se retrouvait sur les lieux, cela signifiait-il que quelque chose était sur le point de se produire ? Cette Fin approchait d’après les Prophètes du Vide. Devrais-je informer les derniers survivants de l’Armée des Ombres de mes dernières découvertes ? Il était clair que l’avenir allait être mouvementé, et que j’aurais bien besoin d’alliés fiables… Mais. J’avais du mal à faire confiance à autrui, et ce même malgré les circonstances actuelles.

Répondant au salut de Shinmen Akira par une révérence tout aussi respectueuse, mon regard se dirigea finalement vers Sendo, un léger sourire sur le coin de ma bouche.

« Je pensais ne jamais vous revoir, Faucon. Si même vous êtes présent, j’imagine que ce jour ne sera pas de tout repos. »

Espérais-je que mon temps de relaxation perdure de plus belle, ou étais-je impatient de découvrir quoi que ce soit qui puisse troubler encore plus ma quiétude ? Pour être franc, je ne pouvais m’empêcher d’être un petit peu excité à l’idée de nous regrouper à cet instant, et aussi un petit peu enthousiaste je l’admets.

« Ainsi, nous ne sommes plus que trois. Je sais que je suis le dernier venu, mais c’est tout de même déplorable. »

MIUGOKI SENDO

— Je ne pensais pas non plus vous revoir, pour être honnête. Mais il semblerait que notre « esprit de ruche » ait décidé de nous rapprocher une fois de plus.

SHINMEN AKIRA

— Toi aussi, tu l'as ressenti ?

MIUGOKI SENDO

— Oui...

ANDO KUSAKORE

— Tu sembles cacher quelque chose, Faucon. Tu as changé. Où étais-tu pendant tout ce temps ?

Par déformation professionnelle, le Milan noir savait se poser les bonnes questions - ou plutôt, il pensait dur comme fer qu'il n'y avait pas de mauvaise question... seulement des vérités plus dures à arracher. Derrière son masque placide, deux yeux scrutaient les moindres détails du faciès de Faucon, profitant d'un certain goût pour la sensorialité - et ce grâce au sang noir - pour sublimer son inspection.

— Il a grandi en toi, n'est-ce pas ?

MIUGOKI SENDO

— Tu es devenu effrayant, Milan Noir.

SHINMEN AKIRA

— Et maintenant ? Que faisons-nous ? Caduque est l'époque où nous avions un royaume à diriger.

Le Bassin Noir vibra soudain. Comme si une goutte d'eau s'était écrasé en plein cœur, et avait causé maints remous. Une goutte d'eau... ou de sang. La Grue à couronne rouge leva la tête vers le plafond du hall principal de ce château en ruines, et devina une flaque noire défiant la pesanteur, perchée. Toutes les quelques secondes, une goutte de plus quittait le nid pour venir s'écraser sur le Bassin en contrebas.

— Ça n'est pas habituel.

MIUGOKI SENDO

Faucon se rapprocha du Bassin, perplexe. Cet amas de sang noir avait servi au baptême de chacun, ici présent. Un moyen de ne faire qu'un avec la Ruche ; un moyen de rentrer en contact avec le Monde Intérieur du Dieu Déchu. Une dangereuse méthode...

— C'est un appel.

SHAPORO

Esprit de ruche hein… Je n’avais pas idée de quel genre de pacte ils avaient concédé face à Impĕrātŏr, mais je doutais que leurs intentions soient identiques aux miennes. Après tout, quelqu’un d’aussi arrogant que moi ne courrait pas les rues. Bien que j’accordais mon attention et ma précieuse aide à cette déité, je le faisais au nom d’un partenariat et non une soumission. Qu’importe l’influence qu’il pouvait avoir sur moi, je ne changerais pas ces conditions.

« Cet appel est loin d’être anodin pour que cela touche chacun de nous. On dirait que ça commence. »

Notre propre réponse à tout ce beau bordel, entendais-je par là. Si notre très cher partenaire ne nous offrait aucune solution, je n’aurais plus le choix que d’annoncer mes propres desseins.

« Le pays est dévasté, mais la réalité est toujours existante. Si vous aussi souhaitez avoir des réponses, nous ne pouvons que répondre à cet appel. », dis-je alors pour rebondir aux précédentes paroles d’Akira.

Je n’étais pas certains du savoir que chacun possédait, mais j’étais sûr qu’ils ne devaient pas être complètement désemparés. Ils devaient sans doute avoir une idée de ce qu’il se tramait.

« J’y vais en premier. », fis-je d’un mouvement de bras avant de pénétrer dans le bassin et de progresser en son centre.

MIUGOKI SENDO

— Attention où tu mets les pieds.

NARRATEUR

Fenihara Shaporo fit le premier pas. Une jambe après l'autre, il trempa ses pieds dans le Bassin Noir, pour enfin y avancer. Le sang lui arriva très vite à hauteur de taille, tandis que les trois autres Oiseaux de l'Armée des Ombres attendaient, patiemment. Une invitation arriva aux oreilles du shinigami : s'allonger. Vint le souvenir de son Baptême, où il avait rencontré directement le Dieu Déchu : un tourbillon d'ichor ; une pluie inversée ; une tornade tempétueuse ; et cette vive douleur aigüe lorsque le sang noir avait infiltré le sien par de trop nombreux capillaires.

Mais il n'y avait rien de tout cela, pour le moment.
Juste une invitation.
Alors, il se laissa guidé...

IMPERATOR

— Bienvenue, Impĕrātŏr.

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Une mer de sang, à perte de vue. Mais aussi des statues gigantesques, desquelles on ne voyait que les pieds imposants - enchaînés. À peine capable de lever les yeux au ciel, le Fragment n'y voyait qu'un épais brouillard noir, sanguin, sensible à la vue extrasensorielle des élus du Dieu Noir. Le buste de ces structures rocheuses, quant à elles, demeuraient invisibles, dissimulées par les épais nuages...

Jamais le Fenihara n'avait posé pied dans ce biome contre-nature, inquiétant.

— Il est temps, Hôte.

Temps pour récupérer ta couronne.

ANDO KUSAKORE

https://www.youtube.com/watch?v=df4oPN2j4ig

— Harfang ? C'est bien toi ?

NARRATEUR

Au loin, Ando Fusakore peinait à marcher, le corps en piteux état. Il déambulait, titubait, errait, manquait parfois de s'écrouler face contre terre, et s'écrasant au mieux à genoux pour mieux se relever. Son masque, perdu dans la vaste étendue poisseuse, laissait entrevoir un visage brûlé sévèrement, couvert de cicatrices, guéri avec le temps. Une démarche pitoyable. Faiblarde. Diminuée.

Une proie.

IMPERATOR

— Nourris-toi, Hôte. Les Fragments sont destinés à s'unir, et tu seras l'amalgame qui accueillera toutes ces graines bourgeonnées. Quelle est l'importance de la vie d'un collaborateur insignifiant, face au destin de l'Univers ? Tu as besoin de notre puissance. Et cette puissance est tienne. Je te l'offre sur un plateau d'argent. Alors... saisis-la.

ANDO KUSAKORE

Milan noir s'arrêta un instant. Face à lui, plusieurs mètres le séparant de ce point d'intérêt unique, Harfang se tenait debout, lame à la main. Des volutes de sang noir zigzaguait autour du jeune homme, épousant ses formes comme une seconde peau - ou une présence fantomatique le lovant d'une présence paternelle. De là où il était, l'ancien Lieutenant pouvait voir les deux billes rouges du Dieu Déchu - derrière son collaborateur.

— S'il-te-plaît, Harfang. Ce n'est pas ce que tu crois !
Narrateur
BOT
— 02/02/2023 16:48
Le corps de Shinmen Akira glissa subrepticement dans le champ de vision des deux Oiseaux. Le dos complètement ouvert, son cadavre gisait là, porté par un timide courant imperceptible. Son sang ne faisait qu'un avec celui du Cercle. Né poussière, il était redevenu poussière.

ANDO KUSAKORE

— Non... Pas après tout ce qu'on a accompli... ! ... NON ! PAS COMME ÇA ! ÉCOUTE-MOI, HARFANG ! AAAAAAAAAH !

SHAPORO

J’avais presque oublié les sensations que j’avais pu ressentir lors de ma première rencontre avec mon partenaire. Toutefois, ces souvenirs me revinrent un bref instant, ce qui me mit en garde sur la probable foudroyante douleur qui allait survenir.

Mais il n’en fut rien. Seul le paysage autour de moi s’était déformé pour un funèbre tableau déconcertant. Ce n’était pas l’endroit où j’avais conversé avec Impĕrātŏr. Ce lieu s’était-il déjà déplacé en mon for intérieur ? Cela ne m’étonnerait guère. Je le pressentais déjà avant même d’être sûr de l’idée.

« Oui. Il est fin temps… »

Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu ses murmures aussi clairement. Un tel lieu, et une telle circonstance… Et pourtant, malgré les allures macabres des environs, un certain plaisir croissait en mon cœur.

Je suis vraiment étrange, mais je crois bien que je n’échangerais mon cas pour rien au monde.

Le brouillard ébène des cieux se projetaient faiblement au sol, mais ne m’empêchaient pas d’observer les alentours. Outre les susurres de mon cher Partenaire, je pouvais aussi entendre les râles d’un collègue.

« Ne t’inquiète pas, Partenaire. Même moi suis capable de voir et comprendre ce qui importe véritablement », murmurais-je pour moi-même et mon interlocuteur, Impĕrātŏr. « Si je dois sacrifier des collaborateurs pour faire face au destin de l’Univers, je n’ai pas à réfléchir deux fois. Les seules vies qui m’importent réellement sont… La mienne, et celle mes très chers partenaires, et ce tant qu’ils respectent leur propre part du marché. »

SHAPORO

Ce sous-entendu n’était fait pour être subtile, mais ce n’était pas non plus un reproche ou une menace. Il fallait plutôt voir cela comme un avertissement. Des partenaires étaient forcément égaux et un certain respect devait demeurer entre chacun.

Certes, j’étais capable de trahir ma propre famille mais je respectais tout de même quelques valeurs. Celle du partenariat en était une. Après tout, il était impossible de vivre dans la paranoïa la plus totale… Et je ne pouvais pas non plus compter uniquement sur moi-même pour résoudre tous mes problèmes.

« Mes excuses, collègue. J’ai promis à mon partenaire de l’aider du mieux que je peux. Et malgré moi, je tiens toujours mes promesses. C’est pourquoi, j’ai besoin de ton fragment. », soufflais-je alors.

Était-ce là l’idéal protagoniste que je souhaitais être ? Je savais que je ne pouvais accorder ma confiance aveugle envers Impĕrātŏr. Était-il actuellement en train de me tromper ?

Qu’importe. Je ne pouvais plus reculer. Aie confiance en toi, Shaporo. N’aie pas peur d’un dieu. Si tu t’arrêtes maintenant… Tu ne seras qu’un menteur effronté. Même si je deviens un antagoniste principal, je serais un antagoniste victorieux, et donc un protagoniste.

« Ce pouvoir… Cette puissance… Est mienne ! »

NARRATEUR

https://www.youtube.com/watch?v=f03IHCr9dJY

Ando Fusakore, dit Milan noir, perdit la vie ce jour-là. Son sang, arraché de force par une main invisible, l'avait quitté par tous les pores. De vilains sillons noirs s'étaient déversés de ses yeux blancs ; sa peau s'était noircie, signe du rapprochement de ses capillaires au plus haut de sa peau ; son estomac s'était comprimé, le forçant à vomir un miasme de bile et d'hémoglobine ; ensuite, chaque membre s'était contorsionné, tous les cartilages sautant les uns après les autres ; enfin, sa chair avait été essorée dans une transe morbide, son corps lévitant à hauteur des pieds enchaînés, en-dessous de la brume opaque. Lorsqu'il retombe, le pauvre Milan noir n'était plus qu'une carcasse desséchée - ses fluides joints à la mer de sang.

MIUGOKI SENDO

Les pas de Faucon retentirent dans la gigantesque flaque, provoquant le silence en duel. Les remous vinrent s'écraser sur les gigantesques pylônes de roche, à mesure qu'il avança vers Fenihara Shaporo. Dans sa main, le gigantesque espadon - relique maudite propre à l'Armée des Ombres - suintant de sang qui avait vaincu Shinmen Akira quelques minutes auparavant.

— Je te donnerai notre pouvoir absolu, et une carte blanche à toute épreuve. Choisis nos combats, et tu pourras compter sur notre Toute-Puissance. Je compte sur notre ascension pour vaincre le Destin. Et ne te tournerai le dos qu'une seule fois.

Quelque chose n'allait pas en feu Miugoki Sendo. Son ermitage. Son absence. Le poids du Dieu Déchu en lui, perçu par Milan noir. Où avait-il bien pu passer ces dernières années d'errance ? La réponse était claire comme de l'eau de roche : ici bas.

— Mais tu en survivras toujours. Et seras toujours l'Empereur du Nihon.

Faucon saisit son arme imposante, et menaça son abdomen avec. Fixant le visage ensanglanté de l'éphèbe, l'ancien yakuza s'empala aussitôt, avant de faire remonter la lame jusqu'à son poitrail, puis son cœur. Son corps tomba à genoux - puis inerte.

IMPERATOR

— Bienvenue dans le 5ème Cercle.

SHAPORO

Quelle vision d’horreur. Le pauvre Fusakore était complètement essoré de tout fluide par une force tierce. Cela aurait pu être mon destin si je n’avais guère pu tirer mon épingle du jeu. Inutile de tergiverser sur ces pensées, j’avais emprunté un chemin différent de la plèbe.

T’es-tu laissé emporté par le fragment qui était en toi, Sendo ?

Il était effectivement étrange, mais aussi très familier… Comme si je parlais à mon Partenaire. Les fragments possédaient-ils une liaison assez forte pour détenir un esprit commun ? M’enfin, l’information provenant de ces paroles m’empêchaient de véritablement penser davantage à ces futilités.

Étrangement, je ne doutais pas de ces dires. Il ne me tournera le dos qu’une seule fois, mais j’en survivrais. Qu’une seule fois, donc une seule fois suffirait pour mettre un terme à notre partenariat ? Pour quelle raison le ferait-il ? La Fin… Ou bien, la fin… ?

« Tu m’ôtes le plaisir de le faire, Sendo… », soufflais-je alors en le voyant perdre vie de son propre acte. « Ou devrais-je plutôt dire, Impĕrātŏr ? »

Je dois l’admettre, c’est quelque peu dommage que même Akira ait dû perdre la vie. Désormais, j’étais réellement le dernier. Bien que ce soit le plan depuis le début, avant même que je ne rejoigne l’Armée des Ombres, c’est quelque peu déroutant.

« Je n’ai jamais perçu une invitation aussi… Élégante, Partenaire. », dis-je alors.

Mes pas ne se dirigeaient pourtant pas vers la source de cette voix, mais plutôt vers le défunt Faucon en premier temps. Un léger soupir s’enfuit de ma bouche avant que je n’empoigne la poignée de son arme, puis la relâcher après avoir échappé une seconde bouchée d’air. Je me tournais finalement vers mon Partenaire.

« C’est donc le Cinquième Cercle. As-tu d’autres surprises prévu pour moi ? »

IMPERATOR

— Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas retrouvé pareille vitalité. Après bien des éons, je vois en nous l'occasion de rebâtir notre Empire Noir. Et cela commencera par ce Cercle dévasté, abandonné par Pater et ses rebuts.

Une profonde haine teintait les paroles du Dieu Déchu pour son père, que Fenihara Shaporo put ressentir sans problème. Un goût de fer lui avait souillé la langue, de concert avec de noires idées à soumettre pour se venger d'un paternel injuste.

— Si surprise tu quémandes, surprise tu auras ; sens les ramifications de ce Cercle avec ton propre être, ton propre toi. Bien des racines se sont créées, dans l'ombre de nos vies, pour faire le pont entre nos deux mondes. Nos deux subconscients. Nos deux espaces vitaux.

L'image d'une Monde Intérieur inversé s'imposa à l'Empereur. Les deux facettes d'une même pièce.

— Modèle ce Cercle, qui est tien comme il l'est pour moi. Expulse ton esprit, qu'il décore ces témoins de ma déchéance, et assèche cette mer de sang noir. Dès à présent, lorsque tu voudras trouver refuge des affres de la surface, tu pourras t'abriter dans ce temple sacré.

SHAPORO

Pour être honnête, j’étais légèrement troublé à l’idée que mon Partenaire exige que je me soumette à d’autres Exarchi, mais il semblerait que j’avais eu un bon jugement en m’approchant du Dieu déchu et en clamant ma neutralité. Ce dernier avait l’air de porter une certaine haine contre Pater…

Après avoir entendu la nouvelle surprise que m’offrait Impĕrātŏr, je pouvais affirmer certaines choses que je ressentais par le passé, mais dont je n’étais pas totalement sûr. Son monde s’était installé dans le mien… Soit. Du moment qu’il ne dévorait point le mien, il était le bienvenu en mon for intérieur. Non. J’allais même faire plus… J’allais supprimer les délimitations entre nos mondes. Son monde est mien, comme mon monde est sien.

Concentrant mon subconscient de sorte à préparer ce que j’envisageais de faire, j’écoutais en parallèle les instructions de la déité, et effectuais les démarches possibles afin de lier ce Cercle à ma personne.

« C’est une sacré surprise que tu m’offres là, je t’en suis reconnaissant Partenaire. Je prends note de ce refuge… »

Dis-je alors en observant de nouveau le paysage, l’admirant autant qu’un nouveau admirable foyer.

« J’imagine qu’il nous sera possible de converser plus aisément aussi… », murmurais-je comme pour demander confirmation à mon interlocuteur. « Quant à l’Empire Noir, je suis aussi prêt à aider. J’ai déjà commencé à influencer quelques personnalités qui me sont désormais fidèles. Pour l’heure, ce groupe est couvert sous les traits d’une troupe de mercenaires. »

IMPERATOR

— Tu es dorénavant maître du Don Noir. Offre-le à quiconque mérite de te servir, de t'obéir. La confiance n'est qu'une illusion humaine n'excluant pas le contrôle. Penses-tu que ces mercenaires seront prêts à mourir pour l'Empire Noir ?

Le 5ème Cercle commença doucement à changer d'apparence. Le Monde Intérieur de Fenihara Shaporo apparut en quelques endroits, avant de s'installer complètement, à l'exception de quelques détails trahissant la nature du co-propriétaire des lieux. Si eau il y avait, l'on pouvait apercevoir des flaques de sang noir en quelques endroits ; si ciel bleu l'on pouvait admirer, un nuage noir cendre trainait là, parmi la couverture de coton.

— Notre Empire Noir. Et il sera de nouveau érigée ; contre vents et marées ; temps et usure ; anges et démons.

Les Exarchi avaient trahi l'Empereur. L'Empereur avait puisé dans cette haine viscérale pour ne pas abandonner son état précaire. Et, enfin, après des millénaires de survie et de compromis, le Dieu Déchu était sur le point de se venger des rebuts de Pater.

— Tu as carte blanche, Impĕrātŏr. Je me soumets à ton ambition. Il y a néanmoins une proie qui pourrait nous offrir la vie éternelle. Tu connais déjà son nom. Celui sur les lèvres de toute déité tellurique. Un sobriquet cachant sa véritable identité : Pater...

Érigé au milieu du Monde Intérieur de Fenihara Shaporo, l'image d'un cocon de bois et d'ambre fragile, aux battements cardiaques à peine perceptibles. Dans cette pièce secrète, suffisamment de sang noir pour atteindre les genoux de tout gardien - tapissant doucement les murs tel un champignon parasite. Le pouvoir sacré d'Impĕrātŏr avança vers la cœur du Nihon ; bientôt, le 1er Cercle entier sera recouvert de cet hémoglobine poisseux. Et, d'une dernière pulsation, l'Âme-Monde du Soleil Levant abandonna son piédestal.

— Susano'o.

SHAPORO

Je n’avais certes pas autant d’expériences que lui, mais je n’étais pas non plus naïf au point d’octroyer ma réelle confiance envers quiconque. Par ailleurs, quelques de ses mots arrivaient à me faire esquisser un léger rictus de déplaisir, quasiment imperceptible.

« Sache une chose, je n’oublierais jamais mes origines. C’est en oubliant qui je suis à la base que je sonne ma propre fin. », dis-je alors en réponse instantanée à mon cher interlocuteur.

Même si je croissais jusqu’à ce que je devienne moi-même une déité, j’aurais toujours une base humaine, et j’en garderais certains traits sans aucun scrupule.

« Ceci étant, je sais à quel point il est inutile de faire aveuglément confiance à autrui, et qu’un contrôle se doit forcément d’intervenir dans l’équation pour un résultat satisfaisant. »

Il fallait croire que mon Partenaire ne choisissait pas n’importe quel réceptacle pour sa résurrection vu que nos visions coïncidaient fermement. Ou bien, étais-je naïf et facile à manipuler à ses yeux… ? Qu’importe. Je ne pouvais qu’admettre avoir besoin de son pouvoir.

Traversant le brouillard ténébreux des lieux, s’érigeait une dense forêt de bambou dont les feuilles laissaient transparaître une lueur sanglante. Mon propre monde s’appropriait les lieux. Ce cinquième cercle devenait rapidement mien, sans en perdre les traces de son propriétaire originel. Impĕrātŏr m’offrait donc réellement un Cercle, et semblait visiblement me léguer son titre par la même occasion… Comptait-il sur moi pour le remplacer totalement, avant de me doubler ? Malgré mon mauvais présage, il m’avait trop donné pour que je refuse ses demandes.

SHAPORO

« Soit, je prendrais ton titre, Partenaire. Je redresserais aussi… Notre Empire Noir. Je te vengerais aussi de Pater malgré les risques que cela encourt. »

Pour être franc, je n’étais pas sûr de ce que je venais d’annoncer. Susano’o… Pouvais-je véritablement absorber cet être avec ma puissance actuelle ? Il me faudrait un plan bien ficelé… Très bien ficelé, mais ce n’était sans doute pas impossible…

Ceci étant, après avoir vu le spectacle qui s’offrait devant moi, je ne pouvais pas m’empêcher de me questionner sur la situation de la divinité.

« Cette vision est-elle véridique ? Une opportunité aussi forte serait-elle déjà de mise ? »

IMPERATOR

— Je ne suis pas devin, Impĕrātŏr. Cette vision n'est que la cristallisation de ma rancœur. Mais à celui qui s'en donne les moyen, rien n'est impossible. Viendra le moment opportun où nous aurons accès au 1er Cercle. Viendra la moment où nous pourrons réclamer ce qu'il nous revient de droit.

La voix du Dieu Déchu s'envola alors entre les tiges de bambou du Monde Intérieur, infusant chaque fibre spirituelle - créature omniprésente. Dès lors, les cadavres sans vie des Oiseaux de l'Armée des Ombres se relevèrent comme un seul homme, leurs blessures toutes coagulées.

— Tes amis ne sont pas censés avoir disparu. Ils pourront t'accompagner où que tu le souhaites. Faucon restera ici.

Une racine tellurique, noire comme le sang du Dieu Déchu, apparut alors devant Fenihara Shaporo.

— Si tu n'as pas d'autres interrogations, Partenaire, rejoins la surface.

SHAPORO

Alors ce n’était là que la matérialisation de sa haine. Évidemment, les choses ne pouvaient pas être aussi simples, et il fallait provoquer cette chance pour pouvoir accéder à ce genre de scène.

« Alors je te demanderais de patienter pour ta vengeance. Il en va sans dire que je pourrais nullement atteindre cet objectif en seulement quelques jours. »

Puis, une scène que je ne pensais jamais observer se déroulait face à moi. Je n’étais pas certain si cela était de la résurrection, ou bien une illusion ou du marionnettiste… Mais mes anciens collaborateurs se relevèrent de leur position de mort, comme des soldats transfigurés.

« … J’ai bien d’autres interrogations mon cher Partenaire, mais je doute pouvoir réellement comprendre les réponses à ces questions. Lorsque je serais davantage mature, je reviendrais te quémander explication. Pour l’heure… J’ai un combat que je dois rejoindre et que je dois donc préparer. Ce Destin ne pourra pas m’être imposé. »

D’un geste de la main, je commandais les Oiseaux de se retirer dans l’obscurité avant que je ne m’estompe moi-même dans les ténèbres pour ressortir du cinquième Cercle, de mon foyer.

« Monde… Ton Empereur est de retour. »