DAEQIRELLE

— Rei...

Comme une goutte qui tombe dans l'eau. Un bruissement de feuille derrière soi. Un léger tintement, lointain, aérien, qui sombre très vite dans le brouhaha environnant. On s'étonne ; se questionne ; se retourne ; mais seul le néant nous répond.

— Rei... s... r...

Les étoiles, par-delà le ciel artificiel du Seireitei, brillent de mille feux, comme si rien ne s'était passé. Somptueuse bulle spirituelle conservant le moral des êtres humains et shinigami en formation. Par-delà, oui, tant de dangers opèrent ; par-delà, oui, des êtres cauchemardesques gravitent autour de l'étiolement de mondes peuplés.

— Reisender.

Un mot. Un nom. Un coup de jus pour l'esprit qui saute à deux pieds. Son nom. Par-delà la bulle spirituelle, par-delà la sécurité, par-delà la Cité de l'Apocryphe, quelqu'un crie son nom.

— Rejoins-moi...

REISENDER

Je suis Reisender et je me dois de rester vigilent. Un appel, une prière, un souhait, une volonté propre et net d'une entité émettrice d'un message m'étant destiné. Est-ce là un piège du Vide, profitant du mutisme temporaire de Mère pour tenter de corrompre le plus fidèle de ses enfants ? Je ne peux croire en une pareille coïncidence.

Cependant, au cas où il s'agit d'un réel appel de ma sœur Daeqirelle, je me dois d'y répondre, d'y aller et de parler avec elle. J'ai d'ailleurs quelques informations à obtenir sur la situation actuelle au sein du Speerspitze, de Sylric et de ses plans à venir.

C'est pour cela, que je me suis préparé, à répondre à l'appel. Pour cela, j'ai prévenu Ma Sœur de mon départ, j'ai ressentis son cœur lourd de devoir rester au Jiyuutaisha. Quelle faiblesse d'esprit ces sentiments, si j'en avais, je serai peut-être même heureux de ne pas en avoir, quelle ironie, n'est-ce pas ? Je me suis également équipé de ma toute nouvelle armure, créée le plus fidèlement comme celle d'un Stern Ritter originel, comme celle du premier des Stern Ritter que j'ai rencontré.

Je m'éloignes du camp, j'ouvre un portail en direction d'un étoile quelconque, puis, de nouveau, une dizaine d'autres, une technique simple mais efficace pour ne pas être tracé, difficilement, en tout cas, les sens aux aguets. Car peu importe où nous nous cachons, nous sommes surveillés, traqués, et je me dois d'être plus vigilent d'entre tous. Trop de gens comptent sur moi. Je ne peux les décevoir, je ne peux décevoir Mère. J'arrive au bout de quelques minutes au point de convergence.

J'enlève mon casque à sa vue.

" Me voilà, moi Reisender, ai répondu à ton appel. "

Je ne m'excuse pas pour mon retard, nous ne sommes pas de ceux qui s'expliquent sur ce genre de futilités. Si elle m'a appelé, c'est d'une importance première. Je suis tout ouïe.

IANMYAR

https://i.imgur.com/BEZ8cpu.gif

— Et je t'en remercie.

Nulle Daeqirelle pour accueillir le saint patron des Valkyrs. À la place de sa belle robe, et la longue chevelure blanchâtre qui sied si bien son visage, l'apparence stoïque d'une armure familière régnait en maître sur l'étoile morte.

— Bonjour, mon frère. Ta nouvelle confidence te sublime.

Si les frères et sœurs les plus proches du Stern Ritter auraient pu, dans un autre contexte, deviner aussitôt le changement de nature qui s'était opéré en lui pendant la dernière quinzaine, Reisender était hélas dénué de la sensorialité nécessaire pour le signaler. Ça n'était qu'Ianmyar - mystérieux, et plein de stratagèmes, comme on en avait l'habitude.

Son heaume enlevé, l'augure dévisagea son camarade des pieds à la tête, peu certain de reconnaître son interlocuteur, comme s'il lui manquait la vue. Et pour cause, il venait de perdre son sens le plus précieux.

— J'espère que tu ne retiendras pas ce détail. J'avais besoin de notre sœur pour t'appeler hors du Nihon. Car... il est temps pour toi d'accomplir ton Acte, Reisender. Ce pour quoi je t'ai trouvé sur cette réplique temporelle. Ce pour quoi j'ai convaincu Valwenys et les nôtres d'arracher les rares plantes du Havre des Esprits pour te ramener à la vie.

Le Stern Ritter, muni de son épais bâton en fer de météorite, fit un bref mouvement de balancier pour faire apparaître une faille. Ses contours, bleus azur, laissaient voir une scène apocalyptique : l'Enfer en morceaux. Perché sur ce monticule de sable blanc, seul le Silbern restait en parfait état, pulsant d'une énergie nouvelle - envahissante. Le domaine des vrais chevaliers des étoiles. Le cœur de l'empire de Sylric, Héritier de Tsukuyomi - et son frère d'armes Erberos.

REISENDER

https://youtu.be/UDVtMYqUAyw

Un acte à accomplir ? Qu'est-ce donc que cela ? Tout était donc prévu ? Ce que j'ai vu par le passé, lorsque j'ai pris conscience, lors de mes longues méditations, que tout était lié, c'était donc vrai. Je n'en ai jamais douté, bien sûr, puisque je suis après tout, lié à la destiné de l'univers, lié à son sauvetage, lié à sa sauvegarde. Cependant, cela parait toujours légèrement étrange, intrigant même, de savoir que se que l'on s'était soit même persuadé durant toute son existence, est réel.

" Je te remercie. "

Je ne souris point, un autre moi l'aurait surement fait, aurait peut-être même rigolé, nul besoin de tout cela face à la Divine mission qui s'ouvre à Moi. Je ne réagis pas à l'ouverture de sa faille, ceci est un spectacle qui aurait pu me rendre fier si je savais qu'il était guidé par une main Sage.

" Soit. Bien des épreuves j'ai dû traverser pour que l'on se retrouve de nouveau. Qu'as-tu donc à m'apprendre ? Est-ce le moment pour toi de me révéler certains secrets ou suis-je encore trop jeune, trop inexpérimenté ? Comment peut-on mettre fin à la folie de l'Héritier de Mère ? "

IANMYAR

— Sylric n'est pas fou. Il partage seulement sa vision, comme tu as si vaillamment cru à la tienne. Il protège le vœu des Stern Ritters, qui est celui de se battre coût que coût contre l'inévitable Fin. Il conserve la parole de Mère, qui nous a éduqués selon ce précepte sacré. Sylric... est le plus fidèle de tous les Fils de Tsukuyomi.

L'augure fit une pause dans son discours ; et, voyons le désintérêt de Reisender pour son artifice, se chargea de l'arrêter net. Il ne restait plus que les deux Stern Ritters, et ce monde abandonné de tout espoir - dévoré par le Froid Mordant.

— Mais Sylric est notre ennemi. Enfin, l'est-il vraiment ?

Ianmyr se retourna. Contempla l'absence d'étoile de la voûte stellaire noire. Seuls deux astres brillaient au loin : le Havre des Esprits, timide, et son modèle séculaire appelé « Nihon ».

— Qu'as-tu contre lui, mon frère ? De quoi l'accuses-tu ?

REISENDER

C'est donc à moi de répondre en premier. Une quête de réponses, de vérités ? D'assurance de ma pleine conscience des événements présents et à venir ? D'ailleurs, c'est de cela que l'on peut parler, après tout, je n'ai jamais connu leur passé.

" C'est justement là son erreur. Tout comme la vôtre. Tout comme la mienne. Croire qu'il n'y a qu'une solution à un uniquement problème. J'ai le luxe de ne pas avoir vécu votre passé, j'ai le luxe de voir ce qu'est le présent et possiblement le Futur. Je me bats pour sauver l'univers, dans son ensemble, pas seulement le Silbern. "

Je comprends ses interrogations, cependant, il doit se rappeler que je ne suis qu'un oiseau qui apprend tout juste à voler.

" Sa fidélité l'a aveuglé, il s'est égaré. Il a certes créé la plus grande arme que l'on pourrait imaginer, pouvant peut-être faire tressaillir les plus puissantes créatures du Vide, que sais-je. Je me suis battu, depuis ma première ascension, à suivre Mère, à gravir les marches jusqu'à Ses côtés, jusqu'à pouvoir un jour tutoyer les Divins. Mais, je n'ai pas oublié ce qui m'a créé à la base, sans quoi je ne serai pas ici aujourd'hui. Je n'ai pas douté, ni reculé, ni faiblit lors de la troisième marche, car telle était la Volonté de Mère. Je suis toujours resté convaincu qu'en nombre, nous pourrions sauver l'univers, d'où mes bonnes relations avec des êtres du Concile Blanc. "

Je prends le temps de prononcer ces dernières paroles avant de le laisser s'exprimer à son tour.

" Oui, j'ai eu le luxe de voir ce que nous pouvions faire, avec des alliés... Détruire et anéantir le Nihon pour galvaniser le Silbern, ce n'est, pour moi, pas la solution. Je ne suis qu'un angelot comparé à toi ou aux autres de nos frères et soeurs, c'est pourquoi il me manque encore les clés nécessaires à la vision de l'ensemble de ce qui est possible. Eclaire-moi, je te prie, mon frère. "

IANMYAR

Un discours plein de doute, mais d'assurance. Une réflexion poussée sur les concepts même du Menschen-Nacht, jusqu'à ses limites flagrantes. Une solitude fatale, contre des factions opposées pouvant néanmoins lutter de concert. Le bien. Le mal. Le salut de l'Univers. Celui du Silbern. Mère. Suivre Mère. Une route empruntée à l'aveugle jusqu'au désert de sable blanc voire plus loin - l'au-delà. Mère, Mère, et encore Mère. Un modèle d'albâtre, puits d'inspiration dans lequel le Stern Ritter buvait sans cesse. Mais, au moins, Reisender comprenait. Il comprenait que Sylric n'aidait pas la cause en appliquant Ses paroles de la sorte.

— Assis-toi.

Ianmyar bougea les doigts de manière imperceptible ; du Reishi apparut de sa ceinture pour en faire deux assises de fortune. Il s'installa, sans tarder, sur celle la plus proche, laissant l'occasion à son confrère d'en faire de même.

— Tu n'as jamais connu notre Mère.

Jamais son regard n'avait autant creusé le sien. Car il ne regardait plus le futur, à présent.

— Celle qui hante ton esprit envoûté... n'est que son souvenir aux yeux de Sylric.

Le Stern Ritter plongea une main dans son Monde Intérieur pour y sortir une gourde étrange - de conception shinigami. L'art exotique - mais cohérent - du Jiyuutaisha semblait orner le contenant. Le symbole d'une certaine Taverne.

— Bois ça.

D'un geste net, il balança la gourde à son frère.

REISENDER

Cela ne peut être vrai. Cela ne peut être un mensonge. Je regarde le plus profondément à l'intérieur même de l'âme de mon Frère. Je n'ai pas des dons perceptifs comme ma Sœur, mais aucun doute, il ne ment pas, il ne peut pas mentir, surtout pas sur ce sujet.

" Je..."

Soudain, une sensation étrange, d'un lointain passé, vient me caresser le visage. L'absence de gravité fait voler ce qui semblait couler de mes yeux... Des larmes...

Tel un mirage, tout comme Mère, après tout, ce liquide disparaît dans l'espace, tandis que je me saisis de cette gourde typique de chez Ryo, un frère d'armes qui s'est avéré être une personne utile et efficace. Ce qui me surprend le premier, j'en bois une gorgée, une sensation étrange, familière, mais amère et dérangeante qui brûlerait presque la gorge alors que son contenant est froid. Première fois que je bois de son alcool, je me l'étais toujours refusé, de peur de ne plus l'entendre.

" Je te remercie, mon Frère... C'est, assez étrange, mais je l'ai surtout rêvé, imaginé, déguisé, puisque je ne l'ai jamais rencontré, je ne pouvais que la fabuler... Si ce que j'ai pu voir et croire par le passé, est l'œuvre de Sylric, au fond, je l'en remercie. Sans Elle, peu importe qui cela pouvait-il bien être, je m'y suis accroché pour parvenir où je suis. "

Une autre gorgée, qui dérange moins, qui soulage presque mon âme et commence petit à petit à engourdir légèrement mon corps, un sensation étrange mais apaisante.

" Ne t'inquiètes pas. Cela ne me déviera pas de ma Destinée. Je suis Reisender, je suis un Stern Ritter. Je sauverai l'univers, quoi qu'il m'en coûte et même, si pour cela, je dois transcender ma propre existence pour parvenir à arrêter le froid, les Fins, la Fin. "

Telle une âme en quête de réponses, d'espoir, de quelque chose auquel se raccrocher, cette ultime question, lancé à son Frère.

" Je t'en prie, mon frère, dis-moi que tu sais comment je peux m'y prendre ? J'ai besoin de toi pour y arriver, j'ai besoin d'être guidé. "

IANMYAR

Tendant son bâton à l'horizon, le berger guide les brebis égarées.

— Tu l'aurais beaucoup aimée.

Ianmyar tend sa main pour récupérer la gourde et, après autorisation de son confrère, commence à boire à son tour ce divin breuvage. Comme Reisender, l'augure n'avait pas pour foi l'alcool ni l'ivresse. Des méthodes qui le divergeaient de ses déjà nombreux chemins probables, pour ne pas les dédoubler en lorgnant flou.

— Les sentiments ne sont pas une caractéristique innée pour notre peuple. Nous avons été créées comme des outils, malgré l'amour de Mère. Mais elle a toujours fait montre de son empathie - comme toi. C'est Elle qui, dès le premier jour, s'est dressée contre le Destin pour retarder l'inévitable. Inazami allait sortir de sa geôle et dévorer la Création ; alors, Tsukuyomi a sacrifié son amour pour son frère Susano'o, et celle qu'elle déversait également aux autres âmes-mondes du cosmos, dans le but de consolider la Prison quelques milliers d'années de plus.

VOUS QUI AVEZ DE MAUVAISES INTENTIONS, ABANDONNEZ TOUT ESPOIR.

— Et puis vint une lune, bien plus tard, où elle se rendit compte que son plan était voué à l'échec. Mère est tombée dans une dépression soudaine, et se laissait happer par les prémices des murmures du Vide - des Voix que l'on était encore incapable d'entendre. Nous ne comprenions pas. Nous étions encore... des « gamins » - comme vous pourriez le dire. Des jeunes créatures innocentes, bercées par les idéaux de leur guide, privés d'aucun autre repère pour vivre, ou survivre.

VOUS AVEZ DE BONNES INTENTIONS.

— Sylric, l'aîné, nous a offert une porte de sortie. Le moyen de reprendre le flambeau de Mère, le temps qu'elle essuie ses larmes insensées, et revienne nous lover dans ses bras. Hélas, Tsukuyomi est à l'image du Dangai.

MES ÉLUS...

— Mes frères et sœurs ont préféré oublier cette histoire. Ou, pour certains, s'accrochent encore à l'espoir fragile, inconcevable, du retour de notre Mère. Je l'ai vue, pourtant. Sa robe noire. Son visage blême. Ce visage livide.

MES SOLDATS...

— Sous le Silbern, Tsukuyomi siège. Sa chambre. Son château. Sa tombe. Sa prison.

VOUS ÊTES RESTÉS FIDÈLES À VOUS-MÊMES.

— Et toi, Reisender, tu vas conduire les Valkyrs jusqu'au Havre des Esprits pour La libérer de sa longue torpeur. Tu sais que c'est le seul choix possible. Notre famille idyllique n'a fait que retarder sa chute.

ACCEPTEZ-MOI EN VOTRE SEIN, MES ENFANTS.

— Tu ne seras pas seul, mon frère. Je te suivrai au combat. Et t'apporterai des alliés de taille, dont tu ne soupçonnes pas l'existence. Car l'unique moyen de sauver l'Univers, Berger, je l'ai enfin vu, dans les nombreux futurs d'un millier d'années de prémonitions, brillant comme l'explosion de mille soleils. Nous devons ramener Mère dans les bras de Susano'o...

ANNIHILEZ CET ENNEMI DE LA CRÉATION.

— ... et arrêter leur conflit séculaire.

REISENDER

Enfin. La Vérité sur l'origine de la Fin, l'implication de Mère, son sacrifice, le choix difficile d'un fils aîné pour protéger ses frères et soeurs et continuer le combat, malgré l'absence de tout repère. Je ne peux et je n'ai pas le droit de le blâmer pour cela.

" Je comprends. Enfin. "

Pourquoi Sylric a agit ainsi, pourquoi nous n'avons jamais pu réellement voir Mère, pourquoi cette information est gardé comme la plus précieuse des gemmes par les rares personnes qui en ont la connaissance.

" J'essaierai au possible, de faire retrouver la lumière à notre frère Sylric. Par la force, si besoin. Je te le promets. "

Nous aurons besoin d'une armée conséquente, d'âmes prêtes au sacrifice ultime, avec au final, le même objectif que leur ennemi, le sauvetage de l'univers. Deux visions, deux faces d'une même pièce, mais un affrontement inévitable si on veut s'imposer face au fils aîné, dans son propre royaume, sur ses terres.

" C'était donc la solution ? Au lieu d'une guerre incessante et interminable entre les deux camps, les plus rivaux d'entre tous, une alliance, une fusion, même. "

Je quitte mon frère un instant pour porter mon regard sur les deux étoiles dans le ciel, le Havre et le Nihon. Je commence tout juste, petit à petit, à réaliser la réalité de la situation, l'espoir d'un réel sauvetage de l'univers et surtout, le fait que ma volonté de rendre sa voix à Mère, d'aller au front avec Sylric si nécessaire, va pouvoir se réaliser. Mon regard redescend et se met à fixer de nouveau mon oracle de frère.

" Sois rassuré, mon frère, je m'occupe de rassembler les Valkyrs, de les préparer au combat. Je te promets que je ramènerai Mère auprès de Susano. "

Et nous récupérerons Sylric, si cela est encore possible.

" J'attendrais ton signal. "

IANMYAR

— Sois prêt à agir à tout instant.

Et, en parlant de signal...

NHAARI

https://youtu.be/LFhd4J-Tdf4

Un rire résonna, funeste, reconnaissable entre mille. Le Stern-Ritter avait eu l’occasion de l’entendre pendant le conflit sur le monde des Valkyrs, alors que l’assaut battait son plein - en particulier aux pires moments, ainsi que durant son conflit avec Déicide. L’arrivante s’exprima d’un ton sec et acerbe, sa silhouette se dessinant à la sortie d’un portail teinté des effluves du Vide : la ténébreuse jumelle.

— Ravie de vous revoir, Reisender. Ianmyar.

Elle effectua une rapide courbette sans la moindre sincérité - la Rouge était de bonne humeur. Recevoir un message du Maître qui lui demandait de se battre aux côtés des résidus des Stern-Ritters contre d’autres Anges, en plein enfer ? Elle n’en espérait pas tant. Sa soeur serait aussi de la partie - avec son petit préféré, à n’en pas douter.

Son supérieur lui avait demandé de rester courtoise et de faire un effort, mais d’autres instructions lui avaient soufflé un tout autre refrain.

— Ce sera un plaisir de me battre à vos côtés, cette fois. J’aurais enfin l’occasion de vous voir gagnant - ça vous changera un peu. Vous allez voir, le sentiment est grisant, vraiment ! Le Maître me l’a ordonné, donc vous pouvez compter sur mes forces pour renverser Sylric. J’ai hâte d’envahir le Silbern - même s’il ne reste plus grand chose à y détruire depuis notre dernier passage.

Elle le détailla de la tête aux pieds, se fendant d’un sourire mauvais.

— Vous avez l’air d’avoir bien récupéré, depuis Ojniøz - un robuste gaillard, votre Mère - Père, pardon, il faut que je m’y fasse - doit être fière de vous.

Un sourire mauvais se figea sur son visage.

— Comment va Valwenys ?

REISENDER

Je sais comment un autre moi aurait réagit en de pareilles circonstances. Des sentiments, pratiquement oubliés, la rage, la haine, la colère, que des sentiments négatifs. Cependant, je ne plus cet être insignifiant, ignorant, faible de ses sentiments, de son humanité. Je ne suis plus qu'un être parfait, prêt à devenir le Divin lui-même si j'en trouve l'opportunité, ce n'est donc pas pareille créature qui me ferait flancher, qui pourrait espérer, ne serait-ce, que m'atteindre.

" Il est loin le temps où j'aurai éprouvé quelconque sentiment à votre égard. N'est-ce pas magnifique ? Rien. C'est ce que vous représentez pour moi et c'est également ce que vous représentez pour moi. "

Je me suis douté qu'en parlant d'alliés dont je ne pourrai pas imaginer l'existence, il s'agirait de créatures ou d'êtres auxquels je ne me serai jamais allié, pour aucune raison que ce soit.

" Je suis prêt à tout pour sauver l'univers, même à m'allier aux pires créatures de l'existence s'il le faut. Je l'ai déjà prouvé, je prouverai cela sans aucun soucis de nouveau. "

Un regard plongé dans celui de cette créature à la solde du Maître.

" Elle est morte, tombé au combat, mais ça, vous le saviez déjà. Donc je ne comprends pas votre question. "

Je reste assis, sur mon siège de Reishi, je n'ai aucune raison de faire preuve de respect. J'épargne déjà sa vie, cela devrait être suffisant. Je n'ai ni peur d'elle, ni de personne d'autre.

" J'espère juste que vous ne nous ralentirez pas et que vous nous ne ferez pas défaut au moment crucial. "

Oui, car même si je dois le répéter.

" Après tout, je me nomme Reisender et je suis un Stern Ritter. Sachez les conséquences que ce nom et ce titre implique, à quels sacrifices je suis préparé pour accomplir ma mission. "

Un pareil allié, même de très mauvais augure, ne se refuse pas. Je n'éprouve rien pour elle, cela ne m'empêchera pas de laver l'honneur de Valwenys en exécutant celle qui est la cause de sa disparition. Aucune pitié, aucun repos pour ceux qui se mettront en travers de ma route.

NHAARI

Les réponses du Stern-Ritter ne l’affectaient guère - Nhaari n’était ici que pour rendre service, et l’avis de ce petit bout d’Ange ne comptait que peu. Elle prit cependant la peine de répondre à la question concernant la défunte, car Reisender ne semblait pas encore avoir pleinement cerné la raison de sa présence ici.

— Il s’agissait d’une pure provocation, on m’a demandé de vous tester. Rien de plus.

La Prophète fut tout de même prise d’une pointe de déception. S’il avait attaqué, elle avait reçu carte blanche de Ianmyar pour riposter - et son Maître lui avait uniquement interdit de frapper la première.

— Votre ami et mon Maître ont passé un accord, vous pouvez donc compter sûr moi. Aussi étrange que cela puisse paraitre, il semblerait qu’à présent, nos objectifs soient similaires - même si vous ignorez peut-être encore ce que cela implique exactement.

{Qu’Axur me prête sa patience, cet enfant est dans une boucle - le voilà à mériter son titre.}

Son visage se para pourtant d’un sourire bien plus léger, presque sympathique. En de rares cas, elle pouvait ressembler à son autre moitié. Ses yeux irréels se posant sur Ianmyar, elle souffla.

— On dirait que votre Fou est prêt, Oracle.

IANMYAR

— J'en suis presque déçu.

La réponse de Reisender avait été... étrange. Sans contestation de cette alliance contre-nature, ni étincelle de saine vengeance pour honorer la mort des nombreux Valkyrs - et surtout celle de Valwenys. Même Ianmyar ne comprenait pas. Il était improbable qu'un être vivant ressente aussi peu des émotions aussi primitives que la colère, ou la haine.

— Ainsi tu es aussi vide que tes frères...

L'Oracle se leva de son assise, qui retomba en simples particules de Reishi.

— Bien. Je suis certain que tu accompliras ton travail. Une fois le Silbern récupéré, tu n'auras plus aucun rôle à jouer. Quitteras la trame du destin. Et pourras profiter de tes derniers jours d'existence avant la Fin.

Le plan n'avait jamais été d'arrêter la Fin.
Mais d'y survivre, et d'avancer vers un meilleur lendemain.

— Veille à recruter des alliés de taille avant l'assaut. Je n'ai, hélas, aucune attache au Seireitei.

REISENDER

" Parfait. "

Une réponse direct à la mention du soi-disant test de cette créature à mon encontre. Cela ne m'intéressait guère davantage de connaître son avis sur la situation.

" Si vous êtes venu uniquement pour me tester, cela vous a fait perdre du temps. Qu'avez-vous donc à dire qui vous fait rester ? "

Une réponse aussi froide que mon sang, je regarde fixement la bête aux oreilles pointus. Un sous-entendu clair, qu'il ne faut pas jouer avec la patience d'un Fou.
Mon attention se porte juste après à mon frère, qui m'a fait savoir une certaine forme de déception. Des sentiments ? Intrigant... Curieux... Inquiétant...

" Cela me satisfait qu'une fois encore, on me sous-estime, même parmi mes propres frères. Nous ne sommes pas si familiers pour que tu saches ce que je pense réellement de tout cela, je comprends. J'accepte le compliment, cela m'honore d'être comparé de la sorte à mes frères. J'honorerais les sacrifices et je règlerai mes comptes avec qui de droit, pour que leurs âmes puissent reposer en paix, ne t'en fais pas, mon frère. "

Continuez donc, qui que vous soyez, à sous-estimer le puissant Reisender. Le temps viendra où j'accomplirai ma véritable Destinée. Vous croyez véritablement que je vais me satisfaire de la reprise du Havre des Esprits et être ensuite tout bonnement zappé de la trame de la réalité ? C'est mal me connaître.

" Ne te méprends pas par mon apparente acceptation de cette alliance... particulière. Je saurai faire honneur à chacun des sacrifices, une fois l'univers sauvé. Car j'ai conscience de chaque perte et de ce que cela a coûté à ceux qui ont le luxe de posséder émotions et sentiments. Je l'ai vécu, donc, je sais comment j'aurai dû agir en d'autres occasions. "

Je préfère rassurer mon frère. Une âme qui vie, c'est une âme qui n'oublie pas. Je sais plus que quiconque ce qu'apporte de pareils sacrifices, en bien et surtout, en mal. La tristesse, la vengeance, la haine. De tels sentiments qui aveuglent, renforcent, perturbent tout être qui en font les frais. Persuader les Exarchis de s'allier au Maître et à une tribu de Stern Ritter, c'est pour moi pratiquement peine perdue, vu qu'ils en sont le parfait exemple. Emotions et sentiments exacerbées au possible. Je n'oublie pas.

" C'est une merveilleuse nouvelle que tu m'annonces. Lorsque je quitterai la trame du destin, ce sera alors l'accomplissement de ma Destinée. Je n'ai aucun doute sur mes intentions et mes objectifs, une fois l'univers sauvé. Je me libérerais du joug des puissants. Ceux s'étant attirer mon attention, devront répondre de leurs actes, à ce moment-là. J'en suis persuadé. "

Je ne peux réfréner un léger sourire lorsque je prononce ces paroles. Quoi de mieux pour un être destiné à tutoyer le Divin, à se transcender pour devenir l'être par dessus tous les autres, de lui annoncer que sa trame du destin, disparaît, tout bonnement. Une information, qui vient rendre tout cela plus acceptable et plus agréable, presque jouissif.

" Je recruterai autant de personnes puissantes que nécessaires pour l'accomplissement de mon ultime mission. "

Oui, je briserai la trame elle-même si besoin. J'irai accomplir cette ultime mission l'âme légère, l'épée en main, enfin prêt à parvenir à l'accomplissement de mon existence, à la fin de cet être, pour en devenir un autre, supérieurement supérieur.

" Cependant. Me laisserez-vous y aller les mains vides, cette fois-ci ? Sauver l'univers en priant Mère ne m'aidera pas, cette fois-ci, pas vrai ? "

Petite piqûre de rappel, lorsque totalement impuissant aux terribles annonces de Ianmyar, je l'avais presque supplié de nous apporter des solutions et que sa seule réponse à l'époque fut été uniquement, de prier la Mère-Nuit. Sachant ce qu'elle est aujourd'hui réellement, que mon ascension n'est aucunement dû à ces fameuses prières, mais tout bonnement, uniquement, grâce à ma seule et principale dévotion envers ma Destinée. Me voici, j'arrive.

IANMYAR

https://www.youtube.com/watch?v=QkRTg1NqeC0

— Vas en paix, mon frère.

La résurrection du Stern Ritter avait définitivement fait de lui le parfait soldat angélique - un champion zélé, plus tout à fait humain, à qui l'on avait arraché la nécessaire partie yōkai de l'Homme. Un outil parfait.

— Je te remercie, Nhaari. Reisender connait maintenant sa mission. Même s'il se sous-estime à nouveau.

Alors, le sacro-saint discours revint sur la table des négoces. Cette fâcheuse tendance qu'avait le shinigami de réclamer des biens non mérités, entravant sa saine progression. Mais Ianmyar avait vu. Il avait prédit le fardeau des offrandes, et la nécessité de l'effort.

— Penses-tu, dans une autre trame temporelle, pouvoir atteindre ce même niveau, grâce aux artifices empruntés sur ta route ? Là est la plus grande force de l'Humanité, de laquelle tu as surgi. La bravoure. Aussi, je ne saurais jamais trop te conseiller de prier la Mère-Nuit - surtout en cette époque de drame. À Ojniøz, et contre l'astéroïde menaçant le Nihon, tu la pensais avec toi. Une chaleur illusoire qui t'a fait pousser des ailes.

L'ancien Vagabond était fin prêt pour sa croisade existentielle.

— Fais-moi confiance une dernière fois. Et ne te retourne pas.

NHAARI

Nhaari haussa un sourcil. Elle n'était guère aussi confiante que Ianmyar - à l'inverse, elle trouvait le petit ange bien trop confiant et prétentieux. Il n'avait pas le moindre chance, ne serait-ce contre elle - et pourtant, il fanfaronnait. La Prophète n'avait même pas envie de le remettre à sa place, ou de lui répondre, l'Univers entier ne tarderait pas à le faire.

{Quel imbécile, il va se faire tuer...}

Son regard analysa l'Oracle, indéchiffrable. Il s'en rendait forcément compte, mais préférait ne rien dire. Pire encore, il l'encourageait dans cette voie.

{Des machines sans âme, tous autant qu'ils sont...}

Vengeance n'était pas Haine - sa sœur lui transmis, par leur lien unique, un sentiment qui lui était souvent étranger : la pitié.

LHAABI

{Tu dois l'aider.}

NHAARI

{Non. Nous ne pouvons plus nous permettre la moindre faiblesse.}

Un simple signe de tête en guise d'adieu, puis elle se fit engloutir par une faille hors de cette réalité.

REISENDER

Trois mots, qui ont pourtant une signification très particulière pour moi, la paix... illusion utopiste, pourtant accessible, si tenté que l'on s'y donne à fond.

" Merci, mon frère. "

Je laisse le temps à la créature n'ayant fait qu'un avec le Vide, de partir, de nous libérer de sa présence néfaste.

" Je ferai ainsi. Tu as raison. Mais même si je ne l'entends pas, je la sais avec moi, en tout temps, une part d'Elle, en tout cas. Ta vision du futur se réalisera. Sois confiant, je ne me retourne jamais. "

Je réfléchis quelques instants, je finis par me lever du siège de Reishi créé par mon frère.

" Si tu peux me dire, avant de partir, de combien de jours nous disposons, cela me permettra de savoir la rapidité dont je dois faire preuve pour mon recrutement. Si d'ailleurs, tu as d'autres informations à partager, tu peux me le faire savoir, je suis tout ouïe. Sinon, nous nous reverrons le jour du grand affrontement. "

IANMYAR

— Vingt-huit jours et six heures.

Les rouages du temps n'avaient plus de secret pour l'Oracle. Il savait ce qui allait se passer ; quelles informations il pouvait confier à ses pairs ; et quels autres secrets devaient rester éternellement tus. Le Stern Ritter fixa son jeune frère - les lèvres closes.

— Il y aura d'autres épreuves sur ton chemin. L'assaut du Silbern en sera le paroxysme.

Mais pas le dernier danger dressée contre la Vie avant la Fin des Fins.

— Marche. Avec tes doutes et tes remords. Ta conviction et tes forces. Nous nous reverrons au sein du Silbern, lorsque seront délogés ses hôtes ; et accueillerons notre Mère éveillée les bras grands ouverts. Alors nous ne ferons qu'un avec l'Univers.

REISENDER

https://youtu.be/k4BUm17ODkA

" Je prends bien note de ces informations. "

Le temps nous est compté, bien plus que je ne l'aurai imaginé, mais bon, ce n'est pas étonnant, vu qu'avec une période si courte, le doute n'est plus. C'est le temps de l'action.

" Je serai prêt. "

Une nouvelle promesse pour garantir l'accomplissement de ma mission, Réveiller Mère, Sauver Sylric, libérer le Silbern. Sauver l'univers.

" A bientôt, dans ce cas, mon frère. "

Sur ces dernières paroles, je remets mon casque, je lève la main, d'un geste ample, une faille de Reishi apparaît et m'envoie sur un quelconque rocher perdu du Dangai. Direction le Jiyuutaisha, après plusieurs arrêts préventifs dans des recoins perdus de l'espace.