LE MAÎTRE

— Les choses ont changé, Déicide. Les dieux disparaitront comme je te l’ai promis, mais pas cet Univers. Je ne suis plus nécessaire et je mourrais bientôt - c’est à vous mes Prophètes, mes héritiers, d’achever mon combat. Ma tâche est presque accomplie. Je sais que tu hais les rouages du Destin au moins autant que moi, et j’ai passé des centaines de vies à tout faire pour les briser.

Tu ressens sa sincérité, sa sympathie - son affection.

— Nous y sommes presque, mon jeune ami. Peu de nous survivrons, mais il y a quelque chose que tu dois faire pour moi. Quoi qu’il arrive, tu dois me protéger. Car je suis le seul capable de la faire fonctionner. Tu as aussi une place particulière dans tout ça, rends toi à mes côtés quand je ne serais plus - et n’abandonne jamais Pardon et Vengeance. Dès le début, tu connaissais les risques. Sache que tu ne survivras pas non plus à notre victoire - mais je sais que tu n'abandonneras pas. Je ne peux pas te confier tout ce qui doit arriver, mais fais confiance à ton instinct. Adieu, Déicide.

NARRATEUR

Les boyaux de la planète sont sombres, un véritable dédale. Tu n’as jamais été un grand senseur, mais ton symbiote te guide autant qu’il le peut - il est difficile de rater l’énergie d’une âme-monde, surtout lorsque l’on est si près de son coeur.

Lhaabi est restée à la surface, et la tâche qui t’a été confiée est capitale. Il ne reste plus que quelques mondes en état, et la guerre entre les Prophètes et le Vide pour les rares gouttes d’anima égarées dans l’Univers fait rage. Des légions de la Fin en affrontent d’autres - un combat fratricide en apparence, qui ne l’est plus dans les faits.

Les Prophètes se sont rangés du côté de la vie, une étincelle d’espoir a percé le voile.

Depuis la destruction d’Ojniøz, et à ta grande surprise, Mort se bat à vos côtés - un changement de camp inattendu. Bien avant les révélations de votre Maître, il a accepté de suivre sa bien-aimé, de partager sa foi en votre plan. Bien que celui-ci ait changé, les deux âmes ne sauraient plus être séparées. Lhaabi est d’ailleurs très différente depuis qu’il est présent : plus sobre, elle sauve les civils et se contente de leur planète - tu lirais presque en elle une certaine gêne, une pointe de honte.

Soudain, une lumière aveuglante - tes yeux se sont habitués à l’obscurité. Ta dextre se referme sur la perle noire qui t’a été confiée, tu sais ce que tu dois faire. La sphère de lumière pure, gorgée d’énergie, flotte à quelques dizaines de mètres du sol - son diamètre de plusieurs centaines de mètres est impressionnant, mais plus rien ne l’est à tes yeux. Une simple pression de la perle et tout sera terminé, le coeur s’éteindra - et avec lui, la planète. Une voix brise le silence, tu es pourtant censé être seul, ici.

SAGESSE

— Déicide…

Tu ne reconnais pas cette voix, mais tu as déjà pu apercevoir la Prophète qui t’attendais ici, dans un coin de la pièce. Tu as déjà eu l’occasion de la croiser dans un recoin de la Forteresse Stellaire : Sagesse.

— J’ai besoin de ton aide. Le Maître nous a tous trahis.

NOBUNAGA

https://www.youtube.com/watch?v=dXCBv6CV7yY We Alone

Fut un temps un torrent d'émotions dévoreraient mes entrailles, alors que je n'entends que l'écho de mes pas dans ces boyaux décharnés. Aujourd'hui, j'assume le poids de mes choix sur mes épaules, la tête haute. Mon implication au sein des Prophètes ne se résume qu'à quelques années, une fraction si on la compare aux autres réceptacles du Vide, et pourtant mon esprit est clair. Limpide. Mélangées au silence ambiant, les paroles du Maître habitent mon âme, et me touchent. Confus dans un premier temps, alors que le grand projet des Prophètes venait d'être altéré, j'en suis venu à suivre ses directives malgré moi. Car il savait au plus profond qui j'étais réellement, et que quoiqu'il arrive j'en serais arrivé à la même conclusion, en suivant mon instinct.

Est-ce donc le schéma du manipulateur manipulé ? Non. J'ai foi dans la parole du Maître, dans ce qu'il incarne. Ce pourquoi il se bat. J'aurais tant apprécié le suivre dans ses mille vies, tant la noblesse de son combat, de notre combat, me touche. Comme si j'avais retrouvé un frère d'armes longtemps perdu, j'étais prêt à l'instant de mon adoubement de le suivre jusqu'au bout. Et il l'a parfaitement compris, comme Lhaabi et Nhaari, qui n'ont eu de cesse que de m'éviter un sort des plus tragiques face aux Voix. Je m'enfonce dans les ténèbres d'un monde prêt à disparaître, une étoile de plus qui va s'éteindre. Le visage implacable je lève mes yeux fatigués vers la lumière presque éblouissante, traçant ses contours du regard comme un ultime témoignage de son existence, avant sa disparition.
Mais dans l'obscurité se glisse les actions les plus secrètes. Isolé, je me retrouve face à l'une de mes confrères, ceux avec qui j'ai accepté d'accélérer la Fin. Plus curieux que surpris, je m'efforce de rester de marbre alors que j'ai l'impression d'entendre la plus grande insulte à l'encontre de celui qui nous a tout donné, et qui continuera de donner jusqu'à ce qu'il s'éteigne, à tout jamais.

« … Sagesse, je ne m'attendais pas à te trouver ici. Seule. Sont-ce tes longues réflexions qui t'ont amené à cette conclusion des plus surprenante, ou bien essayes-tu de tester l'un de tes derniers cadets ? »

La perle toujours en main, les engrenages commencent à tourner dans ma tête. J'estimais combien de temps il me restait avant que mes compagnons à la surface ne se décident à agir, tout en prenant en compte que les tourtereaux pouvaient profiter d'un tête-à-tête loin des murs de la Forteresse pour une fois. La présence d'une Prophète n'est pas à prendre à la légère, je suis bien placé pour le savoir. Si elle se présente à moi… c'est que c'est des plus importants.

« Pardonne-moi d'être franc, mais je vais devoir te demander de rapidement m'expliquer ce qu'il se passe. Tu as toute mon attention. »

Voyons voir de quoi il en retourne, et jusqu'où sa connaissance arrive à percer le voile des plans du Maître.

SAGESSE

Sagesse t’observe, les lèvres pincées.

— L’heure n’est pas à l’humour, je suis sincère.

Son visage est indéchiffrable, mais son regard trahit sa détermination – quelque chose ne tourne pas rond.

— Voilà des vies qu’il prépare son plan, et une seule rencontre suffit à le faire changer d’avis. Tu ne te pose aucune question ?

La femme qui te fait face se tient droite, rigide et militaire. Au fond de toi tu le sais, ce n’est pas un piège.

— Tous les Prophètes n’ont pas encore été informé, c’est la première fois qu’il nous divise ainsi. Tu n’es pas des nôtres depuis assez longtemps pour réaliser les sacrifices que nous avons tous consentis – mais quelque chose ne tourne pas rond. Il est peut-être encore trop humain, et son cœur flanche à l’idée d’achever le Nihon. Il nous a tous fait de belles promesses qui ne seront pas tenues si nous aidons finalement les survivants de cet Univers. J’ignore ce qui te lie à lui, mais tu ne peux pas lui faire confiance.

La Prophète serre le poing.

— Est-ce que nous avons seulement eu, à un seul instant, un véritable aperçu de son plan ? J’ai eu beau chercher, j’ai eu beau écouter… Je n’ai trouvé aucune réponse. Il faut que tu saches qu’il possède sur lui un masque dans lequel est stocké, depuis le début de notre croisade, l’énergie de toutes les Âmes-Monde que nous avons détruites. Réalises-tu la puissance que cela représente ?

Du menton, elle indique la perle noire – tu sais ce que tu t’apprêtes à faire, mais à quoi servira donc cette énergie colossale ?

NOBUNAGA

« Qui ne se poserait pas de question face à pareille situation ? Il est vrai que je n'ai pas assisté à vos sacrifices, vous mes ainés, je ne peux que les imaginer au travers de ce que j'ai moi-même dû faire pour atteindre ce point. »

Caressant la perle entre mes doigts, je décide de délicatement la ranger dans ma poche avant de m'approcher de Sagesse. Je ressens sa sincérité, et sa confusion, alors j'avance sans crainte. En paix.

« Les actions du Maître peuvent avoir le goût amer de remettre en question toutes nos actions jusqu'à présent. Lorsque la finalité change, c'est toute la Vérité qui est remise en question. Je me doutais que les âmes-mondes collectées se retrouvaient au même point, clé essentielle à son plan… Pourtant, je n'ai ressenti qu'une profonde sincérité alors qu'il s'est confié à moi. »

Repassant ses paroles dans ma tête, mon regard se lève vers l'âme-monde qui pulse au-dessus de nous, mon visage traduisant ce que j'avais sur le coeur.

« Avec la même détermination et sincérité que tu dégages, il nous a appelé ses héritiers, ceux qui achèveront son combat. Tu te demandes ce qui me lie au Maître… Je pense qu'une partie de la réponse se trouve dans mon nom. Nous éprouvons la même haine et la même rancune envers ces divinités qui ont joué avec les Fins, ainsi que le Destin. Je ne peux justifier les actions du Maître en son nom, car lui seul sait pourquoi les choses doivent évoluer dans un certain sens pour que son projet, notre projet, arrive à sa conclusion. »

J'inspire profondément avant de relâcher un léger souffle, ayant perdu l'habitude de traduire mes émotions avec des mots, surtout pour les révéler à quelqu'un si proche de l'inconnue, et pourtant avec qui, dans ce moment en suspens, je peux tout partager. Mes yeux redescendent à son niveau, la regardant sans détour.
« Je me suis longtemps demandé pourquoi les Prophètes existent réellement. Le Maître était assez puissant pour réaliser ses plans, d'une manière ou d'une autre. Même la collecte d'âmes-mondes n'était pas en dehors de sa portée. Et pourtant, il a décidé de quand même nous extraire des affres du Destin, de nous apprendre la Vérité. De croire en nous. Nous savions depuis le début quel genre de sort nous attendait, au bout du chemin. Un sort que partagera certainement le Maître.»

Un léger pincement de lèvre, mimant la réaction de la Prophète sous mes yeux, je repense au sort de mes camarades Prophètes. À ce qui m'attend au bout du chemin.

« Je ne peux t'apporter toutes les réponses, mais si je devais être honnête… je pense que ne pas informer certains Prophètes est sa façon la plus pure de croire en eux. Car il sait qui nous sommes réellement. Je ne serais même pas surpris qu'il s'attendait à ce que tu viennes à ma rencontre. »

Je m'autorisais cette pointe d'humour, accompagné d'un léger sourire en coin, faussement moqueur.

SAGESSE

Tes mots semblent avoir fait mouche, les traits de la Prophète se délient – pire encore, elle te semble soudainement faible et fragile, plus petite même. Elle balbutie, sans savoir quoi répondre. Tu peux lire le doute sur son visage, et le regret. Un conflit la tiraille, la raison de ses angoisses. Tu remarques un poignard à sa ceinture, comptait-elle s’en servir contre toi ? Une menace qui ne semble plus d’actualité, à présent.

— Je… Je suis désolée. Je suis tellement désolée. Je ne peux pas renoncer, Déicide.

Des… Tremblements ? Tu n’aurais pas cru voir un jour une envoyée du Vide aussi fragile. Mais les héritiers du Maître en étaient-ils vraiment ? Non, comme toi, il n’était que des âmes fatiguées ou brisées à qui il avait redonné un but. Quelques pas maladroits dans ta direction – elle s’effondre dans tes bras. Son front reposé sur ta puissante poitrine, tu te rends compte qu’elle est prise de sanglots, complètement à bout.

— J’ai douté, j’ai demandé aux voix. Il n’y a pas d’autre moyen pour qu’ils reviennent, tu comprends ? Ils sont tous mort, c’est trop tard maintenant. Mais si tout recommence, ils auront une autre chance. Ici, tout est perdu.

La terre est subitement secouée, la roche grogne de rage face à un choc puissant – la bataille est rude, à la surface. Tu ne te souviens pas avoir aperçu, en arrivant, une créature capable de faire trembler un monde, le Vide aurait-il reçu des renforts ?

— Tu… Tu devrais te hâter. Ce n’est pas par confiance qu’il n’a pas avertit tous les Prophètes, mais par crainte. Alors… Je l’ai fait. Je ne pouvais pas le laisser tout remettre en cause pour quelques visions, tu comprends ? Dis-lui… Dis-lui que je suis désolée. J’espère que tu ne regretteras pas tes choix, hâte-toi. Il arrive.

Sagesse s’apprête à briser le contact, dans le but de reculer de quelques pas.

NOBUNAGA

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Je sens ma gorge se nouer alors que je vois les petites épaules de la Prophète trembler, le fait qu'elle soit dos au mur m'affectant tout autant que les aveux qu'elle me faisait. Ô Sagesse, comme nous tous tu es si fragile et sensible. Je l'accueille dans mes bras, ne sachant même plus à quand pouvait bien remonter la dernière fois où j'ai laissé quelqu'un entrer en contact avec moi. Je sens ses tremblements, les larmes chaudes contre ma peau naturellement froide, c'est tout un monde qui s'écroule pour elle. Au même titre que la terre tremble de façon anormale, alors que l'âme-monde est encore intact. Elle m'avoue son désespoir, son désir de s'accrocher plus que tout à ceux qu'elle espère faire revenir. Et pourtant, même dans la trahison elle décide de me laisser une chance, les regrets la dévorant de l'intérieur.

Je la vois commencer à reculer, et cette fois-ci c'est ma main qui s'accroche à son avant-bras, mes yeux rubis se plantant dans les siens alors que j'avais les lèvres scellées, le visage peiné. Plusieurs mots traversent mon esprit, et mon regard : {Ne pars pas ; reste avec moi ; ensemble nous trouverons une solution…} mais je ne peux les partager. Comment pourrais-je me permettre de lui faire ça, en sachant que je ne vaudrais pas mieux que les Voix du Vide qui la détourne du droit chemin ? La lèvre inférieure tremblant de frustration, j'inspire de nouveau profondément avant de guider ma main vers son visage, balayant délicatement une larme alors que ma voix se veut douce, sincère.

« Ne te laisse pas emporter par le désespoir, Sagesse. Peu importe vers où nous regardons, les chemins qui semblent nous séparer… Nous restons des Prophètes. »

Mes doigts quittent lentement les siens, avant que je ne laisse nos corps se séparer, les tremblements s'intensifiant et la caverne commençant à s'écrouler.

« Pars, je suis certain que nous nous reverrons. Je crois en toi. »

NARRATEUR

Un grondement tellurique fait trembler les boyaux du monde, faisant chuter des morceaux de pierre. Alors qu'ils étaient sur le point de se séparer, Déicide protège la Prophète dans ses bras tandis que la Chose en lui s'anime, de véritables extensions sortant de son corps pour fouetter la roche avant d'à nouveau se coller à sa peau. Un dernier regard pour Sagesse, avant que le visage du Prophète ne disparaisse sous une nouvelle peau, et qu'il ne se tourne vers la seule source de lumière dans les ténèbres qui les entoure.

Le pas lourd, l'armure vivante qui se démarque du reste se redresse, une funeste hache à la main. Les détails de sa carapace tremblent légèrement, comme si elle respirait, alors que Déicide analyse froidement l'âme-monde au-dessus de lui, paré à toute éventualité, la perle dans son autre main. Le temps était compté.

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NOBUNAGA

« LHAABI ! TADAARI ! »

Bonus adaptatif du Symbiote : +1 Ténacité ; +1 Impact

SAGESSE

— Merci. Fais attention à toi, Déicide.

NARRATEUR

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Larmes séchées, elle bondit en arrière avant de disparaitre. La poussière se soulève, le sol tremble avec violence. Une explosion à la surface, la puissance semble démesurée. Le monde tout entier est secoué alors que tu bondis en direction du cœur. L’orbe dans tes mains n’est plus qu’à quelques centimètres de son objectif quand tout devient flou. Un rayon d’énergie noire vient de traverser la planète, explosant au contact du cœur, qui se déforme subitement.

Catapulté à l’autre bout de la pièce, tu t’écrases contre une paroi, heureusement protégé par ta ténacité hors du commun. Presque intact, mais légèrement sonné. Le cœur passe par diverses couleurs, la planète tout entière est prise d’un soubresaut. Des créatures du Vide se forment à partir des résidus de la déflagration, quelque chose ne tourne pas rond. Un rugissement résonne depuis la surface, bien plus audible depuis que tu es en contact direct avec la surface. Un nouveau trait de ténèbres vient frapper le cœur, une nouvelle onde choc secoue la pièce, plaquant les nouveaux nés contre les murs à tes côtés.

Balloté comme une poupée par les impacts, tu réalises rapidement qu’à ce rythme, ce monde ne tiendra pas longtemps. Tu n’as pour l’instant pas de nouvelles de tes alliés – t’ont-ils seulement entendu ? Ont-ils seulement un moyen de t’aider ?

NOBUNAGA

De nouveau seul dans un monde qui s’aprête à perdre son bien le plus précieux, je sens directement à travers mes pieds les secousses qui mettent à mal les cavernes, tout pouvant s’écrouler sur moi d’une seconde à l’autre. Sans hésitation, je saute en direction de l’âme-monde, la perle en main pour capturer son essence… mais l’impact d’un rayon sorti de nulle part me repousse violemment, son contact avec le coeur de la planète me propulsant contre un des murs. Je sens mon armure naturelle absorber la majorité du choc, ayant causé plus de surprise que de mal. La réaction brutale de l’âme-monde m’inquiète, surtout lorsque j’aperçois la lumière sombre qui se dégageait du trou menant désormais à la surface.

Second impact, cette fois-ci je reste solide sur mes appuis avant de ranger ma hache dans mon monde intérieur. Tout se passait vite, à tel point que je ne peux même pas m’inquiéter du sort de mes compagnons alors que ma position, ainsi que ma mission, était compromise par ces puissants tirs. Des créatures du Vide commençant à se manifester, j’inspire profondément alors que j’aiguise mes sens au maximum, laissant mon âme me guider pour les prochaines secondes qui vont suivre… Je sais qu’un troisième tir va être tiré, et que si je voulais récupérer l’âme-monde j’allais devoir me surpasser. Et prendre de nouveau la voie la plus risquée.
Forçant sur mes appuis alors que la poussière retombait à peine autour de moi, je me propulse avec force dans les airs, mon corps plus léger encore qu’une plume, tandis que je partais telle une fusée non pas sur l’âme-monde, mais au-dessus de ce dernier… face au trou qui laissait passer un funeste rayon. Je contracte tout mon corps, ma nouvelle peau ne faisant qu’un avec moi alors que je ne comptais pas simplement protéger l’âme-monde du tir, ce serait parier sans espérer quelque chose de concret en retour. Non… j’avais bien deviné la cible de mon ennemi, alors autant m’en servir contre lui.

La lumière s’approche à grande vitesse, c’est une sensation étrange d’être ébloui par les ténèbres, tellement le rayon était assombrit. L’impact était imminent, le marteau allant me frapper, et j’étais prêt à devenir le clou qui allait achever cette planète, mais pas de la manière dont on aurait espéré.

MORT

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La frappe dévastatrice du Prophète avait annihilé les fondations même du monde. Bourlingués de tous les côtés, Lhaabi et Mort n'avaient que de maigres pierres sur lesquelles se tenir, bondissant sur l'une puis l'autre afin de résister à la soudaine apesanteur des lieux ; car la précieuse atmosphère du monde condamné n'était déjà plus.

— Accroche-toi, Lhaabi !

Une épaisse barrière de Reishi avait été érigé entre les deux amants. La jeune femme s'accrochait désespérément aux épaules de son Champion, tandis qu'il évoluait difficilement vers la localisation théorique du tierce Prophète Déicide.

Et puis il y eut ce troisième rayon.

Trois secondes avant impact.

Au moment où la déflagration d'énergie allait percuter Soejima Nobunaga, un portail apparut juste derrière lui. D'une main, l'ex-Cavalier de la Fin extirpa son « partenaire » de la zone de non existence qu'allait s'imposer jusqu'au noyau de la planète. La faille de Reishi aussitôt refermée, les trois intrus ne purent compter sur leurs yeux, mais plutôt leur sensorialité chauffée à blanc, qui reconnaissaient de concert les signes de la fin d'un Monde.

— L'Âme va exploser. Ce n'est plus notre bataille.

Les contours d'un second portail se dessinèrent entre les trois charognards d'énergie. Au-dessus d'eux, régnant en maître sur le firmament privé d'étoiles, l'immensité cosmique que représentait Rage allait bientôt se rendre compte du pot-aux-roses.

MORT

Bien sûr, Saigou Tadaari se gardait bien de dire qu'il avait autant accéléré la fuite du monde condamné à cause de Lhaabi, en proie à la fin des fins depuis la dissipation de l'atmosphère, à peine capable de se mouvoir dans l'espace glacial. Le chevalier servant comptait sur la faiblesse factice du traître Déicide pour justifier la fuite du champ de guerre.

— Désolé de t'avoir arraché ce moment de fierté, Déicide.

Mort ouvrit la marche, et emprunta le portail. Derrière eux, une vive énergie de désespoir s'empara des lieux.

LHAABI

— Tu vas bien, Nobunaga ?

L’inquiétude se lit sur le visage de Lhaabi – elle t’analyse de la tête aux pieds, rassurée en notant que tu semble indemne, en dehors de quelques égratignures. La frappe atteint le cœur de la planète, tout tremble et le peu de gravité encore existante s’efface. Ta tutrice t’invite à passer dans le portail, y bondissant à ta suite. Tu reconnais les lieux autour de toi : le Temple des jumelles, sur Axur.

RAGE

— FUYEZ, FUYEZ ! Je vous retrouverais sur votre précieux Nihon s’il le faut. TRAITRES !

Derrière vous, à travers la brèche, vous pouvez apercevoir le monde se disloquer - avant que vous ne soyez brutalement séparés de l’Âme-Monde par l’explosion, qui souffle votre porte de sortie.

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LHAABI

— Désolé, j’ai demandé à Mort de te sortir de là. Tu prenais plus de temps que prévu et le monde devait instable, la perle aurait pu déclencher une explosion.

Aucun reproche dans son ton, tu avais en effet perdu du temps. Sagesse l’avait-elle fait exprès ? Non, tu ne le pensais pas – elle semblait trop sincère. Au loin dans le ciel, une étoile s’éteint – l’une des dernières.

NOBUNAGA

Le pied posé sur le délicat carrelage du palais d’Axur, je lève lentement la tête pour observer la brèche qui donnait un aperçu sur l’âme-monde instable. Mon armure se fracture avant de se disperser, mon Symbiote reprenant sa place d’origine à l’intérieur de mon corps tandis que mes longs cheveux tombent sur mes épaules, le regard grave alors que les échos de déclaration de guerre de Rage atteignaient mes oreilles. Le souffle de l’explosion coupa la connexion, et je me retrouvais seul avec Lhaabi et Mort, indemne, mais perturbé.

« Sagesse m’attendait devant l’âme-monde. Je pense qu’elle essayait de me convaincre de les rejoindre, et de m’attaquer en cas d’échec. »

Elle savait que dans tous les cas le dragon cosmique serait venu détruire la planète, et probablement moi avec. Avait-elle eue initialement pitié de moi, pensant trop cruel de laisser mon sort entre les mains de la bête incarnation la destruction ?

« Je vais bien, Lhaabi. Je lui ai parlé, et j’ai essayé de lui faire comprendre. J’ai vraiment essayé de l’aider. »

J’offrais un regard véritablement peiné à l’attention de ma bienfaitrice, ma mâchoire se resserrant. Durant ces dernières années je me suis enfermé dans un cocon, tentant de me rendre imperméable aux souffrances des autres. J’étais devenu un Prophète, un traître aux yeux de tous mes amis d’une vie du passé, un monstre aux yeux des nombreux mondes que j’ai assiégé. Et pourtant il m’a suffi de voir une personne similaire à moi s’écrouler dans mes bras pour commencer à fêler cette carapace.

Je restais silencieux un moment, avant de reprendre un visage neutre, contrôlé. Contient tes émotions, Nobunaga. L’heure n’était pas aux remous de l’âme, mais à l’action.

« Nous n’avons pas pu récolter l’âme-monde, mais son peuple est sauvé. Nous avons un plus gros problème sur les bras… Lhaabi, Mort, je pense que vous devriez voir du côté de la forteresse de Majesté pour savoir à quel point nous sommes divisés. De mon côté, je vais devoir nous préparer face à Rage… »

Je soufflais malgré moi, mon regard se perdant dans le vide alors que plusieurs visages refaisaient surface dans mon esprit.

« … Je pense qu’il est temps pour moi de prendre contact avec les hérétiques du Jyuutaisha. »

LHAABI

Le plus important, vous êtes tous sauf. Le couple écoute avec attention tes explications et ta protectrice laisse planer un bref silence, hésitante, avant de reprendre.

— Tu as fait ce que tu pouvais, ne t’en veux pas. Le Maître ne nous a rien dit à ce propos, alors ne nous attardons pas sur Sagesse, elle doit avoir son rôle à jouer. Mais tu as raison, nous devrions prévenir Majesté que ces deux là ne sont plus dans notre camp, ils pourraient tenter de s’en prendre à elle.

Son visage s’assombrit et une légère moue déforme ses traits – la Prophète est contrariée.

— Je ne t’empêcherais pas d’y aller, mais soit prudent – tu n’as plus beaucoup d’alliés là-bas. L’Apocryphe te placera sous sa protection, mais certains tenteront peut-être de s’en prendre à toi par d’autres moyens.

Ses doigts viennent chercher, puis se mêler à ceux de son âme-sœur – un contact rassurant. Soudain, un sourire illumine à nouveau son visage, elle semble avoir eu une idée.

— Je devrais m’y rendre aussi, un jour. On m’a beaucoup parlé de l’endroit. Qu’est-ce que tu en penses, Tadaari ? Et si nous y allions, nous aussi ? Tes autres frères y sont aussi, non ?

MORT

— Je te suis, Lhaabi. J'ai encore besoin de prendre du recul sur tout ceci. Peut-être les Stern Ritters auront les mots pour me guider dans mes doutes. Mais, dans tous les cas, il nous faudra des alliés de confiance pour nous dresser face aux détracteurs de la Vision. Je crains que nous ne fassions pas le poids face à un Rage poussé dans ses derniers retranchements.

Mort jeta alors un regard au Prophète, l'intention sincère, d'une sympathie dépourvue de tout artifice.

— Je dois te féliciter, Deicide. Tu en as fait du chemin depuis notre première rencontre. Ce chemin n'a pas dû être facile, mais tu as survécu, et es devenu ce que tu devais devenir : un acteur majeur du destin de l'Univers. Je suis content que nous soyons du même camp.