Le Seireitei. C’est bien la première fois que tu y remets les pieds depuis ton précédent départ. La première fois où tu y reviens, te mêlant à la foule accueillant âmes défuntes et Shinigamis sans distinctions, tous cohabitant et profitant de tout ce que la ville cachée du regard des humains pouvait offrir. Il y avait tant que tu devais faire, trop finalement pour que tu ais envie de tout faire maintenant. Tu devais retourner voir ton père, devais écrire au Concile Blanc, prendre des décisions concernant ton avenir. Il y avait aussi celui qui hantait ton esprit, celui qui ne t’avait jamais vraiment quitté, que tu avais laissé derrière toi et dont tu craignais presque les retrouvailles. Et s’il te détestait ? Une question que tu chasses de ton esprit, comme toutes les autres. Et si ton père te banissait ? Et si le Concile Blanc refusait le changement que tu leur demandais, malgré les raisons qui se faisaient nombreuses ? Et si tu n’avais pas le droit à ce nouveau départ que tu espérais tant, en remettant les pieds ici ?

C’est pour cette raison que tu ne fais rien de tout ça. Rien de ce que tu es supposée faire. Tes pas te mènent naturellement vers l’un des bars de la place. Sans réellement appréciée l’alcool, tu avais presque l’impression d’avoir besoin d’un verre. Quelque chose pour te permettre de supporter le poids que tu sentais peser sur tes épaules. Tu pousses la porte de l’établissement avant de te diriger vers le comptoir, t’y asseyant, le dos droit, avant d’adresser un sourire discret à l’homme derrière le bar. Tu passes ta commande, attends que le verre soit déposé devant toi avant de balayer la salle du regard. Cela faisait longtemps que tu ne t’étais pas retrouvée ici. Quelques semaines ? Mois ? Des projets qui étaient tombés à l’eau, toi qui voyais si grand, qui espérais tant. Tu laissais à d’autres, finalement, la chance, ou plutôt la responsabilité, de triompher.

- Quelle division ? Quelques mots qui franchissent tes lèvres tandis que ton regard se pose sur l’homme à tes côtés. Il a tout d’un Shinigami. Ou, plutôt, c’est ce que tu crois percevoir, qu’il n’est pas une âme lambda à errer ici pour l’éternité. Tu esquisses un faible sourire, te montrant sociable pour une fois, allant même de l’avant en t’adressant directement à une nouvelle personne. Toi qui es d’ordinaire si reservée, s’agirait-il là d’un premier pas dans ce désir de changement qui t’habitait ? Peut-être bien. Même si, de toute évidence, tu étais toujours aussi maladroite lorsque venait le temps d'intéragir avec les autres.

Seireitei, bar, élections. Rien d’intéressant vraiment, j’ai participé à une épreuve pour ma division, mais j’ai l’impression vague que ce n’était pas intéressant. Ni pour moi, ni pour ceux qui regardaient. Tout ce qu’il se passait à l’intérieur de ce truc avait pour objectif de nous mettre mal. Je n’ai rien à redire la dessus, je n’étais pas fait pour ce genre d’épreuve et c’était tout. Rien d’autre à faire, m’entraîner, méditer, me remémorer le passé. Je m’ennuie et il me faut des choses à faire. Me détruire d’une autre façon qu’en combat. Et pour cela rien de mieux que d’aller dans un bar, un endroit où boire et oublier. Quelque chose que je ne faisais que très peu, en général j’essaie de me trouver des missions et des endroits ou intervenir, de longs entraînements et entraîner des gens. Enfin.

Je me pose à un endroit plutôt calme, ce qui s’apparente à une shinigami. Cheveux blancs, yeux écarlate, le visage à faire tomber des grands hommes du seireitei. Je ne la connais pas, mais elle m’adresse la parole. Intriguant. De quelle division je suis ? La moins intéressante et la plus utile. Force de frappe. La guerre personnifiée, mourir en première ligne serait un honneur pour la majeure partie des gens de mon régiment. Mon ton est calme et je bois un peu de ma coupe de saké avant de lui répondre.



Je finis ma coupe d’une coudée. L’alcool est de qualité moyenne, j’aurais du demander quelque chose de plus fort peut être. Je finis toujours par me plaindre de l’alcool lorsque je me force à aller boire. Quelle erreur. Je ne sais même pas si cette chose en moi va réagir à l’alcool d’ailleurs. Tant que l’on ne m’administre pas de sorts de soin j’irai bien j’imagine. Prions.

Appuyée contre le bar, verre devant toi, tu contemples ce qu’est devenu ta vie. Ou, plutôt, tu déplores l’incertitude qui t’habite, la peur qui te prend au ventre. Peur de devoir faire face à tes responsabilités, à tout ce que tu avais laissé derrière toi. Peur que certains t’en veuillent, un en particulier. Peur de ce que d’autres pourraient chercher à t’imposer. Alors tu soupirs, faisant tourner ton breuvage dans ton verre, avant de t’adresser à l’homme qui se trouve à tes côtés. Sourire figé sur tes lèvres, tu n’as pas envie de penser à tout ça. Pas maintenant, pas ce soir. Parce que ça t’en rendait folle. Malade. Et que tu avais besoin d’un moment de répit, quelques instants pour toi, pour remettre de l’ordre dans ton esprit.

Un petit rire s’échappe de tes lèvres à ses mots, secouant doucement de la tête avant de poser tes prunelles carmins sur celui se présentant sous le nom de Mumei. - Enchantée. Tu portes ton verre à tes lèvres, en prend une gorgée avant de répondre à la question qu’il te retourne. - Tu peux me tutoyer. Toi-même ne t’embarrassant pas de marques de politesse, pas parce que tu ne le respectais pas, seulement que le contexte te semblait un peu plus familier. Ou alors c’était juste que tu n’avais pas envie de te prendre la tête.

- Ko Sana. Nom qui impose un certain respect, lorsqu’articuler au Seireitei, ascendance noble que tu exécrais. Et pourtant, tu étais encore forcée de le porter, de subir le poids qu’il composait, de vivre avec toutes ses contraintes. - Mais Sana peut suffir. Petit sourire, pas envie de t’étendre sur le sujet, tu avais tout le temps de régler les problèmes qu’allait représenter ta famille dans les jours à venir. - Pour ce qui est de la division... Je ne sais pas. Tu vides ton verre, un nouveau rire se faisant entendre. Pas spécialement amusée, peut-être même un peu plus dépitée de ta situation. - Mais j’étais officier du Consortium. Plus maintenant, donc. Ancienne officier, fière représentant de la deuxième division, la vie désormais sans dessus dessous et sans savoir ce que tu comptais réellement faire.

- Je suis pas d’accord avec ce que tu as dis. Revenant sur ses premières paroles. - En quoi est-ce que la première n’a rien de glorieux ? Au contraire, il y a un certain honneur, non, de se trouver sur le champ de bataille ? Pas plus grand honneur pour un Shinigami que de mourir au combat. Ou, tout du moins, de ce que tu avais déjà pu entendre.

Cette ambiance autour de moi à un certain charme, je me sens plus détendu, autour de gens qui font la même chose on oublie le monde qui tourne en dehors de cette salle alcoolisée et on se laisse aller. Pour quelqu’un qui, comme moi, passe son temps à éviter le social, c’est assez spécial. Je ne me souviens pas vraiment de ce qui m’avait poussé à essayer de socialiser avec d’autres gens ou bien même ce qui m’a poussé à sortir boire. Peut être parce que c’est ce que font les membres de la première en générale, combattre, s’entraîner et boire. Avais-je vraiment besoin de tout cela, l’alcool allait-il vraiment m’aider ? Pas avancer c’est certain. L’alcool n’est là que pour reporter, mais j’ai justement besoin de cela. Parce que je ne fais que penser à mon passé et ce qui m’a été pris.

Ma présentation ne l’ayant pas repoussée, j’imagine que je ne suis pas sur le mauvais chemin pour une vraie discussion intéressante. J’avais même reçu l’autorisation de la tutoyer, ce qui est quelque chose d’assez rare pour moi en général, les gens ici aiment beaucoup l’ordre, le respect et les manières. Elle mentionna aussi son nom de famille, qui fit revivre en moi de vieux souvenirs. De ma vie avant le fameux jour. Les Ko. Elle faisait partie de cette grande famille du seireitei. Mon regard ni mon attitude ne changea, tu avais un jour fait partie de l’entourage de la haute. Ce n’est pas une des familles que père détestait. Je n’ai aucun avis propre sur eux non plus. Alors à quoi bon m’emmerder.

- Enchanté Sana. Ce n’est pas commun pour quelqu’un de la haute de parler de manière si familière, c’est assez dépaysant je dois dire. Mais pas dérangeant.

Je vide mon verre et l’écoute parler, un sourire se dessine sur mon visage au rythme de ses rires, elle a une certaine aura qui me détend, elle dégage quelque chose de sympathique, je ne peux simplement pas me permettre de rester de marbre face à une personne si gentille. Elle était précédemment officier de la seconde.

- Cela peut arriver même aux meilleurs d’entre nous. Il n’y a aucune honte.

Et c’était vrai, je ne faisais pas partie de ceux qui ne jurent que par le rang. Je ne suis pas intéressé par cela. Elle n’était pas d’accord avec ma pensée de la première division. Ce qui est compréhensible au final, peu de gens sont vraiment d’accord avec ma façon de penser étriquée.

- J’aurais dû formuler ça autrement, je ne retire aucune gloire à me retrouver dans le champ de bataille, ce n’est à la base pas ma place, je ne suis combattant que parce que j’ai un but certain et que je ne peux plus faire ce que je faisais auparavant. Ma vie à changé et j’ai accepté cela. J’avance. Je ne suis juste pas spécialement en accord avec ceux de mon groupe.

Quelqu’un de la haute. Une façon de te définir qui te fait grimacer, toi qui n’as jamais eu de très bonne relation avec ta famille ni une très bonne opinion de la noblesse. Mouton noir de cette prestigieuse famille, refusant de suivre le chemin déjà tout tracé pour toi, tu n’as jamais vraiment aimé être associée à cette famille dont le nom s’avérait plus être un poids qu’autre chose, à tes yeux. Ce nom tout comme cette chevelure pâle et ces prunelles carmins que tu arborais, mêmes traits partagés par ton aînée, partagés par d’autres de ta famille. - On est que deux shinigamis qui partageons un verre. En levant le tiens avant d’en prendre une gorgée. - Pas besoin de s’embêter avec tous ces codes sociaux. Ceux-là même avec lesquels tu avais été élevée, avant de décider de voler de tes propres ailes. Chose qui fut réussie que grâce au sacrifice de ta sœur.

Celle qui était partie.
T’avait abandonné.

Ton sourire s’étire lorsqu’il te fait savoir qu’il n’y a aucune honte, rassurée aussi de ne pas être jugée par un collègue. Certains se montrent plus réservés concernant les changements de division, y voyant-là une certaine trahison, alors que, de ton côté, tu te demandes comment est-il possible de rester à la même place, et ce, pour l’éternité. Vous n’étiez pas comme ces humains à la vie si courte, fragile. Des décennis d’existence, des siècles, et tu trouvais inimaginable de passer tout ce temps sans jamais changer.  

Tu l’écoutes avec une attention non feinte, coude posé sur le comptoir, visage appuyé dans ta main, l’homme t’offrant une distraction plus qu’appréciée de tout ce qui t’attendait une fois sortie du bar. Ton père. Ta famille. Ta division. Segata. Tout ce que tu avais laissé derrière toi, partie sans rien dire en quête d’un passé qui, finalement, ne te concernait peut-être pas tant que ça. Un passé face auquel tu t’avérais de plus en plus indifférente. - Ah bah voilà, il est possible pour tout le monde de changer. Tu dis ça faisant suite de tes propres pensées, celles que tu ne lui as pas adressé. Tu laisses entendre un petit rire avant de secouer la tête. - Pardon. Je sais que certains sont assez hostiles au changement, donc ça me rassure de savoir je ne suis pas la seule. À avoir changé de but. D’objectif. Ton monde avait éclaté en morceaux, quelques mois plus tôt, de nouvelles et de départs t’ayant cruellement affecté.

- Et quel Est-ce nouveau but ? Si tu es curieuse de ce qu’il faisait avant, loin de toi l’idée de retourner le couteau dans ta plaie. Surtout que tu as appris, depuis le temps, que le passé peut s’avérer insignifiant. Le présent était ce qu’il y avait de plus important, ce que tu as compris au fil de ces derniers mois.