Ryo était un Shinigami dont les événements politiques, les camps, les opinions et tout ce qui touchait de près ou de loin au compliqué et au superflu ne l’intéressait pas vraiment. Il tranchait du Yokai sauvage, il posait son derrière en fin de journée sur un rondin de bois et sécurisait le périmètre d’une manière professionnelle avant de sortir sa gourde et de s’enfiler une rasade de liqueur magique, avant de passer le reste de la nuit à flâner dans les rues, chantant à tue-tête parfois et passant le reste de la nuit à la belle étoile, perché sur une haute branche d’arbre qui passait par là.

Les élections pour nommer le Sotaicho ne l’intéressaient pas vraiment même s’il y avait une raison pour laquelle il ne les rejetait pas : la période festive qui précédait ce grand événement ! Hop ! Il raflait tous les stands de nourriture dans lesquels il posait pied mais surtout, surtout ! Il se ruait tel un sauvage en quête de son plaisir ultime, ce pêché si mignon que composait le saké qui était préparé par ces Commerçants plus que qualifiés.

Glou, glou, glou ! On n’arrêtait pas le Shinigami qui de toute sa hauteur, marchait le long des allées commerçantes, observant aussi bien les œuvres d’arts exposées et revendues à prix d’Or, chose qu’il ne comprenait jamais, que la boisson qui coulait à flot, un bonheur pour son œil encore valide qui se baladait sur toute la longueur des festivités pour y trouver son bonheur.

Rejoindre la Quatrième Division était une chose, explorer le Dangai avec les autres était encore une autre chose, n’ayant pas encore les prérequis nécessaires pour s’y aventurer sans y perdre les pédales et la vie, l’homme aux cheveux de cactus restait au Seireitei ou s’aventurait dans le Nihon, pour chasser le Yokai, accomplir des contrats et surtout boire, jouer comme jamais !  
L’argent qu’il gagnait ? Dilapidé dans les paris qu’il gagnait autant qu’il perdait. Il se contentait finalement d’une vie que l’on pouvait qualifier de simple, loin de toute trace de luxure ou d’intérêt pour tous les vices, il vivait de jeux, de bonne liqueur et de sa Chasse habituelle.

D’un pas tranquille, profitant à sa manière des festivités, c’est avec un sac rempli de bonnes choses à manger et de saké que le Marche-Failles se dirigeait vers un endroit plus tranquille lorsque son attention fut aussitôt retenue par un artisan qui confectionnait des Katanas tels, que Ryo fit claquer une dernière fois ses Getas contre le sol et s’arrêta pour observer ces lames de Katana, dont le tranchant pouvait se refléter rien que d’un simple regard.  Pourtant, ce n’est plus un regard admiratif que le borgne portait au Marchand mais un œil plus ferme. Devant lui se déroulait une vente, la vente d’un Katana que Ryo observait finement pendant quelques instants avant de tendre la main et de le saisir à pleines mains, le levant d’un coup.

« Mais qu’est-ce que vous faites ?! Redonnez-moi ma marchandise où j’appelle les gardes ! » hurla le vendeur à l’allure de crapule cinquantenaire.

« C’est du toc ton arme, tu couperais même pas un steak abruti ! » reprit Ryo, en jetant un regard assassin à l’âme qui recula aussitôt de quelques pas tandis que le membre du Yonbantai jetait en l’air le semblant de lame avant de tendre le bras vers les deux interlocuteurs. « Si ça me coupe le bras, on sera fixés. » ajouta le borgne en riant tandis que la lame redescendait jusqu’à atteindre l’avant-bras de l’Epéiste, et de simplement tomber au sol, ne laissant qu’une petite éraflure au Chasseur.
« J'manie une lame depuis que j’ai l’âge d’insulter les crapules de ton genre p’tite tête, alors tu vas gentiment arrêter tes coups bas et te mettre à la forge, sinon j’te coupe les bourses ! » asséna en riant toujours autant la perche qui reposa la supercherie sur l’étable avant de reprendre son chemin.

Oh bordel ! A peine avait-t-il repris son chemin que sa Geta lui joua un mauvais tour, le faisant percuter de front une jeune femme avant de tomber à la renverse lui-même. « Aie ! D’solé j’ai pas regardé où je mettais les pieds ! Ça va ? » demanda le borgne en reprenant ses appuis et tendant sa main à la personne qu’il avait bousculé.

Hop:

Dans la vie de Shinigami, il y a un temps pour l’entraînement et les contrats et un temps pour le bon temps et le divertissement. Bien que ces deux camps opposés soient répartis inégalement, il existait tout de même des moments où une pause s’impose ! Tout juste Kaiin après plus presque vingt ans d’attente, il fallait qu’elle profite de ces derniers instants de tranquillité avant de devoir prendre ses responsabilités de Shinigami. Qui plus est, en ce moment il y avait plus d’animation que d’habitude dans le Karyukai, déjà réputée comme étant le quartier des festivités. On y danse, chante, sculpte et même apprend tout en s’amusant dans ces lieux. Ce n’était certainement pas comme ça tous les jours et pour cause, c’est notamment avec l’approche de l’élection du futur Sotaicho qui menait tout cet engouement plus grand que le Seireitai avait l’habitude de voir.

Muitsuki s’y gambadait toute contente seule comme une grande, capable de s’émerveiller pour peu de chose, à croire qu’elle venait tout juste d’être enrôlée en tant que Shinigami. Peu habituée et toujours avide de nouvelles choses, elle se retrouvait capable de porter attention sur ce qui était caduque, tel une enfant découvrant le monde extérieur. Loin d’être la Shinigami de l’étoile du Nihon pour le moment, c’était bien l’aspect humain qui ressortait de cette dernière, celle de l’adolescente qu’elle a toujours été et qu’elle restera toujours, pour cause son physique ayant cessé de vieillir depuis sa mort. La jeune pousse restera certainement cette pousse incapable de fleurir pour devenir une femme, et ce jusqu’à qu’elle meurt une nouvelle fois, abandonnant son corps spirituel. Espérons que cela ne se produise jamais.

— qu’est-che-ch’est bon… !

Elle avait découvert dans la matinée un nouveau plat de takoyaki fait à partir de tentacule de poulpe à l’intérieur, et comptait continuer dans cette voie de la découverte. Cette journée de repos était faite pour ça après tout. Pas de tracas, pas de problème, que du bon temps ! Mais dans sa belle aventure au sein de ce quartier festif, son inattention causée par sa fixation sur le goût du poulpe grillée ne manqua pas lui valoir une belle surprise. Une ombre était apparue de nulle part, pleine de vice et de malention. Imposante, elle s’abat sur la brune qui ne peut crier gare. Cette attaque des plus puissantes causera alors une chute digne d’une catharsis, une punition divine pour son manque d’attention. La voilà tombante, son corps s’élançant contre son gré en arrière jusqu’à ce que son fessier ne touche le sol, dépoussiérant la surface du sol avec ce kimono d’une blancheur pure désormais sali. Sa boîte remplie de belles choses exotiques tombe sur le côté, elle ne peut rien y faire désormais.

Elle entendit une voix masculine, celle de l’individu l’ayant bousculée. Il se sentait désolé de son inattention et demandait pardon, proposant son aide afin de se relever. Muitsuki n’était pas mauvaise, jamais elle refusera le pardon d’une personne !

— Ç-Ça va…

Encore étourdie, elle prit la main de l’individu qu’elle dépeignait comme plutôt grand, d’une allure proche à celui d’un samouraï et à l’haleine d’un ivrogne. Elle se relève, tape des mains contre sa tenue pour en retirer la poussière qui s’était mise dans ces pattes et reprend sa boîte remplis de bonne chose désormais qui était pour quelques un désormais à même le sol sali par la poussière. Elle y ramassera tout de même une gourde, qu’elle tendit aussitôt à l’homologue à la carrure de ronin.

— Vous avez fait tomber votre gourde, cela serait bête de le perdre !

La voix d’une jeune fille, celle que l’on dépeint comme la douce voix de l’innocence, offrait de son corps pour rendre ce qui devait lui appartenir. Elle était ridiculement petite, de par son mètre cinquante sept, et drôlement jeune. Que faisait-elle dans le monde des Shinigami ? Mais ne faut-il pas se fier aux apparences parfois trompeuses ?

Pas de casse pour un ivrogne endurci au Saké dont on disait qu’une consommation de haut niveau permettait de passer outre la douleur et outre les pensées superflues qui pouvaient s’exercer sur le conscient de l’homme. C’est donc avec le sourire que le Shnigami aux airs de Ronin aida la petite demoiselle à se relever après sa chute, avant de poser son œil sur ces mets aux arômes si transpirant de douceur et de majesté que l’appétit du Chasseur s’éveilla, autant que son œil, s’ouvrant pour mieux constater la perte de ces précieuses boulettes que l’on nommait « Takoyaki ».

Oh, il ne raffolait pas de ce plat, l’ayant goûté à de maintes reprises depuis sa nomination au poste de Shinigami de la Quatrième Division, mais de la bouffe restait de la bouffe finalement et c’était là le pire dans toute cette histoire ! Bien heureusement, la fille semblait indemne pour le plus grand soulagement de Ryo qui n’osait pas imaginer la casse si son corps imposant était venu aplatir le sien dans la chute. Essuyant donc une goutte de sueur froide et adressant son plus beau sourire agrémenté du morceau de bois qui lui servait de cure-dent, coincé entre les dents, il répondit en posant sa main sur l’épaule de cette passante au Kimono bien blanc, mais bien poussiéreux !

« Plus d’peur que d’mal apparemment hahaha ! » disait-il en tirant la donzelle pour la remettre bien droite sur ses jambes avant de tendre la main, posant son regard vers sa précieuse gourde qui contenait le saint nectar et l’accrocha à l’opposé de ses deux lames, à sa ceinture. « Pfiou, la gourde non plus n’a rien mais j’suis désolé pour ta nourriture ! » assura d’une légère grimace le touriste du jour.  Laissant passer quelques secondes, le regard du Shinigami se posa sur ce corps à l’apparence frêle, mais d’un geste, il attrapa cette main qu’elle lui avait tendu pour y regarder brièvement la paume avant de sourire en lui relâchant sa fine étreinte.

« Je suis Ryo, Shinigami de la Quatrième Division, ‘chanté ! » annonça l’homme aux Getas avant de fixer son interlocutrice. « T’es une Epéiste pas vrai ? » demanda-t-il presque aussitôt, affichant un large sourire en la laissant répondre, tandis qu’il remettait correctement sa longue veste de Kimono verte arborant des fleurs d’un vert pomme et plus clair que l’ensemble par-dessus son Kimono blanc. Même si elle répondait l’inverse, le borgne en était presque certain et sa pratique de l’escrime devait être aussi intense que la sienne, chose qui le fit sourire, passionné par cette seule pratique où il trouvait sa place.

Mais pour l’heure, il était question de se faire pardonner pour la casse et malgré ses apparences de brutes et d’asocial, le Shinigami avait su transcender son état après six années passées depuis sa mort, jusqu’à réussir à parler, à s’ouvrir aux autres : la preuve, il faisait partie d’une Division aux valeurs solidaires et d’entraide, même s’il n’était pas encore bien au point sur l’esprit de communauté agissant main dans la main, préférant tout de même garder une certaine distance pour ses propres hobbies. « Est-ce que je peux te proposer de m’accompagner ? J’ai gagné quelque grosse bourse d’argent aux paris hier soir ! J’vais t’payer un p’tit truc pour ça si tu veux ! » proposa Ryo, se tenant face à la jeune bretteuse.

Plus de peur que de mal en effet, un plat en partie gâché et un petit bleu insignifiant, ce n’était pas grand chose pour la vaillante genin qu’elle était… uh… Kaiin ! La brune hoche la tête, ne prenant que peu d’attention à cette main sur ses épaules élancées. La gourde qu’elle avait ramassée ne semblait pas être égratignée par une quelconque effleurés qui aurait pu être causée par la chute. Tout allait bien donc !

- Ne vous en faites pas pour ça ! Ce n'est pas si grave.

Ce n’est qu’un malentendu, une simple conséquence de son inattention. Cela lui apprendra à ne pas regarder devant elle ! Puis sa main fut saisie, laissant entrevoir plus en évidence une cicatrice entre le pouce et l’index. Ce n’était pas quelque chose de rare pour un pratiquant du kendo après tout, ce n’était que la preuve d’un entraînement à répétition de l’iaido dont la main peut parfois se couper légèrement lors du rengagement, la main se trouvant proche de la lame en cet instant. Sûrement est-ce pour ça qu’elle fut désignée comme une épéiste, et dans ce cas là ce dernier avait vraiment de l'œil - ou la grande passion - de sabreur. Peut-être sûrement était une passion, au vu de ce large sourire qu’il affichait. L’individu à la tenue vert pomme se présenta par ailleurs.

- En effet, du moins un peu comme tout le monde !

Car après tout, tout individu dans le Seireitai était un shinigami ayant donc reçu son aseuchi, tous ressemblant sans exception à un katana. La jeune fille comprenait tout de même le sens du mot “épéiste” en ce moment. Ce n’était qu’au finale une remarque irréfléchie de la part de cette dernière. Elle se reprit rapidement là-dessus.

- Mais il est vrai que je ne lésine pas sur ce côté là. Je ne suis pas une Mandes-Tempête après tout. Sur une petite blague et un sourire amusé à sa propre blague, elle reprit. Isshiki Muitsuki, Kaiin de la division de l’Etoile du Nihon. Enchantée de même !

Amical comme toujours, cette dernière déclina son nom et son appartenance à la cinquième division. Dommage, ils n’étaient pas tous deux dans la même division. Pas étonnant, sinon elle aurait certainement reconnu cette personne. La juvénile reconnaissait une bonne partie de la division cinq, après avoir passée bien plus d’une dizaine d'années au côté de cette division. Elle put voir des Keihei devenir Kaiin après être convoqué par le Concile Blanc après elle. La curiosité l’a prise à la question de ce Ryo.

- Je suppose que tu dois être aussi du genre à faire parler ton Aseuchi, n’est-ce pas ?

Un cheminement logique puisqu’il en avait parlé en premier. Puis, avec cet air au visage, nul doute qu’il devait en être un aussi. Mais là n’était pas sa question. Ce dernier venait de réparer son erreur. Inutile puisque pas nécessaire, mais de par son souhait de se faire pardonner, elle hoche la tête.

- Du moment que ce n’est pas pour m’emmener dans une taverne remplis de personnes où l’alcool coule à flot, je suppose que ce ne sera pas un problème !

Sait-on jamais. Puis si elle peut revoir son repas dans un état mangeable, elle n’y voit pas d’inconvénient à priori.

Il y avait cette petite étincelle de curiosité, d’envie qui brûlait dans la lueur reflétée par la prunelle aussi verdoyante que la chevelure du Borgne, dont l’intérêt se porta sur cette bien frêle Shingami, qui pourtant avait l’air d’une manieuse de Lames plus qu’aguerrie.
D’ordinaire, le Ronin se contentait de poursuivre sa route lorsqu’il apparaissait quelque part, mais cette fois-ci, il s’attarda pour découvrir, pour comprendre, pour discuter, quelque chose qu’il ne faisait qu’à de bien rares occasions en dehors des contrats qu’il devait mener en équipe ou lors de ses interactions avec les Marche-Failles. Un fin sourire se dessina lorsque la dénommée Muitsuki affirma qu’elle n’avait rien, contrairement à ce plat désormais recouvert par la poussière et irrécupérable.

L’écoutant sans interruption, d’une oreille fiable et en état de marche, Ryo fit quelques pas sans vraiment s’éloigner, il s’agissait surtout d’échauffer ces jambes quelque peu engourdies par le manque d’exercice depuis une bonne journée passée hors de son habituel entraînement, luttant contre le poids de la tranquillité au sein du Seireitei.

Finalement, l’Epéiste s’avérait être une Shinigami, et une Shinigami avec une pointe d’humour bien placé qui fit rire l’homme aux Getas au milieu de la foule qui esquivait les deux touristes égarés en plein milieu de la voie. Ryo se mit finalement à rire de nouveau lorsque Muitsuki aborda le sujet de la maîtrise de la Lame, cette fois en pointant du doigt la tête de cactus dont la bouille s’illumina aussitôt.

« J’suis né avec une Lame entre les mains et j’ai l’impression que c’est ma seule alliée depuis toujours ! Enfin, j’en ai deux maintenant haha ! » affirma Ryo qui dévoila ses propres mains, de la manière dont il avait observé celles de ses interlocutrices plus tôt. « Je peux reconnaître un vrai pratiquant de l’épée rien qu’en voyant l’état de ses mains, et on a les mêmes ! D'ailleurs, j'cherche quelqu'un pour m'entraîner si t'es partante ! » ajouta le Ronin tout en prenant l’initiative d’amorcer une marche tranquille vers un endroit plus animé du quartier, invitant implicitement Muitsuki à suivre le mouvement pour pouvoir discuter tranquillement tout en restant actifs dans un endroit plus que bondé à ces heures-ci.

Il était facile de trouver quelques bons repères à nourriture pour l’ivrogne dont le flair ne dévoilait un aspect sensoriel que lorsqu’il s’agissait de trouver du saké ou de quoi se remplir un gosier durement tiraillé par le travail intensif d’un entraînement draconien sans interruption. De son œil vif et perçant, le Shinigami marchait, quelques centimètres devant la jeune femme, laissant sa longue veste de Kimono onduler au gré de la légère brise rafraîchissante qui parcourait la rue dans laquelle ils s’engouffraient, à travers Commerces et foule en nombre.

« Bwah non voyons ! J’le vois directement qu’une peinte suffirait à te faire tituber hahaha ! Essayons plutôt de trouver ces takoyakis et ensuite j’connais un artisan qui prépare des cocktails sans une goutte d’alcool, t’m’en diras quelques nouvelles ! » dit Ryo sur un ton moqueur en soulignant l’aspect enfantin de celle qu’il accompagnait à travers les rues du Seireitei.
« Mais j’y pense ! T’saurais plus que moi m’dire où est la boutique ou t’es allée ? » demanda-t-il, légèrement déboussolé entre mille et une saveurs dont les odeurs se croisaient pour le plus grand malheur d’un flair encore trop peu expérimenté pour différencier chaque odeur !

Née avec une lame ? Il fallait dire que c’était le cas pour tout le monde, puisque dès lors convoquer par le Concile Blanc, un Shinigami lui était attribué un zanpakuto. Peut-être parlait-il de lui avant de mourir ? Qui sait ! De ce qu’elle savait, si on perdait l’intégrité de sa mémoire, quelques bribes persistaient dans la conscience de l’individu après sa renaissance. Possible donc, mais elle ne préféra pas poser la question pour le moment.

En parlant de deuxième alliée, elle crut qu’il parlait de ses mains en les montrant. Mais à priori, ce n’était pas le cas. Elle observe ses propres mains par réflexe, comprenant rapidement où ce dernier voulait en venir. C’est vrai, son maître lui en avait déjà parlé.

— Perspicace donc !

Elle ne faisait pas trop attention à ce genre de chose faut dire, même si elle en savait le détail. Elle n’était pas non plus du genre à observer les mains des autres, partant de tout manière dans le principe que tous ceux dans le Seireitai étaient des pratiquants de kendo de près ou de loin, possédant tous un zanpakuto.

Après ce petit fou rire de la part du Ronin, la petite Shinigami s’était donc mise à grand pas ce dernier, non pas par impatience de voir où ce dernier allait le mener bien que c’était en partie vraie, cependant il s’agissait aussi de la petite taille qu’elle avait qui l’obligeait de hausser le pas, sous peine de finir à la traîne. Ce n’est pas facile d’être petite. Par rapport à Muitsuki, c’était des pas de géant que faisait l’homme à la tête de cactus. Mais bon, ce n’était pas ça qui allait épuiser cette dernière. Ce n’était plus une petite fille égarée à la recherche de sa mère dans les rues de la capitale mais bien une shinigami et ce malgré ses apparences.

— Quoi ? Allons je suis certainement bien capable de boire plus que ça ! Mais ça ne veut tout de même pas dire que je compte bien m’y mettre.

Rétorqua-t-elle, rappelant tout de même sa volonté de n’en pas en boire. L’alcool était la boisson des démons. Si les autres en buvaient, ce n’était pas une raison pour cette dernière de s’y mettre. Outre cela, entre deux bouchées de ces takoyaki encore mangeable — car elle ne comptait pas gaspiller ceux qu’elle pouvait encore manger, la brune pointa du doigt la direction à prendre.

— Ch’est par là.

Elle avale la bouchée pour ne pas continuer à parler la bouche pleine.

— C’est au Gensou Takoyaki que je les ai achetés. Ils font de tout en ce qui concerne les Takoyaki.

Les rues étaient bondées, rien de bien étonnant lorsque le Dio était dans ce genre de quartier très fréquentés, et encore plus d’évènements rares comme l’élection du futur Sotaicho. Heureusement qu’il ralentissait, car elle aurait pu vite perdre de vue le voyageur de faille avec tout ce beau monde. Quoique, avec son chignon et sa tête de cactus, difficile de ne pas le remarquer. En tout cas, en étant derrière il était plus facile pour elle de circuler étant donné qu’il écartait les autres là où elle aurait dû se faufiler à travers la foule avec sa petite taille. Tantôt un avantage et tantôt un désavantage, la brune tentait au mieux de tirer un bénéfice. Finalement à la question, la jeune fille remua de la tête.

— C’est un rite à l’Etoile du Nihon dans lequel il faut partager une coupe de saké ensemble afin de renforcer la cohésion. Ce sont seulement dans ces occasions que je bois de l’alcool, et cela sera pour seul raison !

Elle rappelle encore une fois, comme pour le décourager de l’inciter à quoique ce soit. Certes peu crédible avec sa voix aiguë, Muitsuki ne comptait pas se faire corrompre aussi facilement par la tentation des buveurs d’alcool. Si le saké était plus qu’un alcool dans le Nihon, il n’en restait pas moins aussi un symbole du tanuki, vil Yokai aimant se jouer de l’Homme par ses capacités à se métamorphoser. Si ces derniers étaient symbole de chance et bonne fortune, il ne fallait pas oublier ce détail ! Qui sait, ils étaient peut-être attirés par le saké ! Voilà bien le cheminement de la brune en tant que pieuse, tant aujourd’hui qu’elle était par le passé. Bien qu’ayant perdu la mémoire, certaines mœurs et pensées subsistent.

Une fois arrivée, ce ne fut pas sans attendre puisqu’il y avait une file d’attente. Rien de bien étonnant, car après tout ce n’était pas un petit bar du coin comportant que des habitués mais bien un service reconnu au sein du Seireitai ! Cela laisse néanmoins place à une question des plus intéressantes. Pourquoi avait-elle accepté d’être une shinigami. Elle se grattait la tête, prenant un air bête et gênée avec son sourire hébété.

— Je me disais que cela avait l’air d’être classe quand le Concile Blanc en parlait, et que si j’avais le potentiel d’être une Shinigami, c’était certainement pour une bonne raison.

Ça, c’était ce que pensait la petite Muitsuki lorsqu’elle fut convoquée par le Concile Blanc alors qu’elle n’était encore une adolescente, encore incapable de comprendre totalement comprendre à la vie. Puis, avec les années, sa manière de pensée à l’idée avait quelque peu changé.

— Maintenant, je me dis juste que je poursuis mon rôle de Shinigami afin de sauver les Hommes de mon mieux. Je n’ai pas eu cette chance, alors j’aimerai qu’eux l’aient.

La Shinigami se gratte la joue avec l’index, toujours ce léger sourire hébété alors qu’elle racontait ceci. En y pensant, elle avait l’impression de n’avait pas grandement mûri ceux malgré ses nombreuses années en tant que Shinigami. Peut-être était-ce pour ça qu’elle ne grandissait pas et restait dans son corps d’adolescente. Son visage reprend un air plus basique, posant alors la même question en retour.

— Et toi, pourquoi tu es Shinigami ? Qui plus est je me demande ce que tu fais chez les Marches-failles, pour quelqu’un qui a l’air de grandement apprécié l’art de l’épée et le saké, je t’aurai bien vu avec nous à l’Étoile du Nihon ! À moins que tu aies été un moment un Keihei à la cinquième division… Non sinon j’aurai reconnu cette tête de cactus…

Elle commençait à marmonner sous sa barbe inexistante, laissant son esprit vagabonder sur mille et une théories. Le temps passe bien vite en parlant que c’était déjà leur tour. Si sa voix avait l’air menaçante, celle de la brune était là pour embaumer par un remerciement le gérant des lieux. Être une cadette avait ses avantages.

— Cela me va !

Ayant aucune objection à cela, l’enfant qu’elle incarnait s’était assise à la terrasse.

Ne pas boire pour célébrer la vie et le renouveau ? Un saké artisanal produit à partir du meilleur riz cultivé au Seireitei, par des agriculteurs qui dédiaient leur vie à procurer ces instants d’extase aux heureux consommateurs en échange d’une honnête rétribution ?
Si Ryo avait toujours tenu en horreur tout ce qui approchait de près ou de loin à la politique, il restait un Shinigami et connaissait les rites de certaines autre Divisions, dont la Cinquième, qu’il aurait pu rejoindre si l’« illumination » qu’avait reçu ce groupe de pieux et droits personnages ne l’empêchait pas de boire et de jouer à sa guise.
Pourtant, et malgré cette culture beaucoup trop académique pour le Borgne, il écoutait d’une oreille attentive Miutsuki pendant le temps d’attente qui les menait aux Takoyakis d’excellente facture et que l’homme aux Getas pouvait renifler d’ici, ce qui lui mit l’eau à la bouche.

Classe hein ? Ryo, qui récupérait alors la commande qu’il partageait volontiers avec la Religieuse, esquissa un sourire moqueur en la voyant prononcer ces mots avec une tête trop innocente pour rester inaperçue. Ce sourire devint simplement un sourire bienveillant lorsqu’elle poursuivit son bout de récit. Quelque chose avait résonné en lui, l’espace d’un instant et de manière imperceptible alors qu’il prenait place à la table où il avait proposé à sa compagnonne du jour de déjeuner pour discuter, autant ne pas gâcher une occasion de découvrir le Monde après tout.

« Ils ont l’air excellents ceux-là, c’est la première fois que j’y goûte ! » assura Ryo en plantant son cure-dent tout terrain dans la première boulette qui était proposé, tout en invitant sa collègue de gastronomie à se servir.

Puis vint un retour de question auquel il s’attendait, chose qui lui ôta son sourire d’une traite pour le laisser avec un air de penseur, sa main s’étant figée dans le temps, l’espace de quelques secondes, laissant paraître un Takoyaki ben chaud, soumis au vent frais qui circulait. Hop ! Ca finit sa course dans la bouche du membre des Marche-Failles, qui reposait son cure-dent entre ses dents avant de répondre.

« J’ai passé un certain temps à m’chercher moi-même, à voir c’que je pouvais faire pour trouver ma place dans c’monde. »

Se servant une choppe de saké, le regard du Shinigami se fit plus mélancolique, son œil paraissait moins froid, moins perçant à mesure qu’il se replongeait dans le passé.

« Quand je rêve, j’vois cette Lame qui m’accompagne partout, c’est grâce à elle que j’suis ici aujourd’hui et c’est tout c’que j’sais faire : manier la Lame pour la société. D’mon vivant, j’étais sûrement le même, parce que même maintenant, j’trouve ma place dans l’monde qu’en tenant une arme entre les mains. »

L’image de l’enfant qu’il avait sauvé d’un cheval enragé, la dernière image qu’il avait du Monde avant sa renaissance revenait, l’espace d’un flash, suffisant pour illuminer le regard de l’homme aux cheveux de cactus, dont l’œil se posa de nouveau sur Muitsuki.

« Tenir une arme m’permet de sauver des vies, sauver des vies en tant que Shinigami c’plus simple qu’en solitaire, les Marche-Failles m’ont accueilli et j’ai toute la liberté du monde, en plus !»

Sifflant d’une traite le saké de sa choppe, il la reposa d’un claquement sur la table en bois, tout souriant.

« C’est plus simple pour se rincer le gosier avec l’salaire hahahaha ! » conclut-t-il d’un rire triomphant.

Une idée germa dans son esprit, aussi simple que réaliste, il la soumit aussitôt.

« J’y pense, à la Quatrième, on a un rituel pour signer la fraternité qui r’ssemble bien à votre propre rituel d’échange de coupe de saké. On s’signe un pacte d’amitié ? » répliqua le digne ivrogne, qui tel un membre de la Sainte Croisade, parcourait le Nihon entier, prêchant les vertus d’un saké préparé avec amour et soin par des puristes !

Alors qu’elle parlait, elle ne put échapper à voir ce sourire moqueur au lèvre du shinigami de la Marche-Faille, comprenant rapidement ce dont il en retournait. Oui, il était en train de se moquer d’elle ! Cela aura pour réaction d’avoir désormais une jeune fille en train de bouder, tel une enfant. Bras croisé contre sa poitrine et regard ailleurs, elle gonflait des joues. Ce n’est pas qu’en apparence qu’elle semblait n’être qu’une gamine. Cela ne l’empêchera pas cependant d’orienter son regard vers la boîte de Takoyaki. Aussitôt tous les mœurs existant cessent pour laisser place  à une envie de dévorer ses petites boules fourrées au poulpe.

- Evidemment qu’ils sont bons !

Oubliant déjà ce pourquoi elle s’était mise à ronchonner, voilà qu’elle se saisit d’un cure-dent disposé dans la boîte afin de se saisir d’une de ses merveilles gastronomiques du Nihon pour en manger une. Cette petite altercation qui aura valu la perte de son repas permit à cette dernière d’avoir un nouveau plat, et ce gratuitement qui plus est !

En même temps que la brune mangeait, celle-ci écoutait les propos du shinigami de la quatrième division, parlant alors de sa raison d’être shinigami.  À entendre ses dires, on aurait dit qu’il ne savait tout simplement pas la raison de sa présence ici, et qu’encore aujourd’hui ce dernier ne savait pas quoi faire, hormis profiter de sa seconde vie offert par le Concile Blanc avec ceux de sa division. En un sens, c’était le cas pour beaucoup de monde. Une âme apparaît devant le Concile sans son consentement et lui parle de servir une cause inconnue jusqu’à ce jour-ci tout en lui offrant une seconde chance. Peu refuserait. Là on cela était plus intéressant - et moins joyeux - était son lien avec son aseuchi.  Même si la majorité pour ne dire la quasi-totalité des souvenirs disparaissaient, des bribes persistaient et voilà que cet homme lui expliquait son ressenti vis à vis de cela.

— Ça ne peut être que bénéfique pour toi de penser ainsi. Après tout, c'est notre but. Du moment que tu t’en tiens, tu ne pourras qu’avancer !

Du moment qu’il continuait de se servir de son zanpakuto pour sauver des vies, nul besoin de s’inquiéter. Puis en plus, s'il se plaisait dans sa nouvelle vie et dans sa division, tant mieux pour lui.  Finalement, ce qu’elle avait dit concernant le rite semblait être aussi une chose commune à la quatrième division. Rien de bien étonnant, puisque ce rite était repris du monde humain. Mais elle avait l’impression qu’il prenait ceci un peu trop à la légère.

— Tu sais, ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère. C’est plus qu’un simple pacte de l’amitié. C’est aussi des promesses, des engagements.

La brune bien que du genre décontractée et sans prise de tête restait tout de même à prendre au sérieux ce genre de concept. Tenir des engagements tel sur une simple rencontre n’était pas le genre de la jeune fille. Enfin, loin d’imposer son idée, elle se grattait la joue avec l’index en ayant eu justement cette impression en disant cela.

— Outre cela… Comme tu fais partie de la quatrième division, tu as dû déjà aller au Dangai ? Je me suis toujours demandée ce que c’était ! Apparemment c’est un endroit dangereux, mais il doit bien y avoir des choses à voir dedans pour que la quatrième division y explore !

La commande était servie et les deux Shinigamis étaient confortablement installés, laissant place à une discussion que Ryo aimait bien, en compagnie d’une Shinigami, qui ne buvait pas un gramme d’alcool, au grand damne du membre des Marche-Failles, mais qui avait un je ne sais quoi d’intéressant. Chétive mais adroite, un air inoffensif mais une pratique régulière, à en juger par des mains sollicitées et dont la peau des paumes étaient usées par l’effort et le travail. Pour le Ronin, Mitsuki était déjà à son œil une camarade épéiste, même si cette dernière refusa poliment et comme s’y attendait l’ivrogne notoire le verre qu’il lui proposa.




L’expression de son visage se mit à s’attendrir, l’espace de quelques secondes, loin de l’aura menaçante qu’il pouvait émettre malgré lui, par son caractère et son apparence peu encline au contact social.




Tout aussi décontracté que son interlocutrice, Ryo piqua avec son cure-dent un autre Takoyaki qu’il goba littéralement avant de se rincer le gosier pour faire passer le tout. Se redressant sur le siège qu’il occupait, son œil glissa au fil des secondes vers la foule qui défilait derrière la manieuse de lames aux airs d’adolescente, puis revint se poser sur cette dernière, lorsque celle-ci lui demanda à quoi ressemblait le Dangai. Quelques secondes de réflexion vinrent tout naturellement à l’électron libre du groupe. Sa mission était assez simple au final au sein de la Division, mais l’expliquer à l’oral était une tout autre paire de manche pour le maladroit qu’était le Kagero.




Reprenant un verre pour accompagner sa tirade, le Marche-Faille reprit, précisant ce que lui faisait au sein de la Soul Society.



Son œil se posa sur Muitsuki, alors que la curiosité le gagnait à son tour, la concernant.

Comme depuis le début, elle écoute les dires de l’individu de la quatrième division tout en ayant un oeil sur la nourriture qu’elle mangeait depuis le début. La pousse du Nihon comprenait et était plutôt d’accord avec ce que disait Ryo. Ce partage autour d’une coupe de saké était un signe amical et de confiance mutuelle, néanmoins même si elle trouvait comme plutôt sympathique - bien que son côté alcoolique n’était pas plaisant pour elle, cette dernière ne connaissait encore rien de l’individu. Ouverte à la discussion et amicale de manière générale qui néanmoins n’est pas du genre à faire des avances tel que des promesses à des individus sans connaître véritable qui était ce dernier.

- Je n’ai pas un tel instinct malheureusement.

La brune se gratte la joue de l’index, mi-gênée et mi-amusée de cela. Écoutant toujours Ryo dans ses explications sur notamment sur ce monde inconnu que représentait le dangai aux yeux de la jeune adolescente. Cette dernière connaissait l’existence de d’autre monde dont l’Enfer en étant par le passé une Parle-esprits dans ses premières années d’existence, néanmoins le Dangai était encore une chose totalement inconnue pour la brune, n’ayant jamais rencontrée de telles anomalies dans le seireitei ou directement dans le Nihon. Néanmoins difficile de visualiser ceci, étant donné qu’un monde composé que de vide, bah… c’était difficile à imaginer. Puis il parlait de voix, chose qui suscita la curiosité de l’Isshiki.

- Oh un peu comme des fantômes ! Enfin, eux ne t'emmènent pas dans des failles espace-temps.

Sinon ça serait bizarre. Enfin, de toute manière les Dangai étaient des choses bizarres, donc tout ce qu’il y avait dedans devrait l’être aussi. Mais du coup il n'est jamais allé dans un Dangai. Cela risque d’être compliqué de poser des questions là dessus si au final ce dernier n’est jamais allé à l’intérieur. Elle se contente d’hocher la tête à la description de son devoir. Puis cela fut au tour de la petite Shinigami d’expliquer là-dessus.

- Il y a beaucoup de choses à dire !

L’éthique, la méditation, la voie du sabre, l’honneur, le forgeage, les rites, la chasse au yokai… Il y avait tellement de choses à dire au sein de cette division auquelle elle avait passé de nombreuses années. Elle pourrait en dire des choses, mais au lieu de cela, elle se contentait seulement d’énoncer ce qu’elle faisait.

- J'apprends l’art de l’épée, les valeurs et le forgeage. Il y a aussi des chasses au Yokai, mais j’en ai encore que peu d’expérience là-dessus. Même si je suis désormais une membre officielle, cela ne fait que peu de temps. Je ne peux pas encore me vanter de cela.

Jouant avec son cure-dent de bonne facture qu’il gardait habituellement perché entre les dents, le membre des Marche-Failles adressa un sourire lorsque la forgeronne aux airs d’adolescente lui confia qu’elle ne partageait pas l’instinct que le Borgne dévoilait au travers de leur conversation.

Un trait de personnalité atypique qu’avait développé Ryo, fort de ses années vécues en tant que Shinigami grâce au Concile Blanc et de manière inconsciente par son vécu d’être humain qui, même si ses souvenirs de cette époque étaient derrière lui et perdus à jamais, son corps et son cœur en avaient gardé chaque automatisme, et cet œil fermé malgré le trépas et la renaissance était là pour l’affirmer au Monde, cet aspect intrépide, téméraire et sauvage qu’avait développé le manieur de lames de son vivant, seul face à la guerre qui avait jadis fait rage dans le Nihon.

Finalement, l’homme aux cheveux verts n’avait pu trouver la moindre place nulle part, quand bien même il avait des dispositions à devenir Shinigami. L’appât du gain, la maîtrise de la lame et le combat qui lui permettait dans un sens de trouver une raison profonde d’exister, l’avait détourné de toutes les portes sauf une seule, celles de la Quatrième Division où il avait au moins pu creuser son bout de chemin.
Un chemin qui le menait ici, ce jour-là en compagnie de la petiote qui lui tenait compagnie pour ces Takoyakis que le Borgne trouvait exquis, surtout accompagnés par une bonne dose de liqueur.

Il s’amusa de l’interprétation du membre de la Cinquième, et afficha une mine plus moqueuse que précédemment tout en reprenant dès lors qu’elle s’était exprimée sur ces fantômes.



Riant aux éclats, le Ronin prêta une oreille plus attentive aux dires de la brune, lorsque celle-ci lui détailla les activités de sa Division. Un point éveilla une lueur dans le regard du Shinigami, dont les mains se posèrent sur la table après avoir reposé le verre qu’il tenait. Des valeurs ? La curiosité piqua Ryo, qui s’interrogea et interrogea Muitsuki sans attendre.



Un air plus perplexe se posa sur le visage intrigué du Marche-Failles. Ce dernier avait comme seul code les valeurs qui étaient partagées par sa propre Division, mais l’homme aux Getas restait avant tout sauvage, comme au premier jour, comme à sa première apparition en tant que Shinigami : un tempérament électrique et imprévisible.



Un second rire vint accompagner cette discussion. Un rire franc venant d’un Borgne qui s’amusait bien à discuter avec sa collègue de Division différente mais épéiste tout de même. En voilà un défi, que Ryo lança à la petiote. Cherchant dans sa manche de Kimono, il en ressortit bien rapidement une paire de dés qu’il posa sur la table et prit une tasse vide sur la table pour les y déposer. Son œil, luisant d’une étincelle joueuse, se posa sur sa camarade de table.

Il y aurait donc vraiment une personne à l’intérieur du Dangai ? Curieux curieux… Mais bon, ce n’est pas vraiment une chose à laquelle la brune aura vraiment l’occasion de connaître, n’étant pas issue de la division des Marches-Failles. Voyager dans le Dangai et y déceler les énigmes n’étaient pas le rôle de l’Etoile du Nihon. Justement, en parlant de l’Etoile du Nihon, voilà donc un aspect de cette division.

- Oui, on peut dire ça, même si pas exactement.

Cela allait bien au-delà d’un simple de bonne conduite. C’était des codes à assimiler et à faire sien, pour avancer dans la “vie”, que cela soit dans physiquement ou moralement. Ils permettent d’apprendre et comprendre certaines choses, de se connaître soi-même et bien d'autres choses. Loin d’une simple charte de bonne conduite pour la jeune fille, c’était surtout un moyen d’apprendre, comprendre et d’avancer. Al contrario de Kyo qui avait ses propres valeurs, la Shinigami avait tout simplement assimilé l’éthique forte de la cinquième division.

- Peut-être. En tout cas, ça ne change rien quant à notre rôle en tant que Shinigami. On n'est peut-être pas issu de la même division, mais on reste tout de même lié par ce rôle. Avant d’être un membre d’une quelconque division, on est tous Shinigami.

Peu importe l’appartenance à telle division, tous étaient des shinigami, des fervents protecteurs de l’espèce humaine, leur ancienne appartenance avant d’être shinigami. Du moins, si elle oubliait cette idée presque révoltante d’asservir les humains. Voilà une idée qui allait dans le sens contraire à ses principes.

La demande du shinigami eut raison de rendre perplexe Muitsuki, non pas à l’idée de devoir parier une ristourne ou non, mais plutôt à l’idée de la raison d’avoir une troisième lame. Elle connaissait des individus ayant eu l’idée de manier deux lames à chaque main, mais trois lames… Elle se posait quelques questions.

- Je me demande bien pourquoi veux-tu une troisième lame. Je me demande ce que cela pourrait te servir.

Mais outre cela, quant à la proposition de jouer aux dés, elle n’y voyait pas spécialement de contradiction.

- Cela me va, mais dans ce cas là dans le cas inverse tu devras t’attendre à payer le plein pot pour cela.

Elle n’y avait pas spécialement grand chose à perdre, de toute manière faire une ristourne sur quelque chose de facile d’obtention et facile à faire n'était pas dérangeant. Puis dans le cas contraire elle serait peu gagnante. C’était plus un jeu pour elle qu’un moyen de gagner quelconque monnaie d’échange. Elle se saisit de la tasse pour la renverser sur la table, afin de cacher les dés. Elle secoue la tasse quelques secondes, ce qui fit un tintement de verre assez bruyant aux oreilles.

- Alors… Pair ou impair ?

Ecoutant attentivement la jeune femme qui lui tenait alors compagnie, Ryo jouait inconsciemment avec le verre vide qu’il tenait désormais du bout des doigts, le faisant tournoyer de droite à gauche, sans signification profonde, tandis que son œil perçant était posé sur Muitsuki qui s’avérait être une Shinigami bien plus attachée aux codes et à la bonne conduite académique qu’il ne l’avait imaginé. Cela lui arracha un léger sourire, à peine perceptible et bref tandis qu’il se disait simplement que faire la fête en grandes pompes, et d’avoir essayé de la convaincre de s’adonner aux joies de la sainte boisson était inutile. Mais, pour autant le Ronin ne s’ennuyait pas au contraire, il prêtait une réelle attention à cette fille de l’étoile du Nihon qui vantait alors son implication dans son rôle de Shinigami. Il en fallait de temps à autre, des moments de calme et de quiétude, loin des tempêtes provoquées par le saké, mais plus proche des personnes elles-mêmes.

« T’as raison, de toute façon ces histoires de distinction selon les Divisions c’est du vent, être Shinigami c'est suffisant ! »

Il approuvait totalement cet aspect simple qui liait les Divisions entre elles, loin des distinctions et des préjugés ; ils étaient tous des Shinigamis au final, quelle que soit leur affectation. Ryo quant à lui, était un Shinigami que l’on pouvait considérer comme un Ronin, mais qui accomplissait son rôle entre deux escapades pour vider un tonneau ou deux de bonne liqueur, et découvrir de nouveaux endroits à travers le Nihon où l’alcool coulait à flots sous bien des aspects, bien des coutumes et bien de la diversité de boisson !

L’homme aux Getas prit un air intrigué lorsque la demoiselle le questionna au sujet de la troisième Lame qu’il recherchait. Ni une, ni deux il s’esclaffa de rire avant d’hausser les épaules, recherchant pendant quelques secondes les idées tumultueuses qu’il avait dans l’esprit depuis quelques temps et qui avaient encore bien du mal à prendre forme.

« Hmm, en m’entraînant à manier mes deux Lames récemment, j’ai eu l’idée d’utiliser une troisième Lame pour combattre ! Du coup, j’en recherche une en Acier Spirituel… mais les commerces des environs ne proposent pas ce genre de marchandises ! »

Affichant un sourire, son attention se porta sur la jeune femme, qui relevait le défi du Borgne. Ce dernier, toujours aussi addict aux jeux que possibles, laissa donc la chance guider sa nouvelle acquisition. Payer plein pot, ou payer avec une belle ristourne sur une Lame de qualité ? C’est dans ces moments de hasards que Ryo se retrouvait fidèle à lui-même, laissant le destin décider et se laissant porter, une étincelle combattive incendiant son regard passionné.

Il était temps de voir si la chance était de son côté ou non. L’œil posé sur la tasse qui contenait les dés, le membre des Marche-Failles se figea un instant, sa concentration se fixant à son plein paroxysme, avant de relever les épaules d’un coup, son œil se posant sur Muitsuki.

« Disons impair ! »

Dans les explications du Ronin lors de la raison de la nécessité d’un troisième sabre, elle ne put s’empêcher d’avoir léger rire qu’elle cachait derrière le dos de sa main. Celle-ci s'imagine comment Ryo pourrait porter un troisième sabre. En tapant un croc sur la garde son troisième sabre et en agitant son cou peut-être ? Décidément, l’imagination de certains était capable de dépasser celle de la jeune étoile du Nihon.

- J’aimerai bien voir comment tu vas porter ton troisième sabre en combat dans ce cas là !

Dit-elle mêlant amusement et moquerie. Mais du coup, pour être un peu plus sérieuse vis à vis de cela et pour ne pas passer un ours mal léché, elle prend tout de même en compte sa demande. De l’acier spirituel ? Elle a déjà vu à l'œuvre certains manipuler ce métal, néanmoins la jeune fille n’en a jamais véritablement manier de sa deuxième vie.

- Il est vrai que ce n’est pas vraiment commun de trouver des armes en acier spirituel, car après ce n’est pas vraiment quelque chose de facile à manier ! Même si je suis capable de forger des armes, l’acier spirituel n’est pas encore une chose que je m’occupe - pour ne pas dire que je n’y ai jamais touché. Mais je suppose qu’au Consortium tu pourras peut-être trouver ton bonheur, ou bien auprès des forgerons plus expérimentés dans le Gobantai.

Il est vrai que les Consortium devait être les plus calés là dessus, même si ces derniers usant surtout cela pour leur invention. Peut-être qu’au final, voir un membre de la cinquième division calé dans le forgeage serait une meilleure idée ? À lui de voir pour cela.

- Ce que je te ferai sera certainement un sabre que tu pourras certainement trouver dans les marchés. Enfin, au moins dis-toi que tu pourras me demander ce que tu souhaites précisément comme sabre au lieu d’espérer trouver la perle rare, avant de pouvoir trouver quelqu’un capable de forger une arme en acier spirituel !

Au moins, à défaut de ne pas avoir ce qu’il souhaite, Muitsuki tentait tout de même de le réconforter en lui proposant au moins ce petit extra qu’était la possibilité de définir quel genre de sabre voulait-il. Certains aiment quand c’est grand, courbée ou bien avec un double tranchant. Encore une fois, à lui de voir.

Voilà quelques secondes qu’elle avait secoué la tasse, et alors que Ryo avait finalement décidé de parier que le résultat serait un nombre impair, que ne fut pas son malheur en voyant qu’il s’était trompé. Le numéro était un nombre pair, le numéro.

- Eh bien… Je suppose que la chance n’est pas au rendez-vous ! Du coup j’ai gagné !

Dommage pour lui, mais en tout cas la jeune shinigami ne manquait pas d’affirmer sa victoire. Après tout, une victoire ça se fête !

- Mais ne t’en fais pas, je ferai tout de même de sorte que tu ne sois pas déçu !

À défaut de ne pas avoir gagner un pari, elle fera de sorte qu’il ressorte de cette aventure tout de même gagnant d’un futur sabre qu’il pourra se vanter d’avoir, Made in Muitsuki.

Une main par-ci, une main par-là, mais aucune qui parvenait à revenir avec un seul Takoyaki, tous avaient été décimés dans cette cruelle et tempêtueuse guerre qui durait éternellement, une guerre pour remplir son gosier, tant de liqueur que de bonnes choses à manger. Affichant une grimace en reprenant un verre, Ryo observa l’air moqueur de la donzelle de la Cinquième lorsque le bretteur lui confia sa révélation et son envie de manier non pas deux, mais trois lames simultanément. L’exercice était rude, et son efficacité restait encore à prouver, mais le Shinigami aimait aussi se lancer des défis et les relever avec un mental d’acier qui le caractérisait bien.

« Je le tiendrai avec mes dents pour en faire un style à trois lames ! »

Sur cette affirmation, et alors que Muitsuki mélangeait les dés, pour laisser place au résultat et au vainqueur de ce pari que le joueur avait provoqué, ce dernier se mit à rire de sa propre idée, qu’il trouvait à la fois intéressante pour son entraînement, mais surtout ridicule dans le sens où boire un coup pendant une passe d’arme lui était impossible avec ce procédé. La forgeronne s’avoua incapable de produire une lame d’acier spirituel mais une lame normale, ce qui contenta Ryo, qui acquiesça de la tête, conscient que le temps ferait certainement bien les choses, il était temps, sans jeu de mots, de s’attarder sur le résultat des jeux, captivant l’attention de l’ivrogne notoire sur la tasse qui se relevait….

« Bordel, ça faisait longtemps que j’avais pas perdu ! »

Adressant un franc sourire après ce cri empli de surprise er de frustration pour un joueur compulsif, ce dernier posa sa main droite sur l’épaule de son adversaire du jour et victorieuse membre de l’étoile du Nihon qui avait su déjouer les pronostics du vétéran des jeux de hasards.

« T’as une chance plus grande que la mienne, tu ferais un malheur au salon de jeu ! »

La journée avait l’air de rien tissé son chemin, de fil en aiguille et qui menait à une heure où le membre des Marche-Failles ne pouvait plus flâner comme il en avait l’habitude. C’est qu’il était occupé mine de rien le bougre malgré une mine détendue qui reflétait trop bien son désir d’en faire le moins possible le plus longtemps possible. Malheureusement, toutes les bonnes choses avaient une fin, et l’homme aux Getas accepta sa défaite aux jeux avant de se lever de table.

« Je te laisse faire alors Muitsuki ! Je dois reprendre mes activités pour la Division et je dois m’en aller, mais j’suis sûr qu’on se reverra bien assez vite ! »

Pivotant sur ses Getas, le Ronin eut un sourire et se laissa porter vers ses responsabilités qui l’attendaient de pied ferme, levant quand-même la main pour saluer sa nouvelle camarade et la salua d’un air amical.

« Portes toi bien ma p’tiote ! On se revoit plus tard pour la Lame ! »

Ryo reprit alors sa route, disparaissant parmi la foule ambiante dans ces rues plus qu’animées, surtout en fin de journée.