Tenma s’étirait. Le temps pouvait parfois paraître long au Seireitei, si bien qu’il lui arrivait souvent de s’endormir dans des endroits improbables, assommé par l’ennui. Pour apprécier la vie (ou la mort), le colosse avait besoin de stimulation, d’aventures, de défi. Et ces 150 dernières années passées à errer dans la soul society n’avaient pas aidé à se faire un nom dans le milieu.

Poussant sur ses jambes, il se releva d’une traite. Assez de glandouillage, Tenma avait besoin d’action, s’agisse t-il d’une simple mission ou d’une faille à refermer à la sueur de ses bras musclés bien qu’inexpérimentés. Saisissant son Zanpakuto encore endormi, il se dirigea à petites foulées vers les rues au gré de ses envies, visitant la ville au hasard.



Freinant sur plusieurs mètres en soulevant la poussière du sol au passage, il s’arrêta devant une bâtisse dont ressortaient les shinigamis armés et prêts pour leurs missions. S’il n’était pas certain que cela soit son rôle, Tenma comprit qu’il aurait la l’occasion de s’occuper d’une bonne manière en rendant service au Nihon.

Mais bien vite, le géant de deux mètres dix-huit porte son attention vers quelque chose de bien plus intéressant. Une sublime créature, toute de chair et dégageant un parfum lui promettant milles délices. D’ou venait-elle ? Ou allait-elle ? Pourquoi, quand et comment ? Tant de questions vinrent en son esprit fécond qu’il resta la, pantois à l’admirer près d’une dizaine de secondes avant qu’elle ne s’éloigne. Pas question de la laisser partir ! Une si belle créature se doit d’être proprement accompagnée !

Courant et faisant un bond de cinq bons mètres en l’air, il atterrit plus loin, face à la jeune femme tout en lui barrant la route. Immédiatement, l’homme à la musculature indécente ploya le genou, tête basse pour adresser une révérence parfaitement soumise à la belle créature, s’exprimant d’une voix claire et forte.



Avoua t-il tout d’une traite, alors même qu’ils ne se connaissaient nullement. Tenma n’allait tout de même pas prendre le risque qu’elle se blesse.

L’autre homme de la sixième division a pu me contrarier avec ses propos, au point où je me suis sentie obligée de palier mes défauts. Peut-être n’a-t-il pas cherché à évoquer l’alarmante faiblesse que je possède, mais ce sentiment reste bien prégnant. Qu’importe, cet enfoiré avait raison, et j’ai enfin fini par me trouver du temps pour améliorer mes dons de l’âme. De fait, il faut tout de même que je mette en pratique cette nouvelle expertise, et si je peux faire d’une pierre deux coups, j’allais évidemment le faire. Ainsi, je réponds à l’appel d’une mission afin que mes supérieurs arrêtent de m’importuner un bon moment, pour de nouveau retrouver un calme serein pour mes recherches.

Ceci dit, pour retrouver cette fameuse accalmie, il faut se confronter à la tempête en premier temps, ce qui en général a pour don de m’exacerber. À chaque fois que je fais une sortie, quelque chose devait forcément subvenir pour que ma tranquillité s’en fâche et s’altère de sorte à se transformer en instant de longue peine.

Comme là, il faut dire. Je sais déjà que mon esprit va fulminer en cette terrible journée.

Adressant un regard las envers l’homme qui vient de bondir devant moi pour s’abaisser de son plein gré, je n’écoute qu’à moitié ses dires mais je m’en retrouve déjà écœuré de sa gestuelle et de son parlé. Étrangement, ce comportement quasi chevaleresque, typique de la noblesse, me répugne au plus haut point, et peut-être même préfère-je des paroles plus crus que de belles promesses enjolivées par la poésie.

Ceci étant, la bonne solution dans ce genre de cas est tout simplement d’ignorer l’énergumène comme un insecte… Non, comme une vieille chaussette qui se trouverait en bord de route. Sans même répondre à ses avances, je devance cette chose massive pour m’aventurer plus loin.

Ma mission est simple pour le coup, il faut uniquement que je retrouve une certaine femme et que je lui livre les divers objets que je porte. Le paquet est fragile, mais là n’est pas le sujet principal de la requête. Après tout, même si la charge est quelque peu lourde, ma constitution de Shinigami me permet de supporter un tel poids sans réel contrainte. Ce qui est moins évident est le banal fait de retrouver la personne à qui je dois donner ces items. Hors la globale description des lieux, je n’ai rien de concret sur elle. Pas d’emplacement exact, et seul un nom de famille qui m’est méconnu. Mais bon, là est la raison pour laquelle j’ai accepté cette demande. Je peux ainsi m’entraîner à user de mes nouveaux dons de senseur pour pister une individue… Et par la suite, je peux me pencher sur la présence des Yokaïs.



Finis-je donc par dire, m’adresser à la mouche qui ne m’a pas lâché entre temps. En y repensant… Il peut m’être utile. S’il continue de me suivre malgré le fait que je démontre explicitement que je ne souhaite pas de sa présence, je peux au moins me servir de lui pour ma requête, et pour plus tard lorsque j’irais chasser du démon.



Dis-je alors, tendant le paquetage chargé en sa direction, d’un air médisant.

Oh, cette indifférence, cet air parfaitement hautain et dédaigneux, cette langue terriblement corrosive et acérée… quel charme fou. Tenma en est sûr, il n’a pas affaire à une femme mais à une divinité venue des cieux. Un ange qui le surplombe entièrement, un véritable soleil aussi beau qu’irradiant et dangereux pour ceux qui le regardent trop longtemps. Son devoir est certain désormais: il lui faut la protéger, le monde est une vaste plaine semée d’embûches.

Sans se laisser démonter par l’ignorance totale dont elle fait preuve à son égard, le doux géant se permet donc de suivre la jeune femme en prenant bien soin de rester légèrement en retrait pour ne gêner aucunement son avancée ni sa vue. Sa grosse carcasse pourrait lui gâcher le paysage, et ce n’est absolument pas ce qu’il voudrait pour elle. Tenma ne pourrait se permettre de devenir un fardeau.

Ainsi, les grands yeux carmins du géant profitent donc de la vue offerte par la déesse. Elle est indéniablement sublime, et son corps n’est absolument pas en reste, particulièrement ses hanches qu’il devine délicieuses mais surtout ses cuisses indécemment charnues, belles, promettant mille plaisirs indécents.



Dit-il sans perdre une miette de son engouement malgré la froideur de la belle. Lorsqu’il jugera ne plus lui servir à rien, Tenma se retirera sans faire d’histoires… mais quelque chose lui dit que cette journée pourrait être riche en rebondissements. L’intuition, sans doute. Celle qui ne l’a jamais trompé jusqu’ici.

Jetant de vifs coups d’oeil tout autour pour s’assurer de la sécurité de la belle, Tenma prenait son rôle très au sérieux, prêt à bondir à sa rescousse au moindre problème aussi minime soit-il. Avec lui, la jeune femme pouvait s’assurer être entre de bonnes mains… tant que personne de trop costaud ne viendrait lui chercher des noises. 150 ans d’errance ne se rattrapaient pas facilement, Tenma avait beaucoup de retard accumulé et ses lames manquaient de tranchant pour le moment.

Accueillant entre ses grosses mains le paquet tendu par la jeune femme avec une délicatesse exagérée, accueillant le présent comme s’il s’agissait d’un nourisson tout juste né, il hocha la tête, un grand sourire béat lui fendant le visage de part en part pour traduire ô combien comptait-il s’investir dans sa tâche.



Continuant d’avancer, il se rendit compte qu’il n’avait aucune idée de la mission donnée à la jeune femme, si bien qu’il se permit une pointe de curiosité qu’il espérait voir pardonnée, auquel cas allait-il devoir se flageller.



Demanda t-il d’une voix mielleuse.