Faisant claquer ses Getas comme pour annoncer son entrée dans le Bar pour le moins convivial, l’ancien Marche-Faille s’avança lentement vers le comptoir, vers la jeune femme qui venait de l’aborder en voyant cette perche verte se promener à l’extérieur, comme à son habitude dans les quartiers commerçants qui reprenaient vie. Le printemps fleuri laissait place aux premières chaleurs de l’été. De part et d’autre du Seireitei, les civils, composant une bonne partie de la population restante après l’attaque massive encaissée, eurent repris leurs activités habituelles, suite au deuil, suite au grand terrassement qui se fit aux quatre coins de cette bulle encore endommagée. Ce bar avait su tenir bon, non loin de la zone concernée par l’apparition de ce joueur de flûte et responsable du cannibalisme qui valut une bonne semaine aux équipes déployées pour dégager des trottoirs les tripes et les bouts de cervelle collés comme du chewing-gum, la jeune serveuse avait survécu, comme d’autres.



Un visage éclairé de l’intérieur, et un sourire qui accueillit la demande du Borgne, qu’elle reconnaissait comme l’un de ses bienfaiteurs. Elle ne se fit pas attendre et tourna les talons en revenant derrière son comptoir tandis que le Bretteur prit place. Bien moins amoché que d’autres, le Shinigami gardait des bandages à l’endroit où l’arc électrique avait réussi à lui perforer le corps au niveau de l’épaule. Son œil scruta les tables voisines, posant son regard sur des têtes qui hier étaient couvertes de sang et en voulaient davantage, assoiffées de chair humaine, profitant de la vie au présent à cet instant.





Il n’en fallait pas plus pour provoquer le plus grand des hasards. Ce mystérieux fil du destin qui mena cette réplique précisément au moment ou la serveuse revenait avec le plateau de charcuterie immense comme la moitié de la table et la vingtaine de bouteilles, sauvées par le Marche-Faille. Le son émanant de la gifle venant caresser le visage de Ryo alla jusqu’à effrayer les voisins de table, au point où l’on pouvait se demander si les meilleurs éléments du Seireitei avaient vraiment tous été envoyé pour ralentir la course de ce monstre de puissance gigantesque qui avait fait un carnage.



Révoltée, et de manière compréhensible, l’image du héros venait d’en prendre un coup en moins de quelques secondes. Elle partit sans un mot de plus.







Frottant sa joue, Ryo vida d’entrée l’une des bouteilles peuplant sa table avant de manger un morceau, pour se requinquer et oublier cette mésaventure. Il en fallait peu pour être heureux, retrouver une vie paisible et calme, voilà qui était dans les cordes du Shinigami, qui avait su faire le deuil des personnes disparues auxquelles il eut rendu hommage, à sa manière. Pour autant, il comprenait en voyant certaines mines abattues, il partageait ce sentiment d’impuissance et d’échec qui le prit en tenaille malgré lui.

Il était temps de boire, pour oublier, pour rebondir et aller de l’avant. La table était ouverte à la compagnie, même si terminer toutes ces bouteilles seul était un luxe dont il ne se priva guère d’en énumérer dans son esprit une centaine de bénéfices.

Grommelant, le Borgne n’était pas en reste et se consolait par la consommation de charcuteries, de coupelles de saké vidés, l’une après l’autre dans une véritable symphonie ou les notes délicates de la boisson arrosant le gosier de la Bête était accompagné du bruit distinct du cure-dent que Ryo portait généralement entre ses dents en toute circonstance, allant se planter dans un couplet plus énergique mais harmonieux avec le reste de la partition. Moqué par Hakai le Renard, qui ne tarissait pas de plaisanteries à l’intérieur de son esprit, cette voix se tut rapidement lorsqu’une personne, adroite de ses mots vint s’installer à la table de l’ancien membre des Marche-Failles.

Posant l’œil valide sur un camarade d’handicap qu’il reconnaissait, vaguement, mais assez pour dire qu’il l’avait certainement déjà aperçu à l’enterrement des Officiers, aussi appelés par certains le « rassemblement de suicidaires », autant que les « héros du Seireitei ». Ryo avait un avis tranché sur la question, respectant la volonté sans faille de ces Shinigamis qui avaient donné leur vie pour lui permettre humblement de profiter de ces moments de calme qu’il affectionnait particulièrement.

Fidèle à lui-même, les mots qu’il reconnaissait bien là dans la bouche d’un noble, qui semblait être légèrement moins coincé que ses semblables cela, fusèrent sans filtre, sans restriction aucune.



Une réunion entre deux hommes que Ryo commença à peindre comme un énième moment à essayer de décoincer l’aristocratie de cette société consumée par une trop étroite vision d’esprit selon lui. Un préjugé qui s’effrita sitôt ledit Noble s’exprima, d’abord par un tutoiement et par des mots que le Shinigami considérait comme des paroles buvables, à l’exemple diamétralement opposé de celui de l’Archimage, un certain lieutenant qui avait un lexique assez soutenu, dense pour provoquer des dégâts mentaux irréversible à l’homme aux cheveux d’émeraude s’il était amené à discuter plus de trois minutes en sa compagnie… !



Montrant un brin d’intérêt pour un compagnon de beuverie motivé, son esprit fut renvoyé vers le saint sanctuaire, ou Hakai le Renard et Jiryoku l’étoile de mer régnaient.



L’euphorie du Renard malin se transforma en un étouffement, provoqué certainement par l’univers qui l’eut entendu au travers de son enveloppe faite d’acier. Sous les yeux emprisonnés du Zanpakuto se toisaient deux silhouettes élégantes, aux atouts si prononcés et gracieux que le sort d’un esprit n’ayant plus que ses yeux pour en pleurer, assista impuissant à la capacité du Borgne, de finir aussi bien accompagné, le tout parti d’une simple baffe à la base.



Ainsi, le Renard versa une larme dans le monde intérieur du Shinigami, laissant Ryo revenir au monde réel, posant de nouveau son œil sur l’une et l’autre invitée s’étant jointes à table. Plus il y avait de monde, plus on pouvait rire pas vrai ? Son attention se porta sur la première arrivée, une femme qui parlait au Yonbantai et qu’il accueillit avec les formes.



Il était à deux doigt de lui balancer le mot « coincée », se rappelant d’elle comme d’une Shinigami à la tête similaire d’un autre officier, la tête dans les responsabilités et pas assez sur les épaules. Il orienta finalement son regard sur l’inconnue totale du moment. Ce langage soutenu, ces politesses superflues, rien n’allait mais toute Bête qu’il fut, il comprit rapidement que chacune des trois personnes présentes avaient, comme lui, vécu cette attaque massive comme une tragédie. Avaient-ils perdu des proches ? Se sentaient-ils impuissants face à l’adversité écrasante ? Loin d’être consultant ou d’une quelconque adresse pour écouter le malheur des autres, il s’exprima simplement, comme à son habitude.



Sortant un jeu de cartes de son Kimono, le bretteur commença à mélanger tranquillement, s’occupant les mains en répondant à la néophyte des bars dans la même foulée.