Les missions s’enchainaient et les déconvenues aussi. Seulement, tu ne perdais pas de vue ton objectif. Sous couvert de repos, tu étais venu dans ce reculé du Seireitei. Il se disait que la vie y était belle, que tout était fait de sorte à donner une seconde vie parfaite aux morts. Au premier coup d’œil, c’était le cas. Mais en restant objectif, ça restait tout de même une utopie qui n’allait pas pouvoir durer éternellement. Accueillir sans arrêt les nouveaux-venus tout en devant les protéger et subvenir à leurs “besoins”, il s’agissait là d’une bonne œuvre mais pas forcément des plus intelligentes. Que recherchait le Concile Blanc à travers cette manœuvre ?

Dans tes songes, tu te perdais. Tu te perdais sans faire attention à l’agitation présente autour de ta personne. Les effluves mêlaient sang & alcool, le bruit ambiant prenait en ampleur et ce, jusqu’à devenir un bourdonnement désagréable. Passant devant ce bar à la fréquentation plus que douteuse, tu ne te doutais pas que ton accoutrement attirait un peu l’attention et que celui qui faisait tout pour ne pas être remarqué finissait inévitablement par l’être. Des voix te sortent de tes pensées, une main se pose sur ton épaule. Tu pensais Dangai mais tu voyais des âmes inoffensives t’échanger regards et propositions.

LUI !

Un coup d’œil sur le bas-côté et tu comprenais rapidement : les alcooliques du coin pariaient sur des débilités en tout genre. Aujourd’hui, il était question d’un concours de bras de fer. Non pas que tu craignais une défaite mais tu avais mieux à faire, surtout si tu devais te laver les mains après.

ALLONS JEUNE HOMME ! - alors que tu es l’une des âmes les plus vieilles - Ne me dis pas que tu as peur d’Iron Joe ? Tu sais, de son vivant, c’était un champion reconnu dans cette pratique. Si tu gagnes, tu empoches le blé. Si tu perds…

Un léger silence planait avant de laisser place à nouveau à la voix de l’homme au chapeau plus que douteux et de mauvais goût.

Mais tu ne perdras pas hein ! dit-il avant de laisser sa main se perdre sur ton épaule, la tapotant comme le grand gaillard qu’il désirait paraître.

Je n’ai pas le temps, une prochaine fois peut-être.

Le visage de l’homme se refermait, il grinçait des dents et fit volte-face.

On dirait les autoproclamés dieux de la mort. Il y en a beaucoup des comme lui, à se pavaner sans jamais montrer de quoi il est capable ? Que des pédales dans le coin, je vous jure...

Cela faisait bien longtemps que la provocation (avec si peu de recherche) ne t’atteignait plus. Fort heureusement, il n’y avait aucun shinigami sanguin ou fougueux dans le coin. Fort heureusement.

Silencieuse...

Tu te perdais dans la masse bruyante tout en désaltérant ton gosier qui n'avait pas été écouté depuis trop longtemps... Tu n'aimais pas ce genre d'ambiance, les éclats grossiers et vulgaires de vies qui se propageaient dans ce genre d'endroit t'empêchais de te reposer... Encore plus au sein du monde spirituel où les saletés de l'âme semblaient se dévoiler sans aucune pudeur...

Mais tu n'avais pas vraiment le choix, ni même de chez toi. Tu te contentais d'arpenter le monde connu et les frontières au delà du réel durant ton quotidien froid et morne. Le visage caché presque entièrement, au vue de ta stature, on pouvait difficilement cerner ton genre, ton métier voir même tes origines.

Mais voilà, ton œil expert pour discerner les détails les plus infimes vint à se poser sur une entité brisant le paysage global. Un de tes semblables... A la vue de l'odeur de son aura qui se dégageait de lui, il paraissait être davantage semblable à toi qu'il ne l'était des autres shinigami. Était-ce qu'une impression ? Certainement... Mais le monde avait tendance à se bâtir sur des impressions et qu'importe la nature de son âme ou de ses pensées, tu t'avançais sur la nature de son être.

Ce monde d'innocence et de candeur n'était pas le votre, du moins il ne l'était plus... Peut être qu'il ne l'avait jamais été d'ailleurs. Dans tout les cas tu étais curieuse de voir jusqu'où les provocations iraient s'instaurer dans son esprit. D'autant que sous l'effet de l'ivresse, d'autres hommes vint à se joindre au premier pour entourer la présence pourtant funeste de l'homme en question.

Allais-tu l'aider ? Certainement pas. Ton regard désapprobateur était même plus que perceptible par sa personne. Désormais il savait qu'il n'était pas entouré que d'âmes innocentes et naïves. Et même s'il pouvait t'être supérieur sur plein d'aspect tu étais une variable qu'il ne pouvait négliger en fonction de sa réaction. Au fond, tu n'étais qu'un shinigami, mais il était plus difficile de redorer son blason auprès de ses semblables qu'auprès de vulgaires péons...

- Un autre verre s'il vous plaît...

Tu purgeais ton âme par l'alcool. Tu tentais de combler le vide par l'ivresse bien que celle-ci était toute relative chez toi. Au mieux elle viendrait déclencher un soubresaut de vie de ta part, avant de se faire juguler aussi rapidement par l'ennui de ton être. Au fond, qu'importe le parti qui venait à se faire passer à tabac, peut être que cela te divertirait suffisamment pour éloigner ton regard des ténèbres quelques instants...

C'était une chose à tenter...

- Mon salaire sur l'inconnu.

Un excès de ta part peut être dû à l'ivresse ? Qu'importe. Tu étais curieuse. Tu avais toujours eu cette volonté de savoir. Et en cet instant tu voulais connaître la réaction de l'homme. Sans compter qu'à peine l'argent posé sur la table, la foule vint à s'endiabler à nouveau, empêchant une fuite sans bavure.

Dans tout les cas tu repartirais avec quelque chose de cette scène, de ce moment de vie. Ce n'était pas le cas tout le temps...

Parfois, le hasard faisait bien les choses. Était-ce le cas ici ? Rien n’était moins sûr. Pour l’heure, tu avais un groupe d’infréquentables en train de jouer argent et biens en tout genre sur l’issue d’un défi puérile. Ils te poussaient à participer. Pour être plus précis, ils ne te laissaient pas vraiment le choix. L’œil averti d’un ou plusieurs semblables ne te forcerait pas à la chose. Seulement… L’égo d’un ancien homme commençait à jouer. Quel choix te devais-tu de faire ? Fuir ? Gagner ? Perdre ? Chacune des possibilités avait ses avantages et ses inconvénients. Mais tu ne devais pas trop réfléchir non plus, ce n’était pas ton style et ça ne l’avait jamais été. Bien que ça faisait plus de deux cents ans que tu étais mort, tu avais toujours cette même impression : ton sang bouillonnait.

L’impulsivité allait parler et l’improvisation tenter de réparer les erreurs de cette dernière. “Bien, bien, bien…” tes pas te ramenèrent devant le semblant de colosse qui exhibait muscles et rictus plus gênants qu’autre chose. Qu’à cela ne tienne, tu n’allais pas te défiler maintenant que tu étais lancé. Les paris pouvaient être fous au sein de la Soul Society. Mais miser l’entièreté de son salaire sur la fierté mal placée d’une personne n’était pas si fou que ça. À vrai dire, c’était plutôt malin.

Quoiqu’il en était, les hostilités étaient lancées. L’hésitation suivait toujours la décision que tu t’apprêtais à prendre, les mains se serraient, le combat débutait. Le regard plongé dans celui de ton vis-à-vis, tu t’arrangeais pour montrer un duel avec rebondissements et difficulté pour vous deux. L’idée d’un match nul ne te déplaisait pas, c’était toujours une source de mécontentement pour les plus fous des parieurs. Mais voilà, dans la manœuvre, tu te rendais compte que la table était truquée et tendais à affaiblir la position de celui qui affrontait le champion.

“Infâmie...” te disais-tu à toi-même. Un vif mouvement de bras fit basculer la balance et ton adversaire dû plier le coude. Victoire était tienne, gains étaient siens. La cohue s’engageait donc et pour cause : l’organisateur cherchait des excuses pour ne pas payer ses présents créanciers. Les esprits s’échauffaient, des coups commençaient à partir. On pouvait dire que cela t’en touchait une sans faire bouger l’autre, tu ne faisais pas partie de la police. Ton job, c’était d’explorer et c’était déjà bien assez.

Quelques secondes plus tard, ta présence côtoyait celle de la shinigami. “On s’amuse de jeux d’argent hein…” à raison, sans doute. Le dangaï l’était sans doute plus, amusant. “Vous préférez continuer à risquer le fruit de votre labeur ici ou l’appel du vide saurait mieux contenter votre faim ?”

Le brouhaha et les conflits amplifiaient mais la proposition de partir enquêter et/ou discuter Dangaï et vision du monde montraient le bout de leur nez. La Déesse de la Mort se montrerait-elle encline à montrer de quoi elle retournait ?

Evidemment, je ne vous force à rien.

Divertissant...

Pendant quelques instants, quelques minutes... Des secondes s'étiolant à mesure que l’engouement retombait et que la finalité de cette altercation pointait le bout de son nez. Après tout, même avec une table truquée, il n'y avait que peu de chance que l'inconnu se fasse rétamer. Sa stature était solide, son visage froid, son orgueil irrité... Un bon cocktail pour abattre une montagne faite de muscle comme les ringards autour de lui.

Lâchant un sourire de connivence à l'égard de l'inconnu, tu venais alors à récupérer l'intégralité de la somme perçue. Tu n'avais pas besoin de tout cet argent et dans le fond tu n'avais fait qu'acheter un divertissement. Il n'avait été le vecteur que d'un amusement temporaire...

Tu n'étais cependant pas à l'abri d'en avoir l'usage à l'avenir, et c'était avec précaution que tu le rangeais près de toi. Les plus cupides et charognards des lieux pouvaient bien tenter de te le voler... Mais ils leur fraudaient bien plus qu'une table truquée s''ils comptaient s'y essayer.  

Lâchant quelques regards de prudence, tu venais alors à porter ton attention sur l'homme qui avait assez de temps nécessaire pour se figurer ta présence. Hochant la tête face à sa proposition distillée dans un certains sarcasme, tu venais alors à quitter les lieux en sa compagnie. Le chaos que vous aviez provoqué derrière vous par vos simples agissements était présent mais en somme... C'était loin d'être ton job de régler les problèmes humains.

- Vous avez bien joué vos cartes.

Des compliments sans intérêts mais suffisant pour alimenter la conversation naissante. Allant t'appuyer contre un arbre, loin des agitations du monde éthérée, tu venais à juger une nouvelle fois l'inconnue. Cette fois-ci plus de distraction, plus de parasite pour venir saboter ton jugement. Il paraissait fort et solide.

- Vous êtes de la quatrième division ?

La division par son coté assez tentaculaire avait du mal à vraiment s'organiser. Il n'était pas étonnant que même au sein de ta division tu connaissais pas le visage de chacun de tes compères, y comprit tes supérieurs. A trop vouloir plonger dans le noir, vous en oubliez souvent que le monde réel avait aussi ses prérogatives.

- Je m'appelle Tozawa Kuze... Enchantée... Que savez vous de la nuit ?

Tu étais directe, peut être même trop... Tu t'étais présentée pour la forme, pour donner la première donne au sein de votre échange. S'il était respectable, alors il enchérirait à nouveau. D'autant que c'était lui qui avait désiré partager avec toi ce moment éthéré...

Tu avais soif de connaissance. Les ténèbres étaient une obsession pour toi, une sorte d'étendue infinie, un champ de possible illimitée susceptible de combler le néant de ton être. Il fallait que tu trouves des réponses voir même des questions. Qu'importe, ton esprit devait s’inonder de cette douce sensation d'avoir un but. Même l'ivresse de quelques verres s'effaçaient face à tes lubies, tes envies...

La shinigami se montre ouverte à l’échange, c’était une bonne chose. Et à en juger la question qu’elle me pose suite aux mondanités, nos appartenances se rejoindraient. Quatrième division, quand tu nous tiens. Nous t’avons donné notre cœur et tu nous donneras la Mort. Quelle funeste destinée. “Exact, celle-là même.” Aucun intérêt à mentir ou même dissimuler quoi que ce soit à quelqu’un de ma race et de mon corps de métier. Pour l’instant du moins.

Tozawa Kuze, je saurais retenir ce nom. Pour l’instant aussi, du moins. “Narusaka Kazuto, de même.” Je n’étais pas très friand d’exhiber mon rang et autre possible titre. Ce n’est pas par avarice ou mon égo que j’avais désiré ma place. Mais bel et bien par pure curiosité, peut-être comme mon interlocutrice. Sans doute n’allais-je pas tarder à être fixé sur ce détail. “La Nuit…” Être direct était mal vu chez beaucoup mais pas chez moi. Cela permettait bien souvent d’arriver à ses fins de la meilleure des manières. Rien ne sert de courir, il faut savoir partir à point ? Au diable les adages d’un temps perdu et désuet.

“Pas grand chose, comme tout le monde je pense.” Cela était vrai. “Mais je suis sûr de quelques informations.” Le ton n’était plus nécessairement sérieux mais laissait place à un mélange étrange entre la passion et la frustration de ne pas en savoir plus, modéré bien entendu. “Elle inspire la crainte et la fuite à quiconque ne l’a jamais rencontré et complètement l’inverse pour celles et ceux qui ont pu se tenir en sa présence.” On ne comptait plus les disparus et encore moins les dieux de la mort devenus fous après trop de temps passés dans le Dangaï.

Ce territoire dangereux, mystérieux et pourtant qui poussait tout le monde à s’y perdre. “Je ne pense pas être fantaisiste en admettant que j’apprécierais qu’un détachement puisse y aller régulièrement, sans perdre la tête ou bien disparaître dans ses méandres.” En plus d’éviter à former incessamment de nouvelles têtes, cela permettrait d’accélérer les recherches et de les rendre plus pertinentes.

“Et vous ?” la question se devait d’être retournée, non ? “Que savez-vous d’Elle ?” ou plutôt, qu’est-ce qu’elle pouvait bien en penser. Tout le monde avait son propre avis et ils étaient tous bons à prendre en compte. Je ne détenais pas la vérité absolue.

Intéressant...

Sans surprise aucune, tu venais à confirmer son appartenance à la division. Pour avoir croisé quelques soldats des autres divisions, tu savais par vécu que chacune possédait leurs signatures caractérielles. Et en ce qui concernait la quatrième division, vous étiez presque tous soumis à votre curiosité sans fin... Et l'homme qui portait le nom de Kazuto ne semblait pas déroger à la règle...

Comme toi il paraissait n'être pas plus qu'aux faits de ce que tout le monde savait plus ou moins par rapport à la nuit. En somme pas grand chose si ce n'était des rumeurs infondés... Les témoignages de ce monde au delà du réel étaient multiples mais ils étaient tous déformés par la folie de ceux qui les prodiguaient. En somme, même toi qui avait pu entendre à quelques reprises l'appel de la nuit ne paraissait pas être certaine de la nature fondamentale de celle-ci.

Finalement tu venais à hausser les épaules face à sa réponse. Il n'avait pas tord, la nature ésotérique même de la Nuit faisait que peu de monde s'y intéressait véritablement. Et pour le peu qui s'adonnaient à leurs curiosité, une infime quantité arrivait à garder un esprit suffisamment sain pour continuer à avancer. Même au sein de cette seconde existence, la folie était toujours présente. Elle l'était même davantage que durant ton vivant puisque dans cette existence éthérée, il n'y avait aucune barrière pour te protéger de ce genre de maux.

- Pas grand chose... Une voix... Des sensations... J'ai des expériences assez émiettées avec elle.

Tu haussais à nouveau les épaules tandis que tu détachais ton dos de l'arbre avant de croiser les bras. Plongeant tes yeux sombre dans ceux de ton interlocuteur, tu venais à approfondir tes mots.

- J'ai eu l'opportunité de plonger plusieurs fois dans son antre... C'est une présence agréable... Entière...

Tu avais été prise d'obsession pour le silence et le froid bien avant de connaître l'existence de la mère-nuit. Au fond, cela ne t'avait pas changé de tes aspirations et peut être que ta recherche perpétuelle de cet être t'avait permit de préserver ton mental, ton intégrité. Sinon tu aurais sans nul doute fini parmi tout ces traumatisés, incapable de se figurer une telle présence, incapable de l'accepter.

- Avez vous déjà plongé ? Je suppose... L'avez vous déjà entendu ? Chaque expérience semble unique à chacun d'après les témoignages...

Tu voulais savoir si elle jouait de duplicité... Ou si simplement vos esprits étaient trop primaires pour comprendre l'intégralité de ce qu'était les ténèbres...

C’était pareil pour tout le monde, au final. Elle comme moi n’étions pas des vétérans et encore moins des experts sur le sujet. Mais une chose était sûre : nous en savions déjà bien plus que la quasi totalité des autres âmes en ce bas-monde, le précédent et le suivant. Tozawa Kuze, comme elle disait s’appeler, avançait son ressenti vis-à-vis des Voix de la Nuit et leur influence. Visiblement, elle était aussi paumée que moi. Ca, c’est une phrase que sortirait n’importe quel shinigami n’appartenant pas à la quatrième division. Mais cette dernière était peuplée d’individus qui étaient les seuls à se comprendre. Il ne fallait pas non plus trop en demander aux autres.

“Je l’ai entendu, oui…” sacrée expérience “Et je ne m’étonne pas d’entendre que les disparus se multiplient chaque jour.” et pour cause “Et pour cause, je suis intimement convaincu qu’elle peut lire en nous sans problème, décelant nos désirs les plus primaires et que l’on considère comme vitaux.” sinon, qui se laisserait appâter dans les ténèbres ? Je ne parlais que selon mon vécu après tout mais je pouvais tout aussi bien me tromper.

“Ou alors…” réflexion faite sur la chose “L’entité concernée n’est pas douée de logique et fait complètement n’importe quoi.” Une option que je refusais d’admettre comme étant acceptable, possible. Tout avait un sens, chaque chose existait pour une raison bien précise. Le problème vis-à-vis de la Mère-Nuit était que l’on avait aucune idée de son sens, son objectif, son but, sa raison d’exister.

“Mais dites-moi… Si vous faites partie de la quatrième division…” aucune remise en question de sa parole, évidemment “... à quelle escouade répondez-vous ?” je n’avais pas souvenir de l’avoir déjà croisé au sein du Dangai ou même dans les contrées du Nihon lui-même. La Nuit l’intéressait sans doute, comme beaucoup d’autres. Mais de quelle manière précisément ? L’axe auquel elle dépendait allait pouvoir en dire beaucoup plus qu’elle ne le faisait déjà.