Le Seireitei,berceau de la Soul Society, centre névralgique du royaume, demeure du Concile Blanc et de la septième division, le prestigieux Ordre Mnémonique, assemblée de gratte-papiers, la plupart étant des érudits qui ne savaient même pas manier de zanpakuto, une honte pour les autres divisions... Heureusement les connaissances de ceux-ci pouvaient bien souvent se montrer utiles pour la troisième et, même si en temps normal ils n'étaient pas très bavards, Haku connaissait une personne ici qui pourrait lui révéler certaines choses sans trop forcer, enfin, il l'espérait.

Dans les quartiers de l'ordre, il était clair qu'il faisait tâche, on comprenait sans trop de mal qu'il n'était pas d'ici. Après quelques minutes de marche, le jeune shinigami se retrouva dans un petit jardin intérieur, laissant la lumière naturelle passer, accordant ainsi au lieu une petite aura mystique, et une végétation florissante qui plus est. Haku se pose en tailleur dans la pelouse et déposa son zanpakuto à sa gauche avant de fermer les yeux.

Comme prévu, on vint assez rapidement le questionner, une femme à l'apparence plutôt âgée, des lunettes sur le bout du nez se pencha au dessus de lui pour lui demander ce qu'il venait faire en ces lieux.

— Oh moi? J'attends une personne... Si vous pouviez m'aider à le retrouver j'en serais ravi. Son nom est Migawa, AraÏ Migiwa.

— Ah euh... Oui, je n'y vois pas d'objections... Qui dois-je annoncer ?

— Araï Haku.


La shinigami hocha la tête avant de s'éloigner, le membre du troisième œil referma les yeux et plongea dans une méditation, l'esprit tranquille. Quelques minutes après sa demande, quelqu'un approcha, il pourrait reconnaître ses pas entre milles...

— Enfin j'ai presque attendu.

Un sourire malin illumina son visage et ses yeux s'ouvrirent, dévoilant des pupilles d'un bleu très clair, rappelant la glace, on pouvait presque ressentir le froid rien qu'au travers de son regard.


— J'espère que tu vas bien depuis le temps.

Presque endormi au milieu des monticules de papiers, de rouleaux et autres classeurs, je n’avais même plus la force de retenir le filet de bave qui serpentait sur ma table de travail. Je me redressai vivement après qu’un de mes collègues me titillât le dos pour me réveiller. Et en effet, les supérieurs administratifs rôdaient entre les tables. Tel était le dur labeur de la Septième Division. Classer, trier, chercher, archiver, ordonner et enregistrer. Tous les membres de l’Ordre Mnémonique se devait d’accomplir ses tâches de secrétaire au moins une fois par mois. C’était principalement pour cela que beaucoup d’autres divisions haïssaient la Septième. Mais au moins, nous jouissions de plus grands privilèges auprès du Concile Blanc. L’une des intendantes, une vieille carne que je n’appréciais guère, trotta jusqu’à moi et me glissa ces quelques mots au creux de l’oreille :

« Araï ? Quelqu’un veut vous parler. »

« Un membre de votre famille, je suppose. Un dénommé Araï Haku. Il patiente dans le jardin intérieur. »

Je grommelai de satisfaction au fond de moi-même. Depuis combien de temps n’avais-je pas vu Haku ? Une éternité. Mais de toute façon, tout semblait être une éternité dans la Soul Society. Impatient de renouer avec celui qui m’avait ouvert les yeux sur ma condition d’âme défunte et avec qui j’avais consenti à lui laisser mon nom de famille  après avoir pris soin de lui, je me hâtai vers la salle de repos. Une fois dedans, je fis rapidement bouillir de l’eau le temps de choisir quel thé ferait l’affaire pour aujourd’hui. Celui au gingembre serait idéal. Dans mes souvenirs, Haku aimait bien les boissons avec du caractère. Je pris ma théière transportable et la remplis d’eau chaude et des précieuses herbes sèches. Puis je me rendis au jardin, avec la théière dans une main, et deux petits gobelets de bois dans l’autre. Je retrouvai le jeune shinigami, assis en tailleur sur le sol, en train de profiter de cet espace de verdure. Il se retourna légèrement, déclarant avec un sourire illuminé :

« Enfin j'ai presque attendu. J'espère que tu vas bien depuis le temps. »

Je pris place à ses côtés, en lui servant un gobelet bien rempli, dont les volutes blanches s’échappaient à la fois du bec de la théière, et du récipient de Haku. Mes gestes paraissaient lents, mais ils étaient parfaitement millimétrés, et surtout conformes au rituel de la cérémonie du thé, si cher aux traditions du Seireitei, et dont je devais me faire le meilleur ambassadeur en tant que membre du Nanabantai. Une fois la chose terminée, nous pouvions commencer à palabrer et déguster le breuvage qui dégageait une odeur fabuleuse.



En vérité, je n’avais pas revu Haku depuis son départ de la maisonnette que j’occupais du temps où je ne faisais pas grand-chose de ma seconde vie. Et le fait de m’être de nouveau retrouvé seul après m’être occupé de lui et lui avoir tout appris m’avait convaincu de me bouger le popotin à mon tour. Sa motivation avait déteint sur moi, et quelque part je lui en étais cruellement redevable.

L'odeur du gingembre s'infiltra dans ses narines, lui remémorant ses souvenirs, ses premiers moments dans la Soul Society, alors qu'il était perdu dans ce vaste monde, un homme prit soin de lu sans rien demander en retour, cet homme c'était lui, Araï Migiwa. Comme à son habitude, le vieil homme lui ressortit une de ses horribles citations, une de celles qu'il avait bouffé durant des mois entiers mais qui, aujourd'hui, le faisait doucement sourire. Il laissa aussi un rire s'échapper et regarda lentement tout autour de lui,  les jardins et l'architecture des lieux démontraient d'une certaine richesse par rapport aux autres divisions.





Lentement mais sûrement, avec beaucoup de finesse dans les gestes, son père remplit les deux gobelets de thé et Haku se saisit de son verre avant de le porter à ses lèvres, de souffler quelques secondes dessus afin de faire baisser la température de la boisson chaude. Ensuite, toujours sans un bruit, il vint la porter à ses lèvres et huma une nouvelle fois l'odeur alors qu'il leva le récipient pour faire couler le liquide directement dans sa gorge, réchauffant tout son corps et lui octroyant un sentiment de plénitude comme rarement, faire une pause de temps en temps n'était pas une si mauvaise chose... Enfin, il n'était pas vraiment en vacance actuellement.





Le shinigami de la troisième reposa son thé, vide, avant de s'en resservir un nouveau avec un peu plus d'empressement que son interlocuteur. Il fit ensuite signe à Migiwa pour le servir s'il avait terminé de son côté, dans le cas contraire, il reposerait simplement la théière et continuerait à boire, attendant patiemment une réponse de la part du membre de l'ordre, qu'il espérait au fond de lui être positive, il n'avait pas vraiment envie de retourner bredouille auprès de son officier Yozora Momo, rien ne lui ferait plus mal que de la décevoir.

 »Vie modeste et nobles pensées ». Pas mal, je ne l’avais pas vue venir celle-là. Je reconnaissais le caractère effronté de Haku, mais toujours dans la bonne mesure. J’esquissai un sourire lorsqu’il me lança son proverbe, satisfait de voir qu’avoir les justes mots pouvaient être une arme aussi tranchante qu’un zanpakuto. Il m’avait fait remarqué que ma situation n’était pas à plaindre au sein du Seireitei, et il avait diablement raison. Puis il but religieusement son thé, ce qui me permit de le savourer à mon tour, tout en regardant d’un peu plus près ce fils spirituel qui me manquait parfois douloureusement.

C’était un beau jeune homme, d’apparence pure et gracieuse était revêtu d’une cape à capuche blanche. Ses yeux d’azur, toujours aussi expressifs allaient de paire avec sa chevelure blonde. Même s’il n’avait pas réellement grandi depuis huit années, je pouvais être fier de lui. Le shinigami montra son incompréhension quant à mon choix d’être dans la Septième et non dans la Troisième à ses côtés. C’était donc cela. Il avait fini par intégrer le Sanbantai. Puis il enchaîna en plaisantant : il était venu prendre un thé ici, car celui du Troisième Oeil n’était pas assez bon à son goût … Et à cela je ricanai de bon coeur. Mais ce n’était pas réellement cela qui l’amenait ici. Il avait quelques questions à me poser visiblement. Ce n’était donc pas une simple visite de courtoisie. Haku en profita pour se servir un peu plus grossièrement du thé et m’en proposa à son tour. J’acceptai. Après avoir trempé mes lèvres dans mon gobelet de nouveau rempli, je lui répondis.



J’avalai encore un peu de thé pour me rincer la gorge.



Et pour dire, à l’époque, j’avais toujours su que Haku quitterait ma maisonnette. Notre situation n’allait pas durer et quelque part, cet oisillon devenu un faucon plein de fougue, n’allait certainement pas s’encombrer d’adieux larmoyants. Un choix que j’avais respecté, et dont je n’avais gardé aucune rancoeur.



Mais un doute persistait. Avais-je en face de moi mon fils, sincère et respectueux ? Ou bien un de ces shinobis manipulateurs comme le Sanbantai savait bien les fabriquer ?

Malheureusement, jamais je n’aurais pensé voir une telle réaction dans les yeux de mon enfant. Une colère noire l’animait, cela pouvait aisément se sentir rien qu’en lisant dans ses yeux. Je venais de m’attirer les foudres d’un fils blessé et déçu. Difficile de ne pas rester hermétique à la douleur de Haku. J’avais délibérément refusé sa main tendue, un refus qu’il interpreta presque comme une déclaration de guerre. Me promettant de venir m’offrir la mort au cas où l’affaire entre la Troisième et Septième s’envenimerait. Quelle horreur. Un frisson d’effroi me parcourait l’échine. Entendre de si épouvantables paroles de la part de Haku me glaçait le sang. Alors que je ne lui avais clairement pas fermé la porte. Une chose était sûre : mon coeur balancerait tôt ou tard du côté de la Justice. Restait à savoir qui de lui ou de moi était de ce côté-là.

Haku tourna les talons et s’en alla, plus colérique que jamais. Je ressentais sa pression spirituelle se tourmenter, se comprimer en lui. Mais quelques secondes après son départ, une rage sourde gronda à ce tour en moi. J’étais à deux doigts de dégainer mon zanpakuto, Shokushu et de lacérer le premier arbre qui était à ma portée. Haku voulait la guerre ? Par le sang, il l’aurait si la situation ne s’améliorerait pas ! Après tout, n’était-ce pas mon rôle de le remettre sur le droit chemin ? Jamais je ne pourrais tuer mon fils, mais lui donner une leçon, mémorable, ça oui.