Quelque part, au fin fond d’une forêt montagneuse du Koshinetsu ...

Ce matin là, la lumière ondoyait timidement à travers les reliefs escarpés des montagnes, et peinait particulièrement à pénétrer le feuillage des arbres qui composaient la vieille forêt. Le long d’un chemin, une charrette défoncée. Les bœufs avaient fini leur course dans le précipice qui donnait sur une partie encore plus luxuriante et sombre de la forêt. Tombé et mortellement blessé, le pauvre marchand avait laissé son âme quitter son corps désarticulé et ruisselant de sang. Son fantôme errait encore autour de sa précieuse cargaison, qui allait lui assurer la main de celle qu’il convoitait depuis toujours. Rien à faire. Il comprenait peu à peu qu’il n’était plus du monde des vivants. Il n’était plus qu’un ersatz de sa vie antérieure, composée d’une énergie dont les vertus lui étaient inconnues. Alors qu’il s’interrogeait encore sur son propre sort, nourrissant d’amers regrets, quelqu’un arriva jusqu’à lui.

C’était un vieil homme, court de taille, vêtu d’un kimono pourpre, et portant d’épaisses lunettes. Son regard masqué par la lumière de ses verres lui conférait une allure peu rassurante, un peu étrange, même. Avide et dominateur, le petit homme semblait être amusé devant le cadavre encore chaud du marchand.



Ni une ni deux, le fantôme n’eut même pas le temps de sentir l’énorme mâchoire du Yôkai se refermer sur son corps pour le mâchouiller,le broyer et l’avaler tout entier. Le monstre était un énorme bipède, au teint verdâtre, et arborant un masque blanc, du quel cascadait des appendices sombres depuis l’arrière du crâne. Environ haut de deux mètres, le Yôkai continuait de se repaître de sa proie, tandis que le petit vieux semblait savourer cet instant. La bête se redressa une fois rassasiée, le buste en avant, arborant un petit trou sur la poitrine.









Ils rirent ensemble de bon coeur. Ganhogan, le vieillard, perdit sa forme humaine, et adopta son enveloppe de Yôkai, à la fois répugnante et dégoûtante. Aussi gros qu’un chaton de trois mois, il était devenu un fœtus aussi ratatiné que déformé. Il flotta lentement jusqu’au lieu où il avait aperçu le soi-disant shinigami. Et c’est là qu’il le repéra : un grand gaillard âgé, enveloppé dans plusieurs couches de vêtements, une barbiche noire, et une cicatrice au milieu du visage. Il roupillait. Ganhogan frétillait. Il allait pouvoir passer à l’action …





Il n’y avait rien de tel que de se promener au grand air, de pouvoir arpenter les montagnes du Nihon afin de se sentir vivant. Et peut-être que je pensais voir au détour d’un sentier ou d’une route, la silhouette de ma Katsuya, que je recherchais encore et toujours. Etait-elle morte ? Etait-elle vivante ? Nulle ne le savait. Mais la nature m’apaisait, et c’était là, loin des problématiques de l’Ordre que je voyageais. J’avais remonté le lit d’un ruisseau, pour me retrouver à l’abri du soleil, et me lover dans le creux d’un arbre gigantesque, peut-être centenaire, et espérer prendre un repos bien mérité. Désormais en paix et prêt pour la sieste, je laissai mes yeux se clore, direction le royaume des rêves.

J’ignore combien de temps j’avais dormi, mais ce fut une douleur aigüe et lancinante dans mon oreille gauche qui me réveilla. Complètement désorienté, et en proie à une souffrance sans pareille, je me retrouvai à me rouler par terre, agrippant mon Zanpakuto comme je le pus. C’était inutile. Etais-je la victime d’une odieuse attaque ? C’est alors qu’une voix résonna dans ma tête.







J’avais beau tenter de me défaire de l’emprise, mais c’était sans espoir. Mon corps se leva tout seul, et à part dialoguer avec ce Yôkai dans mon esprit, je ne pouvais rien faire. J’étais en quelque sorte emprisonné dans mon propre corps, un cauchemar que je ne recommande à personne. Au début, le démon peinait à faire fonctionner mon enveloppe, mais secondes après secondes, il s’améliorait grandement. Diable ! Pouvait-il user des techniques secrètes du Kido ? Pouvait-il seulement se servir de Shokushu ? Une demi-heure plus tard, nous nous retrouvions au bord d’une route situé sur le sommet d’une crête. Visiblement, il y avait eu un accident de charrette … Mais j’eus le malheur de constater qu’un second Yôkai se trouvait là. Celui-là avait presque son trou de rebouché, et portait toujours son masque. J’étais démuni, et je craignais le pire. Le monstre s’approcha de moi, la gueule grande ouverte, prêt à me dévorer … C’est alors que mon corps dégaina mon Zanpakuto, et entailla légèrement l’avant-bras du démon. Celui-ci, recula apeuré.









Le papillon sombre apparut sur mon index, ou plutôt l’index du Yôkai, qui y communiqua ses coordonnées et demanda l’aide d’un Kaain pour secourir un fantôme blessé par un Yôkai. Bien entendu, le message n’était qu’un grossier guet-apens pour nourrir le dénommé Hoshi. Ganhogan avait la ferme intention de tuer un shinigami avec mon corps. A travers ma bouche, le Mononoke ordonna à son cousin d’aller se cacher un peu plus loin. Dès que le Kaain arriverait, il pourrait alors frapper. Ou plutôt … ILS pourraient frapper.

Voilà quelques jours qu'a débuté mon périple au travers du Nihon, au travers duquel j'espère rencontrer divers personnes afin de mieux comprendre mon zanpakutō et enfin savoir pourquoi je ne semble pas parvenir à communiquer avec lui malgré tous mes efforts. Je traverse la traverse la région de Chūbu, fief de la première division, et plus particulièrement la province de Kōshinetsu lorsqu'un Jigokuchō m'apporte une nouvelle qui me force à me dérouter et faire un léger détour.

D'après les maigres informations recrachées par le papillon noir, un collègue de la septième division se trouve dans une situation délicate et pourrait avoir besoin d'assistance au plus vite. Ni une ni deux, je me mets en route dans la direction indiquée par le petit esprit ailé, hâtant le pas pour rejoindre le lieu de l'action. Il me faudra au moins une demi-heure pour rejoindre les lieux, j'espère arriver à temps ou que quelqu'un d'autre aura pu se déployer sur place avant moi.

Après avoir traversé la distance qui me séparait du shinigami qui a laissé cette bouteille à la mer, j'arrive d'abord sur les lieux de ce qui semble avoir été un accident ou une attaque. Là, gît le corps d'un humain ayant perdu la vie lors de cet incident. Aucune âme aux alentours. Sur mes gardes, je remonte quelque peu le chemin, prête à affronter le danger qui menaçait il y a encore quelques minutes l'autre passeur d'âmes.

Mes sourcils se froncent lorsque je le découvre simplement planté au milieu de ce chemin de montagne, son arme au fourreau et sans blessure apparente. Je baisse alors ma garde en me rapprochant de lui. Le danger est visiblement écarté, sans doute n'avait-il finalement pas eu besoin d'aide pour se sortir du pétrin.


Bien que je ne sois pas particulièrement pressée par le temps, je préfère autant reprendre ma route plutôt que de rester là à échanger des politesses avec un autre shinigami. Alors que je m'apprêtait à prendre congé, du bruit se fit entendre dans les fourrés derrière moi. Un peu trop de bruit pour qu'il s'agisse d'un animal sauvage.

Je me retourne, alertée par tout ce raffut, mais trop tard. Ma vigilance baissée et l'effet de surprise ont raison de mes réflexes : le danger fond déjà sur moi comme jun prédateur sur sa proie. Je n'ai pas le temps de riposter, seule une esquive peut me sauver là.

Je saute alors sur le côté, quitte à me retrouver face contre terre, pour échapper aux griffes de l'énergumène qui me fonce dessus. Dans mon mouvement, je tente d'emporter l'autre shinigami avec moi, avec l'espoir de lui sauver la peau dans le cas où le yōkai déciderait alors de changer de cible.

L’ascétisme comme banneret, le noble n’abjurait point la nature, ce pilier fondateur de la Voie des Kami. Les reliefs accidentés, escarpés, voire en dents de scie de Koshinetsu permettaient de questionner son anima sur le bien-fondé de l’existence de toute chose ; un effet cathartique exquis. Une manière pour le centenaire de se remettre en question et garder une focale pertinente sur le monde qui l’entourait.

Son troisième œil, affin à l'énergie spirituelle, lui intimait de quitter sa torpeur. Sous la houlette d’une profonde méditation, ses sens en éveillent déchirèrent le voile opaque de concentration pour ressentir le danger. Le mal rôdait, non loin. Des entités viciées par leurs exactions, des Genbu, ou Byakko - difficile à prédire - s’approchaient avec intérêt des monastères excentrés de la province. La force du binôme démoniaque croissait avec le temps, de manière exponentielle.

Sa double-vue ressentit, à bien des égards, d’autres signatures spirituelles. Au moins deux Shinigami, dont un convergeant en hâte vers son confrère. Circonspect, l’idée que le premier stationnait à proximité d’une créature maudite mit en exergue ses craintes. Sa dextre agrippa son Asauchi… La noblesse d’âme qui le caractérisait enjoignit son corps à se lancer en hâte dans la bataille.

Le golgoth quitta sa cache et se rua vers sa cible désarçonnée. Le crissement du fer retentit.

Une lame barra la route du Genbu de deux mètres. Une belle bête, aussi puissante que grande, aussi musclée que létale. Le choc enfonça les pieds du nouvel arrivant dans le sol, qui luttait face à cette masse de plusieurs centaines de kilogrammes. Au moins, il permit à la femme d’être hors de portée d’un assaut répété. Dans un geste adroit, son Asauchi, suivi de près par sa senestre libre, le Kaiin dirigea la force du yokai contre le sol, sur sa gauche, le laissant ainsi fustiger la terre de son courroux.

Le souffle à moitié coupé par son enchaînement d’action couplé à la temporisation vitale pour la survie du groupe, Hideyoshi jeta une oeillade dans son dos. Je m’occupe de le retenir. Relevez-vous, il n’est pas seul. J’en ai ressenti au moins un second. Le fauve consolida la prise de son katana à l’aide de sa main libre. Le regard de l’Ombre se posa sur sa proie. Il ne laisserait jamais ce Genbu toucher, ne serait-ce qu’un cheveu des deux âmes dans son dos.

Perdue à travers les monts du Nihon, l'enfant au corps d'adulte suivait naïvement son alter ego masqué. Pas après pas, les deux âmes s'éloignaient tranquillement du lieu de leur dernière mission, se rendant le cœur léger vers leur demeure dans la région de Chûgoku. L'escorte du pèlerin, en quête du savoir des Sôhei, s'était bien passée. Une nouvelle fois, la bonne étoile de la lapine avait chassé toutes mésaventures. Forte de cette expérience heureuse, la quarantenaire parcourait cette réalité avec un visage serein et ouvert à ses multiples beautés. D'ailleurs, grâce à la main tendre de sa compagne, la Shinigami s'aventurait dans les paysages abrupts et escarpés avec une grande décomplexion. Guidée par ce lien immuable et cette confiance aveugle, l'ingénue laissait ses sens s'épanouir. Bien que privée de la vue, son corps entier lui décrivait son environnement. Sur sa fourrure immaculée, la brise hivernale entrait en conflit avec les rayons chaleureux du soleil. Ce mélange particulier permit à la Kaiin de percevoir le temps clair de ce jour si particulier. De plus, la rudesse du sol et son aspect chaotique, l'avertirent du caractère rocailleux du chemin. Ces indices parmi tant d'autres permettaient à l'amnésique d'imaginer son environnement avec une rare clarté. En vérité, étant plus à l'écoute du monde, elle avait parfois une vision bien plus précise que ces compères. C'était l'ironie de son mal.

Après plusieurs mètres de marche désinvolte, un brouhaha conséquent se fit entendre. Par réflexe, l'esprit se rua devant sa propriétaire et lui somma de rester figée. Comme un cri du cœur, cette dernière saisit rapidement toute l'ampleur de la situation : un grand péril se profilait à l'horizon. C'est alors que tout son être fut la proie de violents tremblements. L'effroi avait de nouveau fait d'elle sa proie. Cette sensation, elle la connaissait. Elle était habituelle. Plus qu'un simple instinct de survie, c'était une peur profonde et pure : elle ne voulait pas que sa partenaire soit blessée. Portée par cette émotion, elle usa de son lien mental pour communiquer avec elle.





Face à cette cruelle vérité, la couardise ou plutôt l'excès d'amour de Kagome pour son zanpakuto, se retrouva confronté à son grand sens du devoir. Elle ne pouvait pas fermer les yeux sur le sort de ses homologues, ce n'était pas digne d'une membre du Goteijûtai. Mais quoi faire ? Sans pouvoir et de constitution frêle, la jeune femme était inutile. À moins que...



Soudain, la main guide lâcha son emprise rassurante. De nouveau seule dans les ténèbres, la Parle-Esprits se mit à frissonner, à avoir des sueurs froides. Elle détestait cette sensation : être aussi faible, aussi insignifiante, aussi faillible... C'était quelque chose d'affreux. Pourtant, consciente de l'urgence du moment, elle tenta de taire ses tourments. Sa lame devait agir avec clairvoyance et efficacité, il ne fallait pas la gêner avec ce genre de chose, pensa-t-elle. Toutefois, étant liée à sa maîtresse, l'arme eut écho de ces sentiments troublés. Ces remous intérieurs n'impactèrent pourtant pas ses actions. L'entité continua sa course et profita de la protection promise par l'épéiste pour tirer les deux autres individus hors de portée du démon. L'aide était sommaire certes, mais elle pouvait apporter un léger plus dans cette situation complexe.

Zanpakuto:

J’aurais voulu hurler à pleins poumons, crier une mise en garde, mais rien. J’étais réduit à l’état de conscience, simplement spectateur de ce qui se déroulait sous mes yeux. Le plan de cet ignoble démon avait bien marché. Une shinigami venait d’apparaître devant moi. Elle me demanda si il y avait réellement urgence dans le coin, ce à quoi mon invité indésirable ne prit pas la peine de répondre. Ce fut son binôme, bondissant de nulle part, qui donna cette réponse agressive. Heureusement douée de bons réflexes, mon homologue esquive de justesse, et tente de s’emparer de moi, pour m’écarter du danger. Contre toute attente, Ganhogan, le Yokai-parasite, ne porte aucun coup et se laisse faire.





Il avait donc l’intention de libérer Shokushu. Dans combien de temps ? Cette shinigami courrait un grave danger et je priai toutes les divinités du monde pour ne voir aucun de mes camarades tomber sous ma lame. Nous étions hors de portée du Hoshi, le Yokai masqué, et avant qu’il n’entamât une ruade digne d’un bœuf courroucé, une silhouette arriva de nulle part et s’interposa. Un autre shinigami ! Un bruit de lame se fit entendre et une courte rixe s’engagea entre le mastodonte et le second sauveur, au cours de laquelle le monstre se retrouva à mordre la poussière. Un troisième camarade s’invita à la sauterie. C’était ce qui semblait être à première vue une drôle de créature … Un lapin ? Allons bon, les plaisanteries les plus courtes étaient les meilleures. Le mutant s’était assuré de nous mener hors de portée du combat. Je tempêtai, je fulminai : « Fuyez ! Fuyez ! ». Les rires insupportables de l’abomination maîtresse de mon corps se mirent à retentir en moi. Elles étaient à sa merci, incapables de se douter ce qu’il pouvait leur arriver dans les secondes qui allaient suivre. Comme coordonnés magnifiquement, la riposte des deux Yokais ne se fit pas attendre. Celui qui affrontait le shinigami-épéiste se releva avec un aplom insoupçonné, et recula à une distance de cinq pas en arrière, en exécutant un salto arrière avec grand maestria. Une fois sur ses deux pieds, en face de son ennemi, il avait la gueule grande ouverte, avec une lueur éclatante devant elle.



Pas le temps de sa voir si notre ami avait esquivé, contrecarré ou tout simplement encaissé de plein fouet le rayon d’énergie concentré qui déferla en sa direction. Mais l’action devait être suffisamment distrayante pour la femme et le lapin, puisque c’est à cet instant que mon invité décida d’agir. Aux commandes de mon corps, il mit en position de combat, en direction du Yôkai masqué.



Il prononça rapidement les paroles et se retourna brusquement en direction de la lapine pour lui lancer ce sort d’entrave, qui consistait à bloquer le bras de la cible derrière son dos, avant de s’éloigner rapidement dans le cas d’une contre-attaque soudaine. Il fallait marquer de la distance entre lui et les deux autres shinigamis le plus rapidement. Puis il plongea son regard dans celui de la femme et lança :



Quelle ordure. Le voilà qui lançait un sortilège d’illusion contre ma camarade d’armes. Il fallait maintenir le contact visuel pour prolonger l’hallucination morbide, incarnation de ses plus profondes peurs, les plus abominables et les plus indicibles, mais je comptais sur les shinigamis pour trouver une bonne parade face à cette attaque-surprise.

Fort heureusement, deux autres shinigamis se sont précipités sur les lieux juste après moi. Le premier, asauchi dégainé, prend la relève contre le yōkai qui vient de charger contre moi, lui coupant tout espoir de poursuivre son assaut sur un enchaînement. La seconde, d'apparence chétive mais surtout animale, débarque sur les lieux peu de temps après. Grâce à l'esprit manifesté de son zanpakutō, elle nous aide à nous relever et à nous écarter de quelques mètres. Son aide est la bienvenue et, une fois passé l'effet de surprise, je me tourne vers le monstre non-loin.

Mon envie de retourner aider le shinigami en plein combat fait visiblement écho au shinigami balafré, qui se met à incanter l'aria d'un sort de kidō tandis que j'insuffle une partie de mon énergie spirituelle directement dans mes poings. Je suis sur le point de retourner à l'offensive quand, soudain, le nécromancien se tourne subitement vers notre alliée à grandes oreilles. Il redirige son sort vers elle, dans l'espoir de bloquer son bras derrière son dos avant de s'éloigner de nous deux.

Il me faut une seconde pour connecter les éléments. Une seconde de trop. Trouver une scène si calme après un appel au secours diffusé par le biais des papillons de l'enfer aurait déjà dû me mettre la puce à l'oreille. Que cet individu ne prononce pas un mot aurait dû m'alerter. Que le yōkai choisisse de m'attaquer frontalement en ignorant totalement notre supériorité numérique aurait dû confirmer mes doutes bien plus rapidement. Mais pourquoi un shinigami choisirait-il de trahir et de s'allier à un tel un monstre ?


Je chercherai des réponses à mes interrogations plus tard. Il ne faut pas que je le laisse filer. Profitant de ma supériorité physique, je bondis à sa poursuite sans attendre la suite de ses combines. Il ne m'échappera pas. Je redirige une partie de mon énergie spirituelle dans mes jambes afin de charger dans sa direction, le poursuivant dans sa fuite sans relâche.

Ce n'est qu'une fois qu'il s'arrête que je fais de même, rassemblant une importante quantité de mon énergie dans mon poing gauche, que je projette dans sa direction alors que je l'entends commencer à réciter une nouvelle aria. À destination de son flanc et sans faire montre de la moindre pitié – donnant raison aux collègues de la sixième qui me considère comme un peu trop brute pour notre division – j'abats ma main fermée dans l'espoir de faire mouche avant qu'il ne puisse terminer son sort.

Car soudain, l'horreur. J'ai l'impression d'avoir atteint ma cible, du moins j'en ai la sensation sur mon poing, mais je ne suis plus sûre de rien. Tétanisée, je ne parviens plus à bouger. Mes yeux s'écarquillent et mes pupilles se dilatent. Mon instinct me crie de m'enfuir mais mon corps ne parvient pas à lui obéir. Elle se tient devant moi, puissante et impitoyable. La simple vision de sa présence me paralyse entièrement.

Le géant accumulait une quantité afférente d'énergie spirituelle ; un cero se préparait. Conscient de cela, grâce à sa double-vue, le bretteur ne pouvait se résigner à attenter à la vie de ses camarades, dans son dos. Un choix cornélien. Esquiver et laisser le faisceau fustiger ses pairs ou l’encaisser et craindre de perdre la vie ?

Hideyoshi se tourna vers la solution la plus pérenne pour le bien commun ; le sacrifice.

Une série d’appuis légers permettaient au samouraï de se déporter sur un axe qui ne compromettait pas la vie de ses pairs. La sagaie carmine fusa à toute vitesse vers un fauve sans porte de sortie à sa disposition. La vélocité de l’excroissance spirituelle lui empêchait de psalmodier le moindre aria.

Pris au piège, tel le moucheron sur la toile d’une araignée.

Le Cero noya le martyr dans un halo rougeoyant. Une explosion qui fut suivie d’un nuage de fumée. Laissé pour mort, le golgoth chercha à rallier son binôme devenu Shinigami. Une première erreur de sa part. Asauchi planté dans le sol, le faciès ensanglanté du nobliau perça le smog. Un haori brûlé, une peau meurtrie ; peu s’en fallut que la mort ne le saisisse.

La faible puissance de Genbu venait de lui sauver la vie, quel paradoxe comique.

Reste concentrer sur ta cible. Une voix rauque, entrecoupée de quelques gerbes de sang. La ruée du rescapé dévora les quelques mètres qui séparaient Goliath de David. Le froid de son Zanpakuto mordit la jambe droite du titan pour la sectionner d’une traite. Malgré la perte d’un appui conséquent, le mastodonte répliqua aussitôt. Son poing percuta de plein fouet le Shinigami qui recula de plusieurs mètres en arrière, sa lame placée en diagonale pour encaisser le gros du coup.

Le belluaire reprenait difficilement son souffle.

Concentré sur sa tâche et, malgré ses capacités sensorielles poussées, le bestial ne captait aucune fluctuation conséquente du côté de ses frères d’armes. Trouver un moyen de résister, le temps pour le reître de pourfendre son ennemi géant, voilà l’une des perspectives possibles pour les deux femmes.

Un terrible silence, voilà la seule réponse qu'eut Kagome à ses suppliques. Enveloppée par d'épaisses ténèbres et condamnée à écouter passivement le chant des lames, elle céda misérablement à la pression. Impuissante et fragile, elle ne put contenir davantage ses angoisses. Finalement, elle ne ressentait plus que la peur. Peu à peu, plus que sa chair tremblante, ses poumons et ses pensées furent esclaves de ce démon pernicieux. À mesure que son zanpakuto se faisait muet, la Shinigami s'enfonçait irrémédiablement dans une terreur profonde. Bientôt, elle n'eut même plus la force de se tenir debout. Proscrite entre ses frêles bras, elle suppliait qui voulait bien l'entendre de lui rendre sa partenaire de toujours. Malheureusement, le cosmos ne lui offrit qu'une entrave surprise. Le choc de cette offensive la plongea alors dans un effroi sans commune mesure. Très vite, une crise d'angoisse dantesque s'empara de la lapine. Larme, frisson, souffle court, son mal-être fut d'une telle violence que l'arme matérialisée disparue. Semblant ne plus pouvoir retrouver la raison ou le chemin de la quiétude, la Parle-Esprits n'avait plus qu'une cruelle solitude comme compagne.



Ce son si familier brisa instantanément cette sombre et envahissante sensation. Tel un souvenir d'un passé oublié, ses mots anciens prirent d'assaut le cœur innocent de la quarantenaire. Chassant les tourments de l'aveugle, ils enveloppèrent son âme et lui donnèrent la force nécessaire pour affronter l'inconnu. Lentement, l'handicapé retrouva une posture digne, et même, fière. Ainsi, tandis que ses prunelles cerise fixaient avec une ardeur troublante les autres protagonistes, ses membres, eux, affrontaient courageusement le Bakudo. Dans un effort mystique et prolongé, l'animal parvint à s'affranchir de ses liens invisibles. Et lorsque ces dernières rompirent, une vérité interdite s'imposa : l'éveil avait débuté.



Désormais, il était trop tard. Le mutisme salvateur venait d'éclater. Dégainant son sabre, l'entité libéra son pouvoir endormi et lui permit de retrouver son aspect originel : un sceptre doré. Ne quittant pas des yeux le champ de bataille, l'être invoquée ne put retenir son ire. Le regard sévère, elle s'apprêta à abattre son jugement.



Ce cri d'outre-tombe résonna avec vigueur dans les alentours. N'ayant plus rien d'humain, cette voix transcendait tous les sons connus. Il s'agissait d'autre chose, Kagome n'était plus. Et pour faire suite à cette condamnation impérieuse, l'entité usa de son arme pour donner vie à un nuage de bulle. Porté par les vents et l'impulsion de sa créatrice, ces billes translucides, semblants inoffensives, se dirigèrent vers le cœur de la bataille. Un seul contact suffisait pour donner vie à une succession d'explosion.

Toutefois, ce réveil brutal eut de lourdes conséquences sur l'enfant au corps d'adulte. En effet, de ses lèvres, un léger filet de sang commençait à couler. Un tel état ne pouvait pas perdurer, du moins sans provoquer des séquelles importantes à la lapine.

Le terrible affrontement battait son plein. Les deux adversaires de mon invité indésirables étaient hors d’état de nuire pour l’instant, mais à ma grande joie, mon corps n’avait pas échappé à un dévastateur contrecoup. Avant d’user du sortilège d’illusion, la shinigami n’avait pas hésité à foncer sur nous, les jambes et les poings chargés d’énergie spirituelle. Le coup eût été salvateur pour le trio, et peut-être fatal pour ma pauvre carcasse si les phalanges eussent caressé mon flanc comme cette tigresse l’avait espéré. Au lieu de ça, le coup fut stoppé net grâce à l’illusion. En revanche, la puissance spirituelle concentrée fut relâchée d’un seul coup, produisant une onde de choc terrible qui fit reculer mon corps en arrière non sans gravement endommager ses côtes. Une ou deux d’entre elles étaient peut-être déjà fendillées, mais la puissance du coup porté pleinement aurait sans doute fait éclater la cage thoracique. Mais le Yôkai tint bon, et garda ses yeux plongés dans ceux de sa victime. Il la tenait.



Ma bouche cracha du sang et la douleur irradia le flanc gauche que nous partagions. Je sentais monter la colère du Byakko, il ne voulait plus prendre de risque, surtout que son frère échangeait de terribles passes d’armes avec le troisième larron. Le Yôkai s’empara à pleines mains de mon Zanpakuto, sous sa forme scellée de shirasaya de bois, peu propice à l’affrontement au corps à corps. Je sentis mon énergie spirituelle grandir. Non … Il n’allait pas …



Il avait donc prononcé la formule de libération de Shokushu. Le shirasaya s’irradia d’une lumière sainte et prit sa nouvelle apaprence : celle d’un katana usé, ruisselant d’eau de mer, dégoulinant d’algues collantes, dont le fourreau était recouvert de coraux. C’était comme s’il avait passé plus d’un siècle dans les abysses. Mes mains, malgré moi, dégainèrent la relique. Point de lame pour ce katana, mais un vigoureux tentacule noir, long de 2m30, frétillant. L’appendice se noua autour du cou de la shinigami victime de l’illusion et l’enserra de toutes ses forces. Sous les anneaux puissant du tentacule, la nuque allait céder si le Yôkai n’arrêtait pas cet immonde supplice. Le visage ravi par l’acte barbare, je sentais mon invité s’enivrer de plaisir sadique. Quant à moi, je ne pouvais exprimer mon profond dégoût, dépossédé de ma propre enveloppe. C’est alors qu’une chose étrange apparut dans notre champ de vision. Une … bulle ? Puis deux … trois … Que pouvaient-elles bien …


Sans comprendre ce qui nous arriva, nous fûmes entraînés dans une succession d’explosions. Des explosions de petite envergure, certes, mais leur somme causa un tel déchaînement que je me demandai si j’allais m’en sortir pour cette fois. J’espérais aussi que l’autre shinigami s’en sortît pour mettre fin à ce théâtre de pantin dont j’étais la victime. Mon corps fit un bond prodigieux dans les airs en allégeant son poids pour se sortir de cette tourmente, et aidé par les souffles, il se retrouva au-dessus du nuage de fumée, dominant désormais l’ensemble du champ de bataille. Tout mon corps était partiellement brûlé, des plaies béantes étaient apparues un peu partout, et toute ma structure osseuse en avait pris un bon coup … La réception au sol allait être très dur, et une prochaine attaque trop puissante pour vait me faire taire à jamais. Se tenait non loin de là le shinigami-lapin, armé d’un drôle de sceptre … Probablement son Zanpakuto. C’était certainement elle qui avait lancé cette terrible attaque.



Un rayon foudroyant transperça l’air, en direction de la position de l’adversaire aux grandes oreilles. Le Yôkai qui était en moi n’allait pas tarder à redescendre vers le sol dans les quelques millièmes de secondes qui allaient suivre. La chute serait lente grâce à son poids allégé, mais diablement vulnérable pour lui. Quant au Yôkai de Premier Cercle, désormais amputé de sa jambe, il avait retrouvé ses instincts les plus primaires et enfouis au fond de lui. Après son coup de poing prodigieux, il enchaîna avec une ruade aussi féroce que puissante de plein front contre son ennemi. Les plus experts des chasseurs de Yôkais connaissaient le diagnostic : la bête se jetant à corps perdu dans une entreprise perdue d’avance, concentre sa rage et sa volonté de vivre. Elle craignait d’arriver à la fin …

Le temps semble s'être figé tout autour de moi. Plus rien n'existe, plus rien n'a d'importance, tout semble avoir disparu. Tout sauf Elle. Malgré tous mes efforts, malgré un siècle passé à essayer de devenir plus forte, la voilà qui me surplombe et me domine ultimement. Son aura et sa pression son asphyxiantes, étouffantes, au point de me faire ressentir une peur primale : me voilà proie, totalement à sa merci. Sans doute dois-je ma servie jusque là à sa pitié.

Tétanisée, incapable du moindre mouvement, je sens ma gorge se serrer par sa simple présence. D'abord, la douleur. Puis, l'air commence à me manquer. Privée d'oxygène, je me sens défaillir sans même pouvoir lutter. Mes mains se portent instinctivement à ma gorge, dans un effort surhumain qui me donne l'impression que mes bras sont faits de pierre, sans succès. Vais-je périr ici, sans même avoir pu lutter ?

Je sens alors mon corps se faire secouer par le souffle d'une explosion. S'agit-il là du sort qui m'est réservé ? Étrangement, la chaleur implacable de l'onde qui me fait vaciller m'apporte une bouffée d'air frais. L'incompréhension se mêle quelques instants à la peur qui avait empli mon corps, avant que je ne parvienne à revenir à moi, cillant plusieurs des yeux.

Elle a disparu. Mais le monde réel qui m'entourait précédemment est quant à lui de retour. L'affrontement qui faisait rage il y a quelques secondes à peine fait lui aussi de nouveau son apparition devant mes yeux. Quelques instants me sont nécessaires pour comprendre que j'étais sous l'empire d'une illusion créée de toute pièce par le traître. Sans doute s'agissait-il du Kidō qu'il préparait avant que je n'essaie de le frapper.

Je tourne rapidement la tête d'un côté, pour m'enquérir de l'état du shinigami qui affronte l'immense bête, puis de l'autre, ce qui me permet de remarquer la présence de la shinigami-lapine armée d'un drôle de sceptre. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que je lui dois mon retour à la réalité. Au dessus de nous plane l'individu à l'origine de tout cela.


J'inspire profondément, prenant une seconde pour me remettre dans la ferveur du combat, avant de fixer mon regard émeraude sur celui qui redescend lentement en direction de la terre ferme. À nouveau, je fais pulser mon énergie spirituelle en direction de mes jambes. Sans attendre, je charge en direction de la zone vers laquelle il semble se diriger : je le toucherai avant qu'il ne touche le sol.

Et je compte bien faire en sorte que le combat prenne fin prochainement : mon état n'est pas optimal et la fatigue me gagne progressivement. Une fois à portée de lui, je charge une partie de mon énergie de mon poing que j'envoie en direction du gros tentacule. L'énergie concentrée est moindre que précédemment et le but de la manœuvre est simplement d'empêcher l'appendice de me jouer de sales tours.

Malgré son apparence intéressante, l'arme que manie le traître représente un danger à ne pas sous-estimer. Je tente alors de me saisir de son poignet d'une main, de son épaule d'une autre, et de pivoter dans son dos de manière à tordre son bras dans le but, à défaut de totalement l'incapaciter, de lui faire lâcher son arme vivante.

Hurlant à plein poumon, la femelle au pelage immaculé était dans une rage folle. Ses yeux écarlate percevaient la nature complexe du Shinigami et pourtant, elle n'en saisissait pas tous le sens. Plus aveugle que jamais, la jeune femme s'emporta dans un vif monologue intérieur. Mots après mots, elle laissa son ire la posséder et la guider dans son œuvre destructrice.

Il voulait vraiment l'attaquer ? Elle ? Une entité supérieure ? Quelle immondice. Cet homme, non, ce parasite devait mourir ! Mais pas avec douceur, non... Il devait souffrir. Ressentir à travers sa chair, le supplice. Il devait désormais supplier la mort de le frapper. Il ne devait pas s'en sortir aussi facilement. Oser toucher une déesse, c'était tout bonnement impardonnable. Mais comment y arriver ? Son pouvoir, oui, voilà la solution ! Grâce à cette bulle, sa soif de vengeance sera satisfaite. Perdant peu à peu la raison, la détentrice d'Ubushinju se décida alors pour une sentence collective. Finalement, au fond, ils étaient tous coupable à ses yeux. Yokai ou Shinigami, leurs existences devaient toutes prendre fin, aujourd'hui.

Resserrant sa main sur le sceptre doré, l'auto-proclamée Kami usa de son souffle pour faire émerger une sphère massive. Bien plus dense que les précédentes, cette dernière flottait avec plus de lenteur et de difficulté. Néanmoins, pour ne pas la rendre obsolète, la Shinigami lui donna un coup virulent. Résistant à l'impact, la création s'envola rapidement vers les deux guerriers s'affrontant sur le sol. Et afin de ne laisser aucun répit à ses misérables, la possédée déclara ses intentions avec ferveur.



L'explosion qui suivit devait surpasser la précédente. Cette fois-ci, la déflagration avait pour ambition de détruire tout le groupe en une seule fois. Aucun être n'était censé réchapper à ce souffle incandescent. Toutefois, ce ne fut pas vraiment le cas. Le rayon énergétique heurta en effet la belle et perturba grandement sa concentration. Affaiblie par ce coup du sort, Kagome s'effondra au sol, le flanc droit perforé. La bulle éclata alors, avec une force bien moins importante que prévue.

J’avais vu juste ... Alors que mon corps entamai sa lente chute, elle revint. Cette démone salvatrice avait de la ressource, et ce n’était pas pour me déplaire. Dans un état aussi lamentable que moi à cause des bulles du shinagami-lapin, et le cou encore rougit par l’étreinte de Shokushu , elle bondissait vers moi, comme une funambule venue m’annoncer mon trépas. La première chose qu’elle fit, c’est de repousser le tentacule de mon Zanpakuto en lui portant un coup de poing démentiel chargé d’énergie spirituelle. Bonne initiative. Puis agile, souple et rapide comme une tigresse, elle se faufila derrière moi, tout en m’attrapant le bras afin de faire une clé qui avait pour vocation de me bloquer et de me désarmer. Chose qui fonctionna. Ma main lâcha Shokushu, qui reprit sa forme de simple shirasaya. Voilà une bonne chose de faite. A la merci de la shinigami, il ne restait que la parole au Byakko.



Je comprenais bien le manège de cette fichue bestiole.





Au même instant une nouvelle explosion se produisit. Le shinigami-lapin avait encore frappé visiblement. Et cette fois, il avait concentré toute sa rage sur le Yôkai de Premier Cercle et son adversaire : le shinigami-bretteur. Visiblement cela avait suffit pour mettre hors-combat notre allié commun. Quant au démon, il marchait péniblement vers la shinigami en bargouinant quelques lambeaux de phrases crachés par sa mâchoire disloquée. Estropié, et brûlé sur tout son corps, il titubait, aux portes de l’agonie. Je sentis alors une énergie nouvelle émaner de l’intérieur de mon corps. Une malice noire s’empara de moi et la seconde d’après …

Un Reiatsu démoniaque se mit à déferler par tous les pores de ma peau. Une énergie aussi intense que puissante, je ressentais pleinement la force spirituelle de Yôkai de Deuxième Cercle … Et cela signifiait un terrible danger pour la shinigami qui me maintenait le bras en arrière. Fort de sa nouvelle force titanesque, sa jambe se leva, et vint frapper le sol. En un coup, ce dernier se fendit en une multitude de morceaux de roches tout autour de lui : l’objectif était de déséquilibrer la shinigami. Pour se libérer de sa prise, il força comme un damné la clé de bras, se disloquant l’épaule, mais lui permettant d’avoir assez d’amplitude pour utiliser l’autre bras. Au moins, il ne lui en restait plus qu’un seul pour continuer le combat.



La formule magique, si elle portait ses fruits, forceraient les bras de la victime, à se verrouiller dans le dos. Facile à déjouer avec un peu de force, le sortilège serait salvateur le temps de quelques secondes. Mais mon corps agit une nouvelle fois, sous l’irradiation continuelle d’énergie spirituelle colossale de mon hôte. D’un même mouvement il ouvrit la bouche en direction du lapin humanoïde.



Un nouveau rayon d’énergie spirituelle fusa vers la faiseuse de bulles explosives … Restait à savoir si cette fois-ci, le Yôkai en moi serait débarrassé de ses adversaires. En tout cas, ils avaient fort à faire. L’anomalie que mon enveloppe était devenue a trouvé une puissance bestiale, surhumaine, digne du « Deuxième Cercle » qu’il était. Quant à moi je sentais une douleur me picoter légèrement … Jusqu’à présent je n’avais rien ressenti, mais le picotement devint très vite une sensation de brûlure …

Tout semble me sourire dans cet affrontement. Sans doute suis-je sous ma bonne étoile aujourd'hui. Malgré la douleur que je subis à chaque mouvement à cause des brûlures infligées par la shinigami lapine et ses explosions pourtant salvatrices, ça n'est rien en comparaison du sort que je réserve au traître qui s'est sans honte ni scrupule allié à un misérable yōkai.

J'ai réussi à le désarmer et à le bloquer dans une position fort peu confortable qui est toute à mon avantage. Il ne me reste plus qu'à le mettre hors d'état de nuire, sans non plus aller jusqu'à l'exécution pure et simple qui dépasse largement mes prérogatives. Le malfrat prend alors la parole pour m'avouer un sombre secret : voilà un moment que le shinigami n'est en réalité plus aux commandes et que son corps obéit aux ordres d'une vile créature.


Merde. S'il est simplement possédé, je ne peux pas me permettre d'abîmer davantage son corps, sans quoi il risquerait de garder des séquelles même après sa libération. Changement de plan, lui briser les deux jambes ne me semble plus vraiment être la meilleure chose à faire. Mais s'il est simplement possédé, il lui doit bien exister un moyen de rompre le lien et de le libérer de l'empire de son tortionnaire. Seulement, lequel ?

Plus loin, je capte du coin de l'oeil que ma collègue Parle-Esprit décide de ne laisser aucun répit à nos adversaire. Ni même à notre allié. La voilà qui bombarde de nouveau la zone de ses dangereuses bulles explosives, au point de mettre le quatrième shinigami hors d'état de nuire et d'amener bien méchamment le yōkai aux portes de la mort. D'après son état, il ne lui reste que peu de temps, le moindre coup risque sans aucun doute de lui être fatal.

Mais je n'aurais pas du me laisser distraire par ce spectacle. Avant même que je ne m'en rende compte, voilà que mon prisonnier libère une quantité bien anormale d'énergie et frappe le sol, de quoi me déstabiliser bien suffisamment pour qu'il puisse se libérer de mon étreinte. Par chance, il s'est quand même salement disloqué l'épaule dans le procédé, ce qui ne manquera pas d'être un avantage certain pour la suite.

Enfin, ça, c'est si j'ai moi-même l'usage de mes bras. Je me laisse de nouveau surprendre par une incantation. Ça m'apprendra à essayer de prêter attention à ce que disent mes adversaires au lieu d'agir. Sans que je ne puisse les contrôler, mes bras viennent se tordre dans mon propre dos. La position est douloureuse et handicapante, mais ne me bloque par chance pas le reste du corps.

Le bougre dévoile alors ultimement sa véritable nature de yōkai en préparant un Cero reconnaissable dans sa bouche pourtant si humaine. Je remarque bien vite à sa position que je ne suis pas la cible, mais il ne s'agit pour autant pas d'une bonne nouvelle : ma collègue est directement dans son viseur, et elle est sûrement déjà bien assez occupée ailleurs pour pouvoir gérer ce nouveau problème.

Comme seuls mes bras sont alors bloqués par le sort de Bakudō, je me projette toute entière en direction du shinigami possédé, la tête en avant, dans l'espoir de le percuter et de le faire manquer sa cible. Ou tout du moins de suffisamment le perturber pour que l'esquive de Kagome soit facilité.

L’éclair blanc incendiait l’air sur sa trajectoire rectiligne, menaçant l’étrange shinigami à l’allure de lapin. Mais quelque chose heurta mon corps déjà salement amoché, qui était encore fragile sur ses appuis. L’infâme Cero fut dévié de sa trajectoire tandis que le Yôkai de Premier Cercle s’effondrait sur lui-même, arrivé au terme de sa lente agonie. Quant à mon corps meurtri, il s’affala dans la terre, dans un état lamentable. Et cette douleur qui montait en moi … Je sentais l’énergie du Mononoke me consumer, et réduire mes entrailles en un tas de cendres. Je ne pouvais même pas extérioriser ma souffrance. Toujours maître de mon enveloppe physique, mon hôte se releva pour faire face à la tigresse qui lui tenait tête depuis quelques minutes déjà. La respiration haletante, il allait charger de toute sa puissance démoniaque, fort de son aura démentielle. Quant à elle, l’effet de mon sortilège avait déjà dû être affaibli ou au moins contrecarré par la formidable combattante. Cet ultime assaut déciderait de nos trois sorts … De nouveau, l’énergie spirituelle du Yôkai tourbillonna sur elle-même et se concentra dans mon poing.



Mon corps se figea. Il se passait quelque chose. Une voix mystérieuse résonna dans mon esprit, dans mon âme, et dans celle du Yôkai : « Qui es-tu pour avoir élu domicile dans notre demeure ?? ». C’était un voix de femme ... Le démon de Deuxième Cercle resta coi. Et mieux encore : il me semblait que mon reiatsu ne brûlait plus. Et petit à petit, je recouvrai l’usage de mes membres … Des picotements à mes extrémités, et l’aura maléfique du Yôkai qui s’évaporait comme les volutes d’un thé bouillant à souhait … Un fois face à ma camarade, je positionnai ma main devant moi, tendue, pour lui faire signe de rester sur place.



Je sentais la puissance du démon filtrer de nouveau à travers moi. Le diable voulait reprendre le dessus. Mais pas question de me laisser faire. Je concentrais toute mon énergie spirituelle à faire barrage contre le Yôkai. Des barrières qui allaient céder tôt ou tard … Mais une autre forme se manifesta … Un reiatsu en tout point semblable au moins, mais avec de très subtiles nuances … C’était … Un reiatsu lié à mon Zanpakuto ? Une forme se manifesta au plus profond de moi … Je discernai enfin ses traits … C’était bel et bien Shokushu ? Une grande femme à la peau pâle, presque nue, recouverte par endroits d’un cuir luisant et noir comme la nuit. Des ailes de diable lui servaient parure, et ses cheveux n’étaient que de longs tentacules menaçants, semblables à ceux de mon Shikai. Shokushu était donc une femme, et magnifique, qui ressemblait sur bien des points à l’amour de ma vie que je m’échinais à retrouver dans le pays des morts … J’avais l’impression que le Yôkai et l’esprit de mon Zanpakuto se faisaient face …





Nouvelle déflagration de reiatsu. Mais le mien cette fois-ci. Je me jetai à quatre pattes sur le sol, et vomit un espèce de tas de chair translucide et frétillant. Ce n’était autre que mon effroyable parasite, pas plus haut que trois pommes, qui se débattait pour rester en vie dans le monde hostile qu’était l’extérieur. Je me relevai et profitai de toutes les douleurs qui irradiaient mon corps. J’étais appuyé sur mon Zanpkauto en forme de shirasaya.



Le Yôkai gesticulait sur le sol, tandis qu’une brise se levait autour de nous. Non loin de nous, gisait le corps inanimé du duelliste shinigami, du Yôkai de Premier Cercle, et à une dizaine de mètres, la shinigami-lapine n’avait pas encore bougé ...

Malgré ma situation fort peu enviable, je ne peux m'empêcher de détourner le regard de mon adversaire pour vérifier si le rayon d'énergie a atteint sa cible ou si j'ai bien réussi à me dévier ne serait-ce qu'un peu. Par chance, Kagome, n'a pas fait les frais de cet assaut dont la puissance aurait pu être fort ennuyeuse si il avait fait mouche.

Alors que je me prépare à recevoir la prochaine contre-attaque du shinigami possédé en forçant sur les liens qui retiennent mes mains dans mon dos pour les briser et retrouver l'usage de mes membres, j'assiste à un spectacle que j'ai au début du mal à interpréter. Soudainement, l'énergie spirituelle malfaisante laisse place à un déferlement bien plus normal et habituel de reiatsu.

De plus, l'homme lève alors la main, et son timbre ainsi que son choix de mots sont bien différents de nos échanges précédents. Il m'intime de ne plus avancer et de le laisser combattre l'abomination qui le contrôle. Dit-il la vérité, essaie-t-il réellement de combattre cet intrus ? Ou s'agit-il d'un énième coup bas pour me faire baisser ma garde afin de pouvoir m'attaquer de plus belle ?

Bien consciente du danger je reste campée sur mes appuis, prête à réagir en cas de besoin, sans toutefois intervenir pour l'instant. Je lui laisse le bénéfice du doute : s'il me dit la vérité, attaquer son corps risquerait de compliquer ses efforts dans la lutte contre cet envahisseur qui contrôle son corps.

C'est alors que l'homme s'écroule à genoux et vomit ce qui semble être un tout petit être vivant qui se met à gigoter tant bien que mal sur le sol. Je m'approche alors rapidement de lui, pour lui prêter assistance alors qu'il se relève et lui proposer de prendre appui sur moi le temps de se remettre.


Migiwa me propose alors de mettre fin à la vie du petit être désormais insignifiant qui ne vaut plus grand chose sans corps à utiliser pour accomplir ses sombres desseins. Il n'a pas besoin de me le dire deux fois, pour que j'accumule une petite quantité d'énergie spirituelle dans ma jambe et que j'abatte mon pied sur la minuscule créature pour l'écraser sans la moindre pitié.