Maintenant qu’il était à peu près rétabli, Hana savait ce qu’il lui restait à faire. Il avait pris le temps de se sentir prêt à affronter bon nombre de questions avant de le faire, sachant pertinemment que ce genre d’interrogatoires pouvaient être plus poussés que ce qu’il n’avait vécu jusqu’à présent. Mais il le fallait, il savait que c’était la bonne chose à faire, et c’était tout à fait aligner avec ce en quoi il croyait, avec les valeurs qui faisaient de lui le shinigami qu’il était aujourd’hui.

Ce fut donc d’un pas décidé qu’il se rendit dans la partie du Seireitei où se trouvaient les shinigamis rattachés à la septième division, l’Ordre Mnémonique. Ils étaient en charge de toute relation avec le Concile Blanc, et c’était donc tout naturellement vers eux qu’il fallait se tourner lorsque l’on souhaitait rapporter certains faits. Il connaissait plutôt mal ce quartier de la Soul Society et ce fut pourquoi il prit son temps pour y pénétrer. Mais une fois qu’il eut trouvé le bon bâtiment, il se présenta et demanda audience.

Enchanté, Owari Hana, Officier de la cinquième division. Je viens pour faire un rapport sur une situation qui pourrait être préoccupante.

Fit-il sobrement tandis qu’une Recrue de l’Ordre était venue à sa rencontre pour connaître l’objet de sa raison dans leurs quartiers. Une fois qu’il eut exprimé son besoin, Hana fut sommé de patienter qu’un gradé vienne l’accueillir et recueillir ses informations. Cela ne tarda pas, et il reconnut alors un pair qu’il croisait décidément très régulièrement récemment. Il fut ensuite conduit jusqu’à un bureau où il prit place, cachant les bandages encore frais sous sa tenue de shinigami.

Et tandis qu’il fut installé, il exposa alors la raison de sa venue à Genichiro, afin que ce dernier puisse jouer son rôle de messager auprès du Concile Blanc.

Si je viens vous voir aujourd’hui, c’est pour faire mon rapport sur ce qu’il s’est passé dans ce qui était autrefois une forêt. Je tiens cependant à vous prévenir que je n’ai pas toutes les informations à ma disposition, n’étant arrivé que tardivement sur les lieux du combat.

Tint il à préciser avant de commencer son récit.

Lorsque je suis arrivé sur les lieux, le Yokai était déjà complètement déchaîné et je n’ai pu qu’observer, impuissamment, à sa croissance extrêmement dangereuse. Il faisait déjà plusieurs mètres de haut et menaçait les autres shinigamis d’une attaque de lave qui s’avérait dangereuse. Et qui l’a été, manifestement.

Fit-il en ressentant les différentes bandes de tissu encore présentes sur la majorité de son corps.

Mais le plus inquiétant était que ce Yokai ne semblait pas seul. Dans ma fuite, j’ai vu de nombreuses âmes errantes le rejoindre et se mobiliser près de lui… C’en était presque effrayant, et si nous n’avions pas subi les assauts du Yokai de lave, il ne fait aucun doute que nos jours auraient été en danger face à une telle horde d’esprits…

Puis il marqua une pause, même s’il voulait son récit ordonné, il savait qu’il n’était pas le meilleur pour disposer ses idées. Ce fut pourquoi il laissa un temps à son interlocuteur si ce dernier souhaitait rebondir sur une de ses paroles.

Quelle est l’arme la plus importante d’un Dieu de la mort ? Beaucoup se targuent de trouver la question triviale oblitérant toutes tentatives d’essais sur le propos. Très peu d'ouvrages relatant de tel raisonnement ornent la bibliothèque sacré du Concile Blanc, comme si la question démérite et entache l’encre et le papier qui peut la sublimer. Pourtant, sans vraiment comprendre les causes d’un tel ancrage, tu t'accroches à ces réflexions.

Profitant d’un moment de calme dans la Cour Impériale, tu t’installes sur un banc, devant un paysage resplendissant qui saura t’amener au zénith de ton raisonnement. Quelques feuilles de papier en mains, tu inspires profondément, désirant coucher ce qui te traverse l’esprit. Tant d’âme se repose sur deux entités qui incarnent parfaitement la condition de Shinigami. L’énergie physique et le Zanpakutô. Deux essences incarnant la puissance du Goteijūtai. D’une part, la transcendance de l’héritage humain ennoblie par l’énergie spirituelle. De l’autre, la manifestation des âmes perdues du Havre des Esprits prêtant leur capacité dans leur râle d’agoni. Deux concepts incontournables pour un Shinigami respecté et respectable.

Pourtant, ces deux entités ne sont-elles pas de simples moyens utilisés par une entité bien plus supérieure, surplombant le tout ? Qu’en est-il de l’esprit ? Cette voie tant délaissée par tant d'âmes servant le Seireitei. Au-delà de l’art des nécromanciens, tu t’attardes bien plus sur les effluves de l’âme tant sur l’intellect, la sagesse, la réflexion et bien d’autres domaines. Tes yeux observent bien souvent ces prétendus dieux satisfaire leur moindre besoin primaire, laissant leur instinct et leur pulsion dicter leur acte et leur parole sans une once de doute, de remise en question. Est-ce donc à cause d’eux que les étagères d’une si belle bibliothèque sont ternies ? Impardonnable.

Rangeant tes notes, tu quittes cette parcelle de paix pour reprendre le rôle qui t’incombe. Ton bureau, tes notes, tes piles de papiers, une routine que tu ne connais que trop bien. Soupirant, tu t'attèle à la tâche lorsqu’une jeune recrue vient t’interrompre avant même qu’une feuille soit enlevée de cette maudite pile. Un Officier de la cinquième désirait s’entretenir avec la septième pour effectuer un rapport sur une situation au demeurant aussi inquiétante qu’alarmante. Prenant appui sur ton bureau, tu te lèves et suis la recrue sous tes ordres. Très vite, tu comprends qui est donc cette fameuse personne.

— Joukan Owari, ravie de vous revoir. Je vous en prie, suivez-moi.

Tu escortes Hana jusqu’à ton bureau, l’invitant à prendre place. Dès lors, la jeune âme à la crinière argentée ne perd pas de temps à alimenter ton esprit d’information. Tes principaux ustensiles prêts, tu couches sur le papier toutes les paroles du Joukan de l’Etoile en n’omettant aucun détail. Le Yokai déchaîné, sa taille dantesque, ces attaques de laves, des shinigamis impuissants face à un tel assaut. Cependant, aux dernières paroles d’Hana, tu arques un sourcil, stoppant pendant quelques secondes ton écritures avant de reprendre. Tu t’interroges et tu l’interroges.

— Un Yokai ayant la capacité de mobiliser de nombreuses âmes errantes… Voilà qui est… Unique et préoccupant. Je n'ai jamais rien lu de tel dans d’autres rapports.

Ton esprit s'égare le temps d’un instant. Plusieurs restitution amenaient à penser à des volontés très fortes chez certains Yokai amenant même de la réflexion et de la raison chez certaines de ses monstruosités, mais aucun talent de ce type n’avait encore émergé de l’ombre. Un rapport inquiétant qui sera immédiatement transmis au Concile Blanc une fois complété.

— Je vous en prie, Joukan Owari, continuez et soyez le plus précis possible dans votre récit.

Tandis qu’il racontait ce qui s’était passé ce jour-là, notre jeune shinigami aux cheveux blancs ne pouvait s’empêcher de ressentir la chaleur des flammes qui lui avait, à l’époque, lécher la peau. Cela était un souvenir très douloureux, horrible même. Mais la douleur physique n’était pas ce qui l’avait le plus dérangé à la suite de cet incident. Non, il avait perdu deux choses bien plus importantes. Tout d’abord, Kiken. Il ne lui répondait plus, ce n’était maintenant plus qu’une coquille vide, un esprit auquel Hana ne semblait plus avoir de connexion. On lui avait dit que le Concile Blanc pouvait travailler sur le sujet… Et intérieurement, notre jeune shinigami aux cheveux blancs espérait de tout son cœur que son asauchi redevienne qui il était.

Je n’ai malheureusement pas beaucoup plus d’informations sur ce qui s’est passé car nous avons ensuite pris la fuite et mon état de santé ne me permettait pas de me concentrer sur autre chose que sur le retrait, surtout que j’aidais un autre shinigami bien plus touché que moi.

Fit-il tout en se frottant machinalement le poignet gauche, celui que les médecins de la Panacée n’avaient pas totalement réussi à sauver, le rendant alors insensible à tout ce qui se passait sur son avant-bras gauche.

Cependant, si je devais être honnête, je dirai que le mastodonte de lave qui a été à l’origine de toutes nos blessures n’était pas la réelle menace. Bien entendu, il avait une puissance prodigieuse et destructrice. Cependant, avec un peu de préparation et d’entraînement, il aurait été possible d’abattre ce Yokai, aussi puissant soit-il…

Dit l’Officier de l’Étoile du Nihon tandis que Genichiro continuait de prendre des notes. Hana connaissait l’importance de l’exercice et était plutôt content d’être tombé sur l’Officier de l’Ordre Mnémonique qu’il connaissait. Il était ainsi plus facile de relater les faits, et d’arriver jusqu’aux hypothèses qui étaient les siennes.

Selon moi, le vrai danger venait de celui qui semblait les contrôler. On aurait dit qu’ils avaient tous été envoyés dans ce lieu, que tout ceci était arrivé au même moment. Et j’avais le pressentiment que tout ceci n’était pas le fruit du hasard. Nous entrons désormais dans le domaine de l’hypothétique, mais je pense que nous ne tarderons pas à devoir affronter une menace bien plus organisée, bien plus ordonnée, bien plus puissante que ce que nous avons pu voir jusqu’à aujourd’hui.

Hana espérait que son interlocuteur saisirait son point…

Les mots couchés sur le papier par tes soins provoquèrent une crainte inextinguible. Depuis des temps immémoriaux, les Dieux de la Mort affrontent sans cesse leur némésis et pourtant, le conglomérat des connaissances sur leur sempiternel ennemi reste faible et insuffisant. Quelle est donc la cause de cette absence d’information sur ce qui a ébranlé les racines même du Seireitei ? Quelles actions doivent être menées promptement pour pallier l’impuissance du Goteijūtai ? Tu ne saurais répondre à cette vaste interrogation, mais ce n’est pas la charque qui t’incombe. Observer, noter et transmettre. Tel est le rôle des dépositaires de la connaissance de l’Ordre Mnémonique.

Face à l’officier de la cinquième, tu suspends tes mouvements, le temps d’un instant. Les yeux rivés vers l’extérieur lumineux, tu t’interroges, en silence. Au vu du ton employé par l’étoilé, tu te persuades que le guerrier ne fabule pas. Il ne fait que peindre un tableau de la réalité en étant le plus factuel possible, confortant ce qui semble être obvie. Cette entrevue t’oblige à raisonner sur la place de l’Etoile du Nihon et les valeurs qu’elle véhicule. Tu ne peux que les observer à travers le spectre de ton interlocuteur, mais tu comprends très vite que l’éloge à leur encontre n’est en rien usurpé. Pureté, honneur, droiture. Le jeune Joukan incarne parfaitement ces préceptes t’apportant la confiance nécessaire pour écouter d’une oreille attentive ces récits au demeurant chimériques.

Des détails aux potentiels cruciaux devront manquer à l'appel. L’évacuation immédiate des lieux et intervenants les plus touchés empêcha la prise de plus d’information. Une conséquence regrettable, mais nécessaire pour assurer la survie du groupe et la restitution des données déjà amassées. Néanmoins, le Joukan apporta une angle de vue différent à son rapport factuel. Une hypothèse étayée par ses observations sur la zone désolée. La menace instigatrice de toute cette orchestration chaotique serait encore tapie dans l’ombre, contrôlant les monstruosités tel des pantins boisés. Un spectre élaboré, manipulant avec harmonie les créatures les plus terrifiantes à même de blesser bien des membres du Goteijūtai. Une singularité aux allures inquiétantes.

— Vos propos sont très alarmants, Joukan Owari. Comprenez qu’il est difficile pour moi de présenter votre théorie au Concile Blanc sans preuve concrète pour l’étayer. Néanmoins, ayant opéré avec vous par le passé et connaissant l’intégrité de la Gobantai, je défendrai cette assomption auprès des régents de notre monde. Votre discours ne semble pas atteint par l’émulsion d’une potentielle folie provoquée par vos récents déboires, ce qui me rassure et me pousse à plaider en votre faveur. Même si la menace est hypothétique, il vaut mieux s’y préparer pour ne pas être pris au dépourvu si jamais elle se manifeste. Vous pouvez, donc compter sur moi, Joukan Owari, pour présenter votre rapport tel quel au Concile Blanc.

L’air pensif, tu agites quelques papiers avant de reprendre.

— Je me dois de vous poser quelques questions nécessaires à la restitution des faits auprès du Concile. Comme vous vous en doutez, l’opération peut difficilement être considérée comme un succès et qui dit échec, dit responsable. Vous m’avez indiqué qu’avec plus de préparation et d’entraînement, il était possible de vaincre ce Yokai. Je note que les entraînements prodigués par les différentes divisions devront être plus soutenus et le protocole d’intervention et de coopération inter-division grandement modifié pour gagner en efficacité. Voyez-vous d’autres points expliquant le bilan de cette incursion ?

La discussion était lourde, assez sensible, il fallait l’avouer. Owari Hana n’était pas des plus émotifs et partageait rarement ce qu’il avait au fond de ses pensées. Cependant, dans ce moment particulier, notre jeune shinigami aux cheveux blancs se devait d’être le plus honnête, et le plus transparent possible avec son interlocuteur. Le Joukan de l’Ordre Mnémonique avait prouvé par le passé qu’il pouvait s’avérer être une personne de confiance, ainsi Hana se sentait dans un environnement sécurisé et il hésitait ainsi moins à livrer ses théories, lui qui les gardait généralement pour lui-même !

Je comprends tout à fait les protocoles. Nous ne pouvons uniquement nous baser sur des faits, et non des suppositions de la part d’un Officier ayant potentiellement des séquelles de l’incident, même s’il l’ignore. J’en ai bien conscience, cependant je me devais de partager cette information avec vous. Peut-être les autres survivants pourront-ils confirmer ce que j’ai vu ? Cependant, je pense que nous devons rester sur nos gardes, Genichiro-san, car un orage approche…

Le timbre lourd de sens, son interlocuteur pouvait bien comprendre que Hana croyait dur comme fer à ce qu’il disait, et que ce n’étaient pas les palabres d’un fou qui aurait perdu l’esprit. Ce qu’il avait vu resterait ancré dans son esprit, et il espérait clairement que sa théorie ne soit pas la bonne et qu’il se trompe. Car sinon, le Seireitei devrait affronter une menace bien plus importante que le Boucher qu’ils avaient combattu.

Je pense tout d’abord que tout cela n’est arrivé que par un pur hasard. Ce fut le destin qui conduisit mes pas dans ce coin du Nihon, et qui me permit d’intervenir pour tenter de repousser l’envahisseur, les envahisseurs. Alors oui, la marche était sans doute trop haute pour les shinigamis présents sur place… Cependant, je n’ai assisté qu’au dénouement du combat, n’étant pas réellement présent vu que je suis arrivé après les autres.

Il marqua alors une pause, puis tout en passant mécaniquement son index sur la paume de sa main gauche, insensible, il continua alors son analyse de la situation.

Je pense que le périmètre n’était pas assez quadrillé et que le temps d’intervention a été légèrement trop long. Sans intervention opportune, les shinigamis présents sur place auraient perdu la vie. Cependant, si jamais une escouade aurait dû être formée, je pense qu’il serait bon d’équilibrer les différents profils. Comme nous le savons, certains shinigamis maîtrisent et se spécialisent en différentes arcanes du Kido. Selon moi, une escouade efficace devrait être un juste équilibre entre force de frappe, et sorts de soutien.

Voici son avis sur la question, comme l’avait demandé le Joukan de l’Ordre Mnémonique.

Toi qui dissimule habilement la moindre émotion émanant de ton être, tu ne peux restreindre ton faciès à s’animer. Les nouvelles affres rapportées par le Joukan de l’Etoile attaquent lourdement ton esprit déjà embrumé par tes propres lamentations. Que faire de toutes ces connaissances emmagasinées ? Les transmettres au Concile Blanc, cela va de soit, mais est-ce suffisant ? Ne faut-il pas agir au-delà de ce qui est attendu ? L'initiative. Voilà peut-être une action valeureuse ayant quitté la Cour Impériale depuis bien des âges. Dans ce pâle théâtre de figuration, pantins désarticulés se succèdent prétendant agir pour soutenir la régence du refuge des âmes. Est-ce bien vrai ? Faut-il seulement agir tel un papillon du géhenne, transmettant ses informations avant de regagner les ombres ?



A la suite d’un soupir spirituel, ton visage se crispe légèrement. Tu avais presque oublié ce vieux roi observant le moindre de tes faits et gestes. Un esprit gardien qui t’assène bien souvent de vérité froide que tu ne peux ignorer.

— Et vous avez bien fait de venir nous voir directement pour faire votre rapport. Tous vos homologues n’ont pas eu la présence d’esprit de le faire, ce qui ralentit considérablement les recherches et les actions qui en découlent. Votre version sera confrontée, dès que nous le pouvons, avec celle de vos semblables. Si jamais quelque chose apparaît comme dissonant, nous vous contacterons.

La vision de l’officier était intéressante. Un entremêlement de chance, d’action opportuniste et de manque de polyvalence au sein même des intervenants. Les informations remontées jusqu’à toi indiquent que le groupe improvisé se résumait à de l’attaque au corps-à-corps. Tu comprends que sans un soutien fort, l’intervention était déjà vouée à l’échec. La force pure dans sa forme la plus brute ne peut pas venir à bout de ce genre de créature.

— Hélas, Joukan Owari, nous ne pouvons compter sur la chance à chacune de nos interventions. Notre communication doit être fluidifiée d’une manière ou d’une autre pour que les prochaines interventions soient efficaces et indépendantes du hasard. Les Jigokuchō sont très utiles pour cela, mais leur temps et leur fiabilité laissent à désirer. Un axe sur lequel le Goteijutai devra se pencher rapidement.

Tu notes les dernières paroles du bretteur étoilé avant de conclure.

— Je vous remercie pour votre analyse, Joukan Owari. J’ai tout ce qu’il me faut pour le moment et je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Merci pour votre rapport et je vous souhaite une guérison rapide.

Tu te lèves et t’inclines respectueusement avant de demander à une recrue de raccompagner Hana.