Depuis quelques temps tu passais bien plus de temps sur des territoires qui ne faisaient pas partis ta juridiction, pour diverses raisons qui ne regardaient que toi. En ce jour, tu comptais à nouveau récidiver si l’on pouvait le dire ainsi. Ayant une personnalité curieuse il était assez évident que tu n’allais pas te cantonner à tes quartiers, mais plutôt à faire des rencontres qui pourraient t’aider à enrichir tes connaissances. Un état d’esprit qui ne collait guère avec ta division, en effet, étant chez les Premiers-Nés tu faisais tâche dans le paysage. 

Tu avais choisi ton point de chute ; le Seireitei et plus précisément à Kyuutei. Cette destination n’était pas anodine puisque tu avais pus entendre ici et là que le siège de la noblesse s’y trouvait. Mais alors, qu’est-ce qu’un type comme toi allait bien pouvoir faire là-bas ? Tu te ferais juger à coup sûr en t’y rendant. Tu n’étais plus à ça près dirait-on, tu avais pour habitude de jouer les ignares afin de dissimuler ta véritable nature, ce n’étaient pas quelques bourgeois qui allaient t’effrayer. 

Arrivant à présent à destination, tu ne savais pas réellement où aller, ni même qui interpeller pour obtenir quelques renseignements. Tu sentis les regards des passants se poser sur toi, comme s’ils étaient étonnés de croiser une personne du peuple dans les environs, il est vrai que tu ne faisais aucun effort sur ton apparence physique et vestimentaire. 

Au détour d’une ruelle tu bousculas par inadvertance cet individu à la longue chevelure. Tu te demandais presque si c’était un homme ou une femme. Le lui demander aurais pu être mal vu ou être mal interprété, que faire dans ce cas ? Au lieu de t’excuser, tu décortiquas du regard ton vis-à-vis afin de mijoter un mensonge comme tu les aime.

« J’suis nouveau dans le coin saurais-tu me dire où je pourrais trouver le palais ? » de manière délibéré tu employas le tutoiement simplement pour observer la réaction du non genré. Bien entendu, tu ponctuas tout ceci par un large sourire. 

Quel hideux faciès. Quel était ce brouillon de la nature qui venait importuner un honnête homme ? Une entité protéiforme ; le parfait mélange entre une monstruosité et un nain. Haut comme trois pommes, une masse comparable à une mante-religieuse, quel échec. Sa tenue… Oh quelle tenue ! Même un animal dénué d’intelligence saurait aligner deux pièces d'étoffes concordantes - ce qui n’était pas le cas du blondinet, vous vous en doutiez.

Que dire d’une telle ignominie ambulante ? Devait-on parler de ses cheveux ? Pailleux. Un blond douteux, mi-caca d’oie, mi-urine viciée. Une coiffure tombant sur ses yeux, dignes des plus grands chanteurs de la pop culture - Justin Bieber pour ne citer que lui.

Sourire réprimé. Nous le remarquons. Une odeur nauséabonde, digne des porcheries les plus sales du Nihon. Est-ce pour une affaire ou un rendez-vous ? Le plébéien s’exprimait comme un homme - si l’on pouvait appeler ainsi cette mocheté - dénué de culture et d’éducation. Suivez-moi. Je vais vous mener auprès du palais.

Le noble guidait la voie, l’animal domestique le suivait au pas.

De quelle division provenez-vous ? Oeillade fugace sur la chose. Maintenir le contact visuel relevait d’une prouesse… d’un miracle ! Le visage difforme du truc hanterait ses nuits. Hideyoshi, pour la première fois de sa vie, voyait une “personne” affublée d'un mono-sourcil. Ce n’était pas le plus grave, dans le cas de cette immondice. Aviez-vous vu cet œil protubérant et globuleux ? Mi-poisson, mi-poubelle. Une fusion incroyable.

Le fauve cherchait, depuis plusieurs minutes maintenant, à comprendre comment l’on pouvait vivre - et surtout plaire aux femmes - avec ce genre de dégaine approximative. Probablement un paysan qui se rabattait sur des animaux plutôt que sur la gente féminine désintéressée. Un rictus moqueur anima sa lippe.

« Hmm… Ni l’un ni l’autre, c’est juste pour faire un peu de repérage. Qui sait, peut-être qu’un jour je serais amené à y travailler. » dis-tu sur un ton assez décontracté. 

Bien heureusement qu’aucun de tes pairs chez les Premiers-Nés n’eut à entendre ces quelques mots, sinon tu allais passer pour la risée de toute une division pour oser troquer le savoir lié au combat contre la connaissance qui régit ce monde. Evidemment, tu n’étais pas comme ces guerriers que l’on décrivait comme ayant un faible intellect, au contraire, tu faisais parti de ceux qui manigançaient dans l’ombre. Pour le faire correctement, il était nécessaire de maitriser sur le bout des doigts les nombreuses règles afin de mieux les contourner. 

 Et c’est là que ton apparence allait certainement jouer en ta faveur. L’homme que tu venais de bousculer devait sans doute avoir des aprioris à ton sujet et c’était l’objectif puisqu’il était rare de se méfier d’un individu que l’on considérait comme inférieur. Bien que le noble ne l’affirmât pas de manière explicite, mais tu descellais tout de même certains signaux corporels qui allaient tous dans ce sens. Et peut-être même qu’il allait rire aux éclats par ta précédente déclaration. Qu’il fasse donc, cela n’avait aucune importance à tes yeux. 

Tu le suivis comme un touriste pouvait le faire avec un guide, ce qui était normal étant donné ton absence de connaissance sur la topographie des lieux. Au fil de l’avancée, l’androgyne souhaitait connaitre avec précision le nom de ton affectation, était-ce une manière pour lui de confirmer ses pensées ? Eh bien, tu lui donnerais la réponse qu’il attendait, tout en jouant un peu avec lui. Tu étais d’une humeur taquine.

« Tu n’as pas une petite idée sur mon appartenance ? Vraiment pas ? Vu que t’as l’air d’être un gars sympa, je te donne un essai pour trouver. Eheh. » toujours ce sourire qui animait ton visage. « Tu sais, c’est bien la première fois que je rencontre quelqu’un comme toi, je ne suis pas habitué. En tout cas, c’est très aimable à toi de me conduire jusqu’au palais. »

Ces paroles n’étaient que de la poudre aux yeux, mais tu souhaitais tout de même aborder un sujet un peu plus profond.


« Et toi alors ? Elle est comment ta vie de noble ? » 

Prendrait-il le temps d’y répondre sincèrement ? Ou se jouerait-il de toi comme tu venais de le faire ? 

Encore un singe qui cherchait à imiter les lettrés. Interessant. Or, la voix du sot n’a pas la même profondeur que celle de l’érudit ; nul ne peut prétendre à une position supérieure aux capacités de son âme. Souvent, l’esprit zélé pensait être en mesure de cerner les rouages du Monde. Capable de comprendre les mécanismes millénaires qui ordonnaient la vie. Un rêve éveillé. Une utopie pour les candides. Le propre des ignorants. Des aspirations bien nobles.

La tempérance du fauve lui intimait de faire preuve de pitié pour cette âme esseulée.

Un pauvre homme incapable de connaître sa place en ce monde. Une âme se sentant Thésée, Héraclès ou Persée - en réalité, une victime collatérale d’une Destinée goguenarde. Des colonnes chatouillant la voûte céleste ; un bois vénérable verni. Le parvis de Kyuutei s’imposa à la vision de tout un chacun. L’un de ses spéos qui, de son existence, imposaient son austérité et son caractère impérieux aux visiteurs. Deux fourmis - dont une erreur de la nature - face à l’autel de la Division régente de la capitale.

Nobunaga ne prêta pas d’importance au jeu. Je dois admettre que je n’ai aucune idée quant à votre affectation. L’arlequin préférait se terrer derrière des devinettes et une bassesse intellectuelle exubérante. Confondre androgynat et chevelure fournie ; un handicap cognitif latent. C’est un plaisir partagé. Il est normal de veiller sur ses pairs. Qui l’aurait cru ? Découvrir une nouvelle forme de vie en plein Kyutei. La Panacée jalouserait cette découverte. De noble ? Allons. Je ne suis qu’un simple écuyer aux services de mes maîtres. Une réalité alambiquée. Que comptez-vous faire à présent ? Le palais sous les yeux.

« Roku de l’Ichibantai. Pourrais-je connaitre ton nom ? » 


Alors comme ça cet être n’était qu’un faire-valoir ? Plutôt intéressant dit donc. Avec ses grands airs prétentieux, il avait la même importance que toi au sein de ses quartiers, c’est-à-dire aucune. Cependant, tu cachas la déception qui t’animait toi qui pensais croiser par chance quelqu’un avec une véritable stature. A la place, tu tombas sur cet individu.
 
« Ça va certainement te paraitre indiscret mais je voudrais savoir un truc à ton sujet. Est-ce par choix ou par manque de compétences que tu te contente de ton rôle d’écuyer ? As-tu au moins d’autres aspirations dans la vie, très cher ? » 

Lors de son ultime question tu possédais déjà la réponse, laissant passer plusieurs secondes de réflexion, puis tu jetas ton regard avec le sien avec détermination. Il pouvait enfin lire le sérieux qui sommeillait en toi. Enfin du moins s’il en était capable. 

« La transmission de savoir ne t’intéresse pas ? Ce milieu a l’air d’être difficile d’accès pour les non-initiés, et comme t’as déjà un pied dedans, tu pourrais m’apprendre les rudiments. Qu’en penses-tu ? »

Un Premier-Né souhaitant apprendre les ficelles de l’Ordre Mnémonique, c’était évident que le sous-fifre de la septième n’hésiterait pas à te rire au nez, croyant à une plaisanterie. A cet instant, c’était l’une des rares fois que tu laissas tomber le côté guignol que tu t’étais fixé pour afficher ta réelle personnalité. Après tout, ta soif de connaissances venait forcément d’une des dix divisions, mais laquelle ? La Corneille peut-être ? 

« Penses-tu être à la hauteur de cette tâche ? Si ce n'est pas le cas. Pourrais-tu me conduire près de personnes prêtes à donner quelques leçons »