Il est midi... Non... Disons plutôt qu'il est treize heures. Oui, à une vache près, c'est approximativement l'horaire auquel correspond le premier pas. Quel premier pas ? Celui d'un shinigami bien loin des quartiers de la division où il devrait passer la serpillère, préparer le thé, vérifier le rangement des dossiers, s'entraîner parce que ça lui ferait pas de mal, préparer la boustifaille, repasser la serpillère parce que c'était mal fait la première fois, et puis surtout fermer sa gueule. Ce shinigami loin de son quartier, c'est un troufion de la troisième. Tenshi qu'il s'appelle. Et ce premier pas évoqué plus tôt, c'est sur le terrain du temple Itsukushima. Le sol est un peu sec, en raison de la pluie qui oublie de gracier le lieu de sa présence depuis quelques jours déjà, et, sous les pieds pourtant pas bien lourds du gamin à la deuxième vies, on peut entendre l'enfoncement léger à travers une terre friable, et les herbes sèches comme les tibias d'une grand mère.

Ces pas sont calmes, lents, un peu désordonnés, maladroits, patauds... Le type se déplace sans en prêtant plus d'intention au paysage et à l'apparition de toute trace de vie qu'à sa stature. Le dos un peu recourbé en avant, la tête clairement avancée, un cil plus haut que l'autre, les cheveux ébouriffés, l'uniforme des porteurs de zanpakuto qui, dieux merci, est porté correctement sans oubli de couche ni pli imparfait... Non, on peut facilement le sentir: c'est un petit original, probablement un peu teigne sur les bords, qui débarque. Haut d'un mètre soixante dix, plutôt maigre, et le regard virevoltant d'un bout à l'autre du panorama... Le couillon progresse.

Après quelques minutes, ce shinigami finit par atteindre les planches de bois de ce qui s'apparente, selon lui, en raison de sa taille, à l'édifice principal du temple. Une grande bâtisse plutôt large, parsemée de colonnades, de portes coulissantes, et probablement avec un jardin à en faire pâlir d'envie certains nobles.  Le jeune homme monte sur le sol de bois devant ce qui lui semble être l'entrée principale, et relève la tête, écoutant calmement, et pensant...

[Pas un bruit... je ressens pourtant pas mal d'énergie spirituelle, y'a du monde... Les portes sont fines mais ils sont silencieux... Du coup je fais quoi ? C'est pécher d'entrer dans un temple sans s'annoncer ? Mais je vais pas gueuler devant la porte comme un couillon, j'aurai l'air con, et si ça se trouve je risque d'interrompre une méditation... ]

Le jeune homme reste là, figé face à une grande porte coulissante double. Il ne connaît pas du tout les us et coutumes auxquels il faut se plier quand on pénètre dans un temple. C'est à dire qu'entre les vols et les fuites, il n'a pas bien eu le temps de se consacrer aux bondieuseries de son vivant ! D'un autre côté, il sait qu'actuellement, son grade de sous fifre lui offre autant de droit au respect de ses collègues qu'un trou du cul... Au sens propre. Alors il aimerait bien éviter d'enchaîner les faux pas.

[Bon, c'est décidé ! ]

Le grand con s'avance, sa démarche devient lourde, il a l'air déterminé, il va entrer, et si ça déplait à quelqu'un, tant pis pour sa gueule ! Tenshi arrive face à la porte, pose sa main droite dessus, retire sa main droite, fait demi tour, perd ses bourses, fait trois pas en arrière en se tenant la tête, grommelle...

-Putain quel con, à quoi je pense ?!

A ce stade là, il est bon de préciser une chose... Cette porte face à laquelle Hidenori est... C'est une porte aux carrés de papier fins. Tenshi ne voit rien de l'intérieur, car la luminosité éxtérieure est bien supérieure... En revanche, toute personne dans la pièce dans laquelle Tenshi hésite à rentrer verra bien l'ombre d'un pauvre débile qui fait les cent pas devant la porte, partant pour entrer, puis s'arrêtant, encore et encore, pendant dix secondes, jusqu'à... Se coller à la porte ? Bah oui ! Tenshi colle son oreille à la porte ! Il reste là cinq secondes, avant de se relever, et de grommeler...

-Bordel... Bon, un coup d'œil rapide...

Ce con ne sait pas si il peut entrer ou pas ! Et il sait encore moins qu'il offre un bon spectacle d'ombre au type là dedans ! Si il peut sentir grâce à son aptitude à ressentir l'énergie, qu'il y a de la vie là dedans... Il ne sait pas ce que font les êtres vivants qui sont dans la salle ! Ils pourraient bien prier, copuler, manger un délicieux sashimi, pratiquer l'Hara-kiri, il n'en sait rien ! Alors pour savoir si il peut rentrer ou pas... Technique de voyeur ! Hidenori place ses deux mains sur la porte, et fait touuuut doucement coulisser les portes, afin de les entre ouvrir, à peine assez pour que son œil droit puisse percevoir un peu de lumière là dedans, pour essayer de voir ce qu'ils foutent à l'intérieur, les types de la sixième... Si il y a des types de la sixième déjà. Maintenant, est ce que c'est pécher de faire du voyeurisme dans un temple.... Boarf... Qui ne l'a jamais fait ?

Tenshi, ce pauvre bougre, ne s'attendait pas à la petite surprise du cocasse lieutenant. En vérité, le bougre entre ouvrit à peine la porte, pour commencer à lancer un regard, qu'un cri effroyable, comme sorti d'outre tombe, et puissant comme le rugissement de dix lions vint se faire entendre. Le hurlement du zanpakuto de l'officier... surprit très légèrement Hidenori... Enfin... Si on compte comme une très légère surprise un bond en avant, au travers de la porte, manquant de faire sortir de son cadre la coulissante gauche, secouant le tout, atterrissant dos au sol, dans un grand craquement, à beugler comme un veau qu'on égorge. Le crétin resta là, au sol, immobile, à fixer l'apparition. Tétanisé, dépassé, ça définit assez bien ce qu'était le pauvre sous fifre à cet instant. Puis se fit entendre enfin, la voix de Sora. Hidenori se tourna vivement vers cet homme... Et fondit sur lui ! Il courut vers ce type, la gueule grande ouverte, presque à quatre pattes sur la moitié du chemin, avant de s'interrompre devant le gaillard aux cheveux bleus pour calmement demander...

-C'EST QUOI CE MACHIN ?! JE CROYAIS QU'IL Y AVAIT PAS D'ESPRIT MANGEURS D'ÂMES DANS LES COINS COUVERTS PAR LES SHINIGAMIS ET BORDEL J'AI CRU QUE J'ALLAIS MOURIR !

Ah bah ça... Lui qui ne voulait pas beugler à l'entrée d'un temple... C'est râpé...  Hein ? Quoi ? Ah mais vous croyiez que c'était terminé ? Ah non non ! Il s'arrête de beugler... Et se met à causer jusqu'à s'en étouffer, avec un débit de connerie stupéfiant...

-C'était quoi ce putain de monstre ?! Je suis censé chasser des bestioles comme ça ?! Il venait d'où ?! D'OU ?! Pourquoi je l'ai pas senti venir ?! Je sens venir les gens, même vous, mais il est sorti de nulle part ! Il est apparu trop vite ! Il va me bouffer ?! Je veux pas me faire bouffer ! C'est une mort horrible ! Moi j'étais juste venu pour qu'on m'aide avec mon Asauchi parce que j'en chie à communiquer avec lui je suis pas prêt à me taper un Yokai ! J'suis pas rapide, j'suis pas fort, je sais à peine manier ma lame et lancer des kido d'immobilisation j'ai autant de potentiel agressif qu'un putain de lapin unijambiste ! Sauvez moi la vie !

Ah... Y'a pas à chier, on peut dire maintes conneries dans la panique. L'abrutis, dans son discours, a plié les jambes, arrivant à peine au torse de son interlocuteur, et, si tant est que Sora ne vienne pas lui placer une tarte parce que y'a un moment où il faut calmer le nouveau qui panique, le gamin ira même essayer de prendre les épaules de son supérieur pour le secouer... C'est fou ce qu'on peut faire comme connerie quand on ne prend pas le temps de demander son grade au type avec qui on parle. Et dans tout ça, en plus, il n'a pas répondu à la question du boss ! Il se permet même de lâcher, une fois le calme revenu...

-......Z'êtes qui ?

Parce que quand on est si bien lancé sur l'autoroute de la connerie... CE SERAIT CON de s'arrêter en si bon chemin ! Faut surtout pas hésiter à faire toujours pire ! Toujours moins de neurones ! C'est ainsi qu'on devient un sac à merde aux yeux des supérieurs !

Tenshi, dans sa panique, aura bien dû voir l'autre brun lui gueuler dessus un coup pour enfin fermer sa gueule. Il resta là, à fixer cet individu ayant été visiblement aussi surpris par la terreur du nouveau, que le nouveau par la blague HILARANTE de l'officier ! Haletant, avec le rythme cardiaque encore vif comme un cheval de course, et la sueur à la gueule, Hidenori fixe son interlocuteur, comme un poisson mort.  Et voilà que pas pardon, pas merde, l'étrange farceur se présente sous son nom, et demande au sous fifre d'en faire de même avec un air impatient... Comme si il attendait depuis longtemps ! Ten a juste quoi... Monologué pendant dix minutes ? Prft, quel impatient ! Mais qu'importe. L'abrutis cligne des yeux cinq ou six fois, avant de se redresser en soufflant longuement, et en rétorquant...

-Hidenori Tenshi, du troisième oeil. Je... Je suis venu parce que... Enfin... Je vais avoir l'air con... Et impatient, surtout que je ne suis même pas membre à part entière pour l'heure mais...

Le grand con regarde à droite et à gauche, se gratte la tête, et dit...

-Il... Il paraît que vous êtes plus ou moins les meilleurs du seireitei dans votre division dans tout ce qui concerne l'âme, le contrôle de soi, tout ça tout ça, et comme j'ai une journée libre... Je me suis dit que ce serait pas une perte de temps d'essayer de gratter des conseils et tout ça aux spécialistes. Enfin... Vous voyez quoi ? Disons que... Je suis moyen dans tous les domaines, et je me suis dit que, par exemple, découvrir le nom de mon zanpakuto, ce serait pas mal dans l'optique de ne pas crever en mission.

Expliqua-t-il, comme une fleur. Son calme est enfin retrouvé. L'abrutis relâche un peu ses épaules, respire lentement, et tourne son regard vers le zanpakuto...

-Vous êtes vraiment capable de... De lui donner forme ? Enfin je veux dire... Forme plus ou moins humaine ? Je savais même pas que c'était possible. Alors on ment pas sur vous, hein ? Vous êtes vraiment l'élite du lien spirituel et tous ces trucs ? Moi j'arrive à rien ! Il paraît qu'en méditant ça marche, parfois même ça se fait tout seul en rêve... Mais j'ai jamais rien eu...

Le gaillard se tait alors, et une pensée vient le prendre. Il se remet à papillonner des paupières, lève les yeux au ciel, entre ouvre la gueule avec un air bête; il vient de penser à un truc. Mieux. Il vient de penser qu'il a chié dans la colle ! Le jeunot s'avance alors un peu, et murmure...

-Dites... Je sais que c'est un peu tard mais... Y'a... Y'avait une procédure à suivre avant de venir sur le site ? Non parce que si c'est le cas, je me tire fissa au pas de course avant qu'un officier arrive, 'comprenez ? J'aimerai pas avoir des problèmes.

Tenshi a mille qualités, mille défauts... Je vous laisse deviner dans laquelle de ces deux catégories on peut placer sa chance. Un sous fifre, ou même un simple membre comme ils sont légions, n'aurait sans doutes pas tant perdu patience avec lui. Mais il a fallut que le jeune homme tombe sur un officier. Un officier relativement courtois, sympathique, calme, et diplomate, certes. Mais un officier quand même. Et le pire... C'est que Tenshi est un peu naïf sur les bords, quand il se sent "en confiance"... Ou plutôt devrions nous dire quand il ne se sent pas déjà en danger. Alors ce débile, si son interlocuteur ne s'est pas présenté comme tel, n'aura pas pris la peine de lire entre les lignes pour comprendre à qui il s'adresse. ça, c'est la tuile !

En revanche, même sans lire entre les lignes, ce n'est pas dur de comprendre le message glissé subtilement par Sora lorsqu'il dit qu'il va faire de son mieux pour ne pas casser les dents du petiot avec son propre tibia-s'énerver.... Il a juste dit "s'énerver". Tout va bien... Pas de danger de mort... On suppose. Bon... Manifestement, ça n'allait pas être aussi simple que l'avait suggéré le zig de la troisième. Jusque là, pas de grosse surprise. Même si il a l'air d'un idéaliste débile, Hidenori s'attendait à se prendre un mur sur le côté "facile" de l'objectif de sa venue... Bon ben c'est râpé. Il n'aura pas le nom de son zanpakuto dans une pochette surprise. Mais il fera avec. Maintenant, les autres choses que disent Sora sont un peu plus pénibles à entendre. Déjà, Tenshi comprend très vite qu'il a fâché son interlocuteur, qu'il aurait mieux fait de prévenir, qu'il a chié dans la colle, que sa question était conne sur l'incarnation de l'âme du zanpakuto de son interlocuteur, et qu'il est aussi discret qu'une carpe frétillant sur un parquet grinçant. A tout cela, des excuses semblent s'imposer en premier lieu. Tenshi laisse donc ses lèvres s'étirer, un grand sourire à la gueule entre ouverte s'afficher, un air niais à la gueule, il penche sa tête sur la droite, et envoie...

-Mais du coup... Vous pouvez me conseiller comment améliorer mes liens avec lui ?

Et l'excuse elle est où ? Dans ton cul. Ah non, pas à chier ! Il est à côté de la plaque ce con ! Il se tait pendant deux ou trois secondes, et enchaîne avec...

-Oh, et je cherchais pas à me cacher. En fait, comme je savais pas trop comment entrer dans un temple sans manquer de respect à un dieu ou quoi que ce soit, j'espérais me faire remarquer à l'entrée pour qu'on vienne me chercher... 'fin si les moines du coin sont aussi armés que vous le dites, c'était une belle idée à la con finalement, hein ? Ah ah ! Mh... Ouai j'aurai dû mieux me renseigner avant de venir.

Tenshi a ça de déconcertant. Il n'a aucun sens de bienséance militaire. L'ordre de l'armée invisible est très complexe, très codifié. Les notions de respects, de symboles, et de signes de respects, il a du mal à les capter. Il ne fait pas exprès de mériter des tartes ! Il les mérite vraiment accidentellement. Il ne se rend pas compte qu'il débite autant de conneries à la seconde qu'un américain ne s'envoie de burger dans une vie. Il parle en toute innocence. Il a compris qu'il a gaffé, oui... Mais pour lui c'est des erreurs de bas niveau. Se pointer dans le quartier général d'une autre division à l'improviste et demander des conseils comme une fleur, pour lui, dans le pire des cas, c'est "pas très courtois". Il ne se rend pas compte d'à quel point il fait branleur de l'année en face de son aîné...

-...Oh, et enchanté au fait.

Parce que quitte à être à côté de la plaque, ce serait CON de le faire à moitié !