Pour le troisième déplacement professionnel hors des bases de la Sixième division, c’était à Kyuutei que tu te trouvais à présent, territoire que tu connaissais parfaitement. Ayant anciennement officier pour cette division, cela te rendait nostalgique à chaque fois que tu retournais à l’endroit qui t’avais façonné. 

Mais bon, les souvenirs mis de côté, tu étais là avant tout pour une raison précise et tu comptais l’accomplir jusqu’au bout.  Sur ta liste, il restait le nom de Fenihara et d’un autre shinigami. Le premier nom ne t’était pas totalement inconnu, certes, l’occasion de collaborer avec elle,  ne  s’était pas présentée par le passé. En ce jour,  tu allais y remédier.

Par où commencer ? Son domicile ou directement dans ses bureaux ? Essayons d’abord de voir si la jeune femme se trouvait dans ses appartements. Dans tous les cas, il était hors de question de quitter les lieux sans lui avoir touché deux mots. 

Toc toc toc. 

Aucune certitude que celle-ci se trouvait à l’intérieur. 

« Kaiin Fenihara, ici le Joukan de la Sixième division, Kichi Yûgo. Ouvrez s’il vous plaît. » Aucune menace dans le timbre de voix. 

A vrai dire, même sans être sévère, tu gardais une certaine rigidité lorsque tu t’exprimais, un signe notable sur l’éducation reçue. Contrairement aux précédentes personnes à qui tu es allé rendre visite, tu attendais davantage de la Mnémonique. Après tout, faire partie de l’Ordre relevait d’une énorme responsabilité, c’est-à-dire, être les dignes messages des Pères Fondateurs. 

Fenihara Rina était-elle digne d’être de cette division ? N’ayant pour le moment aucun à priori sur elle, que ce soit négatif ou positif, en juger par toi-même était la meilleure solution pour te faire une idée sur la personne. Au moindre mot de travers, à la moindre incartade, tu n’allais pas la louper. Paroles de Kichi. 

Après quelques instants d’attente, la porte s’ouvrit et tu pus pour la première fois mettre un visage sur ce nom. 

« Mes excuses pour cette visite impromptue. Auriez-vous un peu de temps à m’accorder ? » 

Sous cet air souriant, cette demande n’en était pas une, mais plutôt une exigence déguisée. Selon ta vision des choses, la shinigami devait se mettre à disposition face à un supérieur hiérarchique et cela peu importe sa provenance. 

Tu attendais désormais la réponse de la concernée. 

Spoiler:

Impossible de dormir ce soir-là, toute la nuit je n’eus fais que tourner dans ma couchette, soupirant et râlant sur tout ce qui venait de se passer la veille. Kara de retour, une humaine capable de surpasser un shinigami au combat, le groupe qu’elle avait rejoints pour acquérir une telle puissance. Comment diable pouvions-nous espérer la rattraper si elle s’était défaite aussi facilement de Shaporo ? La courbe de progression était immense, mon frère avait pris de l’avance mais même à nous deux je n’étais pas certaine que cela suffise. Surtout si lui arrivait aussi aisément à me surpasser. J’étais en retard, toujours en retard, comme cette fameuse nuit où tout avait basculé. Si j’étais arrivée à temps Kara n’aurait pas exécuter toute notre famille, si j’étais arrivée à temps rien de tout cela ne se serait passé …
Mon regard pivota sur le long sabre couché contre le mur. Il y avait cela aussi. Voilà bien un domaine où je surpassais mon petit frère. Lui n’était pas arrivé à un tel niveau de fusion et d’union avec l’esprit qui habitait nos armes. J’ignorais d’ailleurs totalement pourquoi Asshusuraisu s’était aussi aisément ouvert à moi, pourquoi est-ce que nous nous comprenions aussi bien là où tant d’autres ne parvenaient même pas à entendre le nom de leur sabre. Mais c’était insuffisant. Avec lui j’avais la puissance, il me manquait encore la vitesse et la technique …
Pourquoi Kara ? Pourquoi ? Une famille est censé être unie, pourquoi cet acharnement ?
Une irruption dans la chambre interrompit mes pensées. Quelqu’un frappait à la porte. Si tôt ? le soleil venait tout juste de se lever, qui cela pouvait-il bien être ? Une voix masculine retentit. Un gradé de la division ? Bon sang quelle connerie j’avais bien pu faire encore ?



Je m’extirpais rapidement mais difficilement du lit par une roulade maladroite. Le petit orteil percuta de plein fouet l’angle de la table basse je hurlai en silence cette soudaine douleur atroce. Au moins elle avait eu le mérite de me sortir totalement de ma léthargie. Les insultes fusaient dans ma tête, promettant devant les cieux un destin funeste pour ce mobilier pourtant innocent.
Non sans mal je rejoignis la porte, réajustai ma tenue du mieux possible afin de ne pas aggraver mon cas par l’exposition d’une poitrine sauvagement dénudée ni une crinière rousse trop en pagaille. Puis j’ouvris. Le cache-œil était resté au bord du lit, tant pis. J’étais borgne ce n’était un secret pour personne ici.



Me décalant pour le laisser passer, je refermai derrière lui après une observation du personnage de la tête aux pieds. Un homme grand, musclé, barbu et borgne lui aussi. Cela nous faisait déjà un point commun.



Les orteils du pieds droit recroquevillés sur eux-mêmes tandis que le gauche tentait vainement de les dissimuler, je faisais mon possible pour cacher la douleur et donner une image forte au dénommé Kichi Yugo. Bon sang comme je devais être ridicule. Cela dit j’étais curieuse d’apprendre la raison de sa venue.