Kyuutei. Enraciné en plein Edo Inversé, ce temple austère à l’allure sévère humiliait, de sa stature imposante, les âmes n’appartenant pas à l’aristocratie derrière ses murs. Un rappel pour le Nihon entier ; tous devaient ployer le genou face à l’Ordre, l’enfant du Concile Blanc.

Les portes de la demeure se refermaient sur le public chassé avec politesse. Les récents heurts embrasant les contrées septentrionales ballottaient avec vigueur la hiérarchie. Les membres de l’Ordre Mnémonique disposaient d’un droit de regard sur les situations connexes au royaume d’Edo. Un faire-part tantôt écrit, tantôt diffusé par les envolées de papillons infernaux, chut dans les foyers des principaux concernés. Une réunion dans les profondeurs de l’édifice séculaire.  

Une salle réservée à la délégation de nobliaux attendait leur venue. Un microcosme à part entière, mettant en exergue la démesure et l’opulence d’une Division raillée pour son arrogance manifeste L’astre solaire irradiait les vitraux de la pièce aussi longue que large. Diverses sculptures, charnues, trônaient çà et là, séjournant au côté de peintures raffinées et de tapisseries parées d’or.

Parmi l'assemblée aux atours magnifiés, Nobunaga Hideyoshi se positionnait en retrait. Les mondanités de ce bas-monde ne l'intéressaient guère et, s’il pouvait, le fauve ne se serait pas gêné pour excuser sa présence. Malheureusement, ses obligations le poussaient à alarmer ces mécènes de la récente frappe d’un Suzaku dans la province de Tōhoku.

Princesse héritière de la famille Kô, prestance d'une Impératrice vertueuse à l'image et l'honneur immaculés, attisant l'admiration silencieuse de la plèbe posée devant la bâtisse pour ne se contenter que d'un simple geste lancé par miséricorde. Une image dédaigneuse mais courtoise d'une famille qui ne laisse jamais le moindre faux s'immiscer dans sa marche triomphale. Higanbana porte le poids de cet héritage, suivant de prêt son paternel, le Lieutenant Kô Yamamoto, prestigieux être spirituel approchant la fin de son éternelle existence.

Le monde semble s'affoler dans un brouhaha que seules les âmes de la haute savent interpréter entre confusion, intrigue et complot. Des chuchotements discrets, des regards qui jaugent les communs membres de cette division aux allures divines, d'un juste équilibre entre le bien et le mal, à la justice équitable et irréfutable, comme-ci l'accoutrement valait la qualité d'un soldat - et cette hypocrisie bouffe les esprits, ronge et aveugle l'essentiel de ces entrevues. Pourtant, le calme semble s'imposer là où la chaleur du soleil s'attise avec la beauté des vitraux qui composent cette pièce d'une grandeur insaisissable.

Et voilà que la princesse héritière s'accoutume et se disperse parmi les nombreux membres de la divisions, ne laissant apparaître que la lueur de ses pupilles carmines et la froideur de sa chevelure ivoirine dans sa quête d'un lieu isolée, loin des regards insistants sur sa prestigieuse lignée. Flou et lasse le coup d'œil qui tente de déceler chaque âme dans cette pièce, à la recherche de connaissances pouvant lui permettre de faire faux bond à son patriarche. Une réunion d'envergues, loin des convenances nobles habituelles… Voilà qui t'amène à ton rang d'officier et non de future matriarche. Un peu de paix, sous couverts de bien des ennuis.

Il y avait un brouhaha terrible. Marchant comme un damné voué à l’échafaut, je croyais soulever mes pas difficilement, mais il n’en était rien. C’était juste le coeur le lourd, que je rejoignais l’incessant cortège des autres membres du Nanabantai. La longue file gravissait les hautes marches qui menaient à cet édifice splendide dont nous admirions la splendeur au Seiretei. L’appel à une réunion d’urgence avait été lancé depuis peu. Et à vrai dire, l’angoisse s’était emparée de moi.

J’allais sur place le coeur lourd de confidences, car une terrible divergence idéologique menaçait l’équilibre du monde des âmes que le Concile Blanc s’efforçait de maintenir en ordre avec le concours de la Septième Division. Je n’avais pas perdu une seule miette de mes retrouvailles récentes avec Haku, et mon esprit ne s’en était pas moins retrouvé toujours troublé et incertain. Qui avait raison et qui avait tort dans le futur conflit qui s’annonçait d’après mon fils ? J’espérais avoir de nouvelles réponses aujourd’hui. Tout le monde se massa dans la grande salle de réunion, aux vitraux somptueux, à la décoration rutilante et digne du rang de l’Ordre Mnémonique. Et puis j’aperçus quelques officiers, en particulier Kô Higanbana. Je sentis ma respiration s’accélérer. Tout allait bientôt commencer.

Une cacophonie harassante. Les nobliaux se comportaient à l’image de bambins ; jacassant et médisant sur leurs homologues. Une piètre image de la Division au centre de l’Univers de la Soul Society. Le gros des âmes présent - d’autres étant sur le point d’arrivée - le fauve quitta sa position reculée pour se positionner au centre de la pièce. Peu prêtaient attention à son arrivée. Mesdames et messieurs, si nous sommes réu-... Une minorité tendait l’oreille, le reste continuait d’alimenter le brouhaha.

SILENCE ! Le bestial rugit et les langues se turent. Si vous avez été convié ici, ce n’est pas pour continuer d’alimenter vos simagrées hypocrites et vides de sens. Le poing serré, l’écuyer imposait sa parole. Un Suzaku a ravagé la province de Mutsu, dans la région de Tohoku. Un Boucher affin aux flammes, à la roche et au magma. Un troisième cercle qui modèle son environnement selon ses desseins. La forêt est perdue. Le Kaiin jeta au sol le rapport, le regard courroucé par tant d’égoïsme. Ce n’est pas tout. Une armée le suit. Un fait que nous n’avions pas revu depuis des générations maintenant. Le timbre de sa voix redescendit, l'attention de l’assemblée captée.

L’assaut succédait l’apparition d’une faille. Une faille artificielle, créée par la main d’un Shinigami, semblerait-il. C’est ce que pense le principal intéressé. Kanzetsu Shikai, Kaiin des Marche-Failles. Selon lui, une Voix s’est saisie de sa conscience, en dehors du Dangai et a ouvert une faille. Je ne saurai dire avec exactitude si tous ces faits sont avérés. Mais plusieurs Shinigami ont réussi à fuir, leur Zanpakuto brisé. Celui du Marche-Faille se trouve, en ce moment-même, derrière les murs d'albâtres de San’in.

Il est temps pour l’Ordre Mnémonique de redorer ses lettres de noblesse. Brisons cette léthargie qui nous saisit tous. Gardons les mondanités pour plus tard. Il est temps d’agir, sans action initiée par le Fleuron du Seireitei, notre monde est en perdition. Les yokai s’amassent en légions et gagnent du territoire sur nous. La fin du sermon. Le héraut laissa la parole à ses congénères voulant débattre du sujet ou apporter d’autres informations pertinentes. Son tour de force ne serait pas aux goûts de tout le monde, mais parfois, il fallait une unique voix pour unir un conglomérat d’âmes antagonistes.

Nés du sang, ressuscités des cendres. Humains insignifiants perdurant un cycle qui se répète, sans cesse, pour ne jamais trouver fin - ôtant l'ivresse de l'éphémère, de la beauté de l'instant qui ne se vivra qu'une fois. Voilà une condition regrettable et regretté par notre douce colombe, attirée par ce qui peut éprouver ses passions endormies. C'est curieusement qu'elle se penche sur ses âmes rétablies parmi les divins, par la beauté de l'énergie spirituelle qui compose leurs êtres instables, imparfaits. Une volonté de les réparer, les briser, et recommencer. Et pourtant… Voilà que l'un d'entre eux, de tous ceux présents ici, ayant conquis son attention, prends la parole dans un fracas resplendissant. Les chiens aboient plus que forts qu'ils ne mordent.

Le paria sermonne les hauts dignitaires, voilà un schéma qui se répète : la haine des nobles, la répugnance de la plèbe. Epuisant. Il n'y a rien de plus ingrat qu'une naissance, personne ne choisit son statut ou sa condition, personne ne nait égal à un autre, personne - mais chacun s'en plaint à celui qui vivra une meilleure condition. C'est d'une lâcheté méprisable. Un soupire, voilà que la belle s'avance parmi tous ces corps inertes, encore choqué d'une telle prise de parole. Face à lui, à ses pieds les rapports, un sourire, l'impératrice relève doucement sa robe à ses cuisses pour se baisser sans déchirer le couteux tissu qui orne son corps. Aussitôt en main, la belle se relève, fait un signe de main pour inviter la foule à continuer un instant dans son silence mortuaire. Un autre sourire. Pourquoi ce fameux Kanzetsu Shikai n'a pas reçu de convocation pour répondre aux question du tribunal ? Qui s'est permis de le prendre en martyr et non en potentiel coupable d'une aggravation de la situation ? Le courage n'est pas là l'excuse d'un comportement suicidaire mettant en danger ses compagnons, car ui, selon le rapport, les actions de ce fameux héros sont alarmantes d'incohérences et mauvais choix.

La foule semble chuchoter de nouveau, comme-ci un pavé dans la marre venait d'être à nouveau lancé.  J'aimerai que chacun d'entre eux soient convoqués afin de répondre à nos questions et se plient à un jugement martial, qu'en dites-vous ? Chaque chose en son temps, il me semble. Voilà une facette des plus justes chez la noble Kô ; il y a des peines pour tout crime et cela commence par ceux n'ayant pas pris toutes les dispositions pour contrer un mal qui gangrène peu à peu cet univers. Quelles sont les consignes qui ont été donné par la suite à nos compères d'autres divisions concernant l'apparition de ces yokais ? Nous devrions imposer la prudence et l'analyse plutôt que le combat rapproché. Nous nécessitons davantage d'informations. Un instant, une pause dans ces consignes qui sont plus de l'ordre que du conseil. Les pupilles d'un carmin sanguinolant se posent à présent sur celles du brave qui eut le courage de faire taire une assemblée dissipée. D'autres propositions ? Tour de force réussit pour celui qui attise tous les regards indiscrets et méprisants de la foule.

La grande assemblée de la noblesse du Seireitei calma ses ardeurs lorsqu’un Kaain, prit place au centre de la pièce pour s’emparer de la parole. Il était singulier qu’un simple membre puisse ainsi imposer le silence avec autant d’aise. Peut-être était-il promis à un formidable destin au sein du Nanabantai. La providence souriait aux audacieux, dans la Septième. En tout cas, le héraut nous délivra les dernières nouvelles, et les raisons exactes de la tenue d’un synode pareil. Je restai muet, comme mes congénères, à écouter le récit de celui que je reconnaissais : Nobunaga Hideyoshi, avec qui j’avais vécu quelques mésaventures du côté de Kôshinetsu avec d’autres shinigamis … Un vrai guerrier, dont je ne soupçonnais pas une telle aise pour les discours.

En tout cas, il se déroulait des choses bien singulières … Cette histoire de calamité, incarnée par un Yôkai de Troisième Cercle qui commandait une horde de démons motivés à embraser la Soul Society … J’étais soucieux. Mes histoires avec Haku, et mon désir de retrouver ma dulcinée s’en retrouvaient naturellement reléguées au second plan. La situation du Seireitei était aussi urgente que inédite, visiblement. Sur le fond, j’étais entièrement d’accord avec mon camarade : il fallait mettre fin à l’immobilisme latent de notre division et passer à l’action, sous peine de voir s’effondrer toute notre crédibilité au sein du Seireitei, et aux yeux des autres divisions.

Là où Hideyoshi prônait l’action, l’Officier Kô Higanbana proposa une homélie bien plus respectueuse de la légendaire tradition administrative poussiéreuse de l’Ordre Mnémonique. C’est à coup de tribunaux, de jugements martiaux, de patience, de prudence, d’analyse et je sais quoi encore que l’Officier recommanda une nouvelle fois l’inaction dans l’immédiat. Je soupirai tandis que la plupart des Kaains semblaient ravis par la proposition : elle était conforme à ce tout ce qu’incarnait la division. Les recommandations de la Dame sonnaient comme des prises de décision à mes oreilles. Je saisis l’opportunité pour m’exprimer à mon tour. Je m’étais au préalable versé du thé dans un de mes gobelets de bois que je me trimbalait partout où j’allais. Un thé de fabrication artisanal, transporté avec soin dans une théière plutôt solide par mes soins. C’est avec le breuvage en main que je parlai, afin d’exposer pas mal de choses.



Je bus deux ou trois gorgées de thé. Sur cepoint-là, j’avais exprimé mon point de vue, et il ne restait plus à parler du problème épineux qui m’avait poussé à m’adresser à toute la division.

Face à l’acrimonie ambiante, la progéniture prodigieuse du Concile Blanc devait se réunir. Une nécessité impériale transcendant toutes les problématiques causées par les désolations ébranlant le refuge des âmes. A la lumière du temps suspendu par la puissante régence, Analyse et observation prévalent sur l’action aveugle guidée par les instincts les plus repoussants. Proue d’un théâtre de figuration affligeant, l’Ordre s’active dans l’ombre du monde inversé, cloisonnant ses membres les plus importants à l’abri des regards accusateurs.

Caractérisé par le silence, ton être s’abreuve des paroles de tes homologues. Tes mains apposées sur ta lourde blessure se contractent à l’instar de ton visage. Certaines paroles te dérangent, mais les affres de ton affrontement passé nouent ta gorge. L’apanage des discussions ambient t’offre une opportunité que tu saisis. Ton corps cacochyme doit se sustenter d’un apport médicamenteux pour que tu regagnes calme et sérénité avant d’apporter les admonestations nécessaires face aux billevesées que ton oreille attentive capte.

— Nous ne sommes qu’aux prémices de notre réunion et voilà que le chaos s'immisce déjà dans celle-ci.

Un soupir comme entracte, les mots ne s’arrêtèrent pas.

— Je vous remercie pour votre intervention, Kaiin Migiwa. Cependant, pour le bien de notre entrevue, ce que nous incarnons doit être dilué dans nos discours. L’ordre doit prévaloir dans nos prises de paroles si nous voulons être le plus efficace possible. Abordons les sujets un à un pour ne pas se disperser. Je vous rassure, Kaiin Migiwa, nous reviendrons sur le sujet du Troisième Oeil, j’ai moi-même des choses à apporter à l’assemblée.

Les afflictions s’éveillèrent à l’entente de l’appel dissimulée que tu leur adresses. Faisant passer ton rapport sur la situation à tes semblables, tu continues malgré tout, concentrant ton attention sur ton lieutenant.

— Je me permets de rebondir sur vos propos, Fukutaicho Koshiro-dono. J’ai ici avec moi le rapport d’un Joukan de la cinquième que j’ai personnellement interrogé. Il fut l’un des Shinigami arrivant dans un second temps dans la province de Mutsu pour combattre la menace incandescente. Je ne peux me prononcer sur cette fameuse faille, mais le témoignage de l'officier corrobore les propos amenés à la tablée par le Kaiin Hideyoshi concernant l’armée suivant la désolation de Troisième Cercle. Libre à vous, très chers semblables, de croire ou non un officier d’une autre division, mais je tiens à vous rappeler que l'Étoile du Nihon est réputée pour sa droiture, son honneur et son honnêteté. Nous sommes loin des simples divagations d’un Marche-Failles, d’où mon entrevue avec le Joukan Owari et la rédaction d’un rapport complet transmis directement au Concile Blanc.

Promptement, l’intégralité de ton globe oculaire se tourne vers le jeune membre de la tablée.

— Je tiens donc à vous rassurer, Kaiin Hideyoshi, l’ensemble de l’Ordre n'est pas aussi léthargique que vous le laissez entendre. Les principales causes de cet échec aux lourdes conséquences ont été identifiées et remontées au Concile qui se chargera d’émettre des plans pour pallier la faiblesse d’intervention que les différentes divisions ont démontrée. Néanmoins, comme vous pouvez le lire à la fin du rapport, un présage bien plus funeste semble émerger de toute cette anarchie. Je vous rejoins sur le fait que nous devons initier les rouages d’une coopération rapide et efficace pour anticiper au mieux ce qui dort dans l’ombre.

La prochaine personne à accaparer ton attention n'est autre que la princesse Higanbana. Ta position en tant que gérant de la justice imposait une réponse ciblée aux demandes de l’officier à la chevelure argentée.

— Joukan Higanbana. J’irai personnellement interroger ce fameux Kansetsu Shikai en tant qu’Officier de la Justice afin que lumière soit faite sur cette sombre histoire.

Ton corps se courba légèrement en guise de respect avant de reprendre un posture plus droite et bien plus sérieuse.

— Un autre point. Prendre les armes dans une situation aussi nébuleuse reviendrait à calquer l’intervention des Shinigamis aux corps hâves et aux Zanpakutô brisés. Nous devons prôner la réflexion, la patience et l’analyse. Décortiquer, observer et traiter les données pour en émerger des informations décisives. Ce n’est qu’une fois cette étape faite que le glaive pourfendeur du Seireitei et de notre Ordre pourra sortir de son fourreau, pas avant. Je vous rappelle que nous sommes, avant tout, les hérauts de l’autorité, garants et scribes de l’Histoire. Les dépositaires de la connaissance, en somme. Si votre soif de combat ne peut être réfréné avant que les informations nécessaires atteignent notre Ordre, une remise en question s’impose.

Il n'y a rien de plus répugnant qu'un être doté d'un minimum d'intelligence dans l'incapacité d'user correctement de ses cellules grises, volontairement. C'est comme le concept de l'erreur : on se trompe une fois, la deuxième devient un choix conscient - et les shinigamis, tous aussi divins soient-ils, ne sont pas exclus de cette équation. Et ces gens là, ont décidé de manquer d'intelligence. L'appât de la gloire, du pouvoir, de la puissance, on leur faire croire que l'utopie devient factuelle, concrète, sensée et ils mangent dans la main de celui qui lance les graines d'un échec irréfutable. Et ça te dégoûte.

Avant d'aller plus loin dans cette entrevue d'un autre monde, d'un autre temps, il est l'heure d'aborder les quelques règles basiques du respect et de la hiérarchie. Pause. Un long soupire, celui agacé. Un geste du paternel - et Lieutenant - te permettant d'intervenir en son nom - car oui, noble et future matriarche, mais ici, tu es son second. Kaiin Migiwa. Un regard. Kaiin Nobunaga. Un dernier, à l'encontre des noms cités. Et tous ceux se sentant concernés par la prise d'arme de la part de l'Ordre Mnémonique, auront dès demain matin une lettre de recommandation sur mon bureau pour la première division. Un temps de pause, afin d'alerter tout le monde sur les conséquences des paroles que l'on prononce sans user de sa raison et son bon sens. Nous sommes ici en terme d'armée, de soldats, répondant à un ordre hiérarchique spécifique auquel personne ne peut déroger. Et dans ce sens, l'Ordre se pose comme un exemple qui se doit d'être irréprochable et ces têtes brûlées semblent s'égarer clairement dans leur quête personnelle au sein de la division. Soldats mais politiciens, porteurs de la foi et de la conservation des mœurs , nous ne sommes pas là pour mourir au front comme de la vulgaire chair à canon. Vous êtes ici en tant qu'hommes penseurs, garants du savoir et de l'histoire du Sereitei, les petites mains scribes d'un Concile Blanc qui se repose sur notre esprit sain et réfléchi pour assoir son autorité suprême. Et le ton devient plus ferme. La prochaine intervention de votre part, qui reviendra à manquer clairement à vos devoirs de membres de l'Ordre - les points cités plus tôt - aura pour répercussion de vous consigner au coin, vous laissent le temps à la réflexion. Insolente que tu es, le manquement aux principes de la division bouscule très clairement ton calme.  Je répète, demain matin sur mon bureau, votre lettre de recommandation comme recrues capables d'érudition mais davantage portées sur le suicide collectif. Ceci étant fait.

La gangrène commence là où l'amertume naît - et pour la faire taire, à jamais, il vaut mieux tuer l'égo d'un homme, ses idéaux, sa passion, afin qu'il cède et se ravise, ne pouvant ainsi pas alimenter la  rancœur invasive qui s'impose dans son cœur. Il y a des règles absolues dans la vie : vouloir c'est pouvoir, si ils ne sont pas à ta place, alors ils n'ont pas à y être. Kaiin Aizome Un regard. Il semble que votre audition vous fait défaut : le Lieutenant Kichi a été clair. Un regard échangé avec le Lieutenant, puis ton père et tu reprends. Le Concile Blanc, et donc la Capitale ne tolère en aucun cas les conflits internes entre Shinigamis. Patrouiller serait un affront pour les divisions, nous devons nous montrer bien plus intelligents et raffinés. Imposer un dialogue me paraît plus sain, faire preuve d'une honnêteté dissimulée de nos intentions profondes - et nécessaire au bien être du Sereitei. Car oui, malheureusement, la bienséance, le bien commun, l'image, c'est un concept de politique, un rôle que joue la septième division, que ces hommes semblent oublier. Commencer par rappeler le rôle de chacun serait une bonne chose ? En effet Kaiin Aizome, et vous semblez comme vos confrères oublier la notre - et la vôtre. Un sourire, des plus sincères, car loin de toi l'hypocrisie mais simplement le bonheur de lui annoncer, à lui aussi,  son destin prochain. Comme pour les autres, une lettre de recommandation pour la troisième division, vous qui semblez vouloir vous mêler des affaires intérieures, sera posée sur mon bureau demain matin... Haussement d'épaules, un dernier regard. Enfin bien sûr, ce n'est qu'une proposition et la seule que je vous fais à tous ici, car la prochaine fois… Vous quittez définitivement la division et serez, en conséquence, dégradé.  La foule s'éteint, stoïque, sensible à la tension imposée. Respectez notre hiérarchie, pour le reste notre Officier Ryuzoji a clairement explicité ce qu'il en est et je vous conseille d'écouter attentivement ses propos. Et bien que cela puisse passer pour une mise au point longue et douloureuse - pour certains - c'est avant tout une nécessité pour chacun de connaître sa place ; car manquer à ses devoirs, renoncer à sa place pour prétendre à celle qui n'est nôtre, c'est le début de l'anarchie.

Et pour reprendre sur le sujet principal. Pour les âmes plaintives en quête des morceaux brisés de leur égo et leur utopie faussement dirigée seront priés de rejoindre mon bureau, pour que je puisse leur offrir des mouchoirs en tissus afin d'essuyer leurs larmes. Débat clos. Officier Ryuzoji, j'ai entendu parler d'un certain Amatsu Tensai ayant aussi participer à ce combat et les retours faits ne semblent pas être en accord avec les propos évoqués par ce Kanzetsu. Information que je me suis gardée de partager jusque là car j'insiste pour que l'on traite chacun des participants comme de potentiels coupables. Quelque chose de grave s'est déroulée et il est de notre devoir d'en connaitre les tenants et aboutissants afin de renseigner au mieux le Concile. A vrai dire, chacun d'eux aura sa propose version mais il est nécessaire d'en évoquer l'essentiel et de se préparer pour le reste. C'est le devoir de l'Ordre, de consigner l'histoire, de relater les faits et d'être en capacité d'apprendre des erreurs pour ne plus jamais les reproduire. Nous profiterons de leur remise de zanpakutos pour affirmer les versions de chacun et nous renseigner davantage. Qu'en pensez-vous ? Et voilà que ton long discours ce clos ici.

Les différents intervenants se succédaient, et parmi eux, l’officier Ryuzoji Genichiro. D’autres Kaiins de la division apportèrent tour à tour leur pierre à l’édifice que nous mettions en place. Et cet édifice n’était autre que la ligne de conduite que devait suivre l’Ordre. Ce fut un autre Kaiin qui parla après moi : ce dernier suspectant une éventuelle corrélation entre l’arrivée de ce Yôkai de Troisième Cercle et le Sanbantai. Peut probable, la division de Haku n’avait pas les moyens d’une telle entreprise. Je buvais mon thé lentement, écoutant le discours du Joukan Ryuzoji. Le shinigami avait raison : nous devions progresser sujets par sujets dans notre discussion, et nous reprendrions le thème épineux du Troisième Oeil par la suite. J’approuvai et abaissai respectueusement la tête en signe d’accord. Ryuzoji certifia la fiabilité des rapports parvenus jusqu’au Concile Blanc et le professionnalisme de la Cinquième Division. Fort bien, voilà des paroles sensées. Il était essentiel de ne pas entretenir de rapports trop suspicieux à l’égard des autres divisions. Cela ne ferait que nous affaiblir. Notre position devait imposer une certaine conciliance. Puis il relativisa l’idée d’interventionnisme trop précipité de notre part, vis à vis du Troisième Cercle, de son armée, et de la mystérieuse faille qui était apparue. Ensuite, un étrange membre au masque de tengu se manifesta. Un énergumène étonnant, mais fort de ressources, me semblait-il. Son discours m’inquiéta. Encore du ressentiment de la méfiance à l’égard de potentiels alliés … Une démarche dangereuse. Puis, Kô Higanbana ne se ménagea guère pour sa harangue.

Prenant expressément Nobunaga Hideyoshi et moi-même à partie, les reproches plurent. Lettre de recommandation pour la Première Division ? Dégradation ? Quelle était cette attitude tout au plus digne d’une fillette colérique ? Quelle différence de ton entre le Joukan Ryuzoji et la Joukan Kô ! Ecoutant ses remontrances peu supportables, je continuai de boire mon gobelet de thé, sans la quitter des yeux, et dissimulant mon agacement. Je ne tenais pas à être limogé si tôt. Le Kaiin au masque, Aizome, fut la cible suivante. Comme pour moi et Nobunaga, il ne put se dérober aux moqueries discrètes de l’assemblée de l’Ordre. Nous devenions, le temps de quelques minutes, l’attraction de la réunion. Cette gorgone de Kô n’en démordait pas : de nouveau elle prit plaisir à rappeler un dépôt de lettre de recommandation sur son bureau. Drôlement fière de son bureau celle-là, notai-je. Et grandement immature pour rabaisser ainsi des Kaiins de sa propre division. Mais compréhensible. La femelle n’avait pas entièrement tort, nos propositions allaient à contre-courant de ce qu’accomplissait le Nananabatai. Quant à son attitude dédaigneuse, elle était due à son rang noble, il n’y avait aucun doute. En tout cas, il fallait désormais veiller à ne plus prononcer de paroles de travers pour le reste de cette réunion. L’engueulade finie, je me contentai de dire :



Une courbette en avant et trois pas en arrière, je rentrai dans le rang, maudissant les mauvais mots que Sa Majesté avait craché précédemment. Ma réponse ironique pouvait déplaire, mais elle était libre d’interprétation. Mener l’offensive n’était clairement pas dans les plans des pontes ni au sein de la majorité des membres de la division, cela sautait aux yeux. Observation, rapports, bureaucratie poussiéreuse seraient alors nos principaux atouts contre une menace hors-normes. Il fallut que je m’y résignasse. Hors de question d’aller à l’encontre de la volonté du Nanabantai. Mes opinions divergeaient, mais ma fidélité était sans failles. Et puis seule la sécurité du Concile Blanc m’importait. La perfide duchesse continua son discours, alors que je me perdais dans mes pensées. Seul le sujet de la Troisième Division m’intéressait pour l’instant, et j’attendais qu’il resurgît afin de voir ce qui allait se décider.

Une tirade des plus mièvre qui soit. L’ivoirine offrit - de son plein gré - une fenêtre pour l’atteindre et balayer son semblant d’autorité impériale. Si Migiwa courbait l’échine, le fauve lui braverait ces accusations infondées.

Hideyoshi troqua ses atours de bestial au profit de ceux d’un espiègle orateur.

Un ton calme. Des mimiques faciales polies, la suite transpirait la sincérité. Très belle intervention. Presque parfaite… Hélas, je crains de devoir vous décevoir. Il n’a jamais été question de prendre les armes. Ne tombons pas dans la conjecture ou dans d'hâtives conclusions. Lui, ne se considérait pas comme sot. Que dire des autres ? Il devait s’abstenir de peur de voir quelques demoiselles gâtées finir les yeux rougeoyants de larmes. Si l’Ordre doit agir, c’est bien entendu au travers de sa fonction primaire. Jouer son rôle de héraut et réaffirmer sa position centrale au sein de la Soul Society. Mais n’ayez crainte, en tant que principal sujet de cette vitupération indiscrète, je vous excuse pour cet amalgame. Voyez le bon côté des choses, vous n’aurez pas à perdre du temps en écriture inutile. Une légère révérence, le félin n’en avait pas fini pour autant.

Je vous exhorte, dans le respect qui incombe à votre position, Ironie quand tu nous tiens ; il réprima un sourir derrière sa façade aussi froide que respectueuse. de vous rappeler votre rôle de veilleur du flux des âmes. Évitons des coups d’éclats arbitraires qui pourraient fragiliser la renommée d’une personne, d’une fonction ou d’une famille devant l’Assemblée ici réunie. Sans attendre, son bras alla pointer l’Officier adéquat pour paraphraser cette mise en garde.

Notre société militaire repose sur une hiérarchie claire, mais avant tout sur des règles et des lois bien définies qui ne peuvent être violées impunément. Ainsi, laissons plutôt à sieur Genichiro, ici présent, le contrôle de la légalité de nos ébats en tant que seul représentant de la Justice. Comme vous l’avez si bien résumé dans votre kyrielle, tout élément de l’Ordre se doit de rester à sa place et de respecter ses fonctions pour que les moutons soient bien gardés. Une manière éloquente, voire détournée, de recadrer ce faux problème pointé, tout en gommant l’anathème injustifié.

La réplique quant à son ego supposément brisé tomba dans l’oreille d’un sourd ; un coup dans l’eau. Le Nobunaga, en raison des propos rapportés par Ryuozi, n’eut rien à corroborer de plus. Ensemble, de manière volontaire ou non, ils avaient balayé sans mal les propos du Fukutaicho Kichi doutant de la véracité des faits. Une certaine minorité pouvait même dire que le Lieutenant fit une erreur et, quelle pire erreur que de montrer ses faiblesses à une assemblée de requins affamés ? Car certes, les Shinigami ont de tout temps combattu les yokai, mais suite à la perte des plus puissants soldats du Concile Blanc, que dire de la réussite de cet ersatz de Goteijutai face à une menace d’ampleur ou face à la résurgence du mal de la Journée Sanglante ? Dire qu’un pain au chocolat coûtait 15 centimes serait du pareil au même - mais cette remarque restera terrée en son for intérieur.

Une gorgée de thé succède à tes propos déshydratant ta gorge. Ton intervention assez longue demeurait nécessaire pour recadrer la réunion tant sur le fond que sur la forme. Une prise de parole calme, sereine portant des valeurs bienveillantes pour le bien de la tablée. La réunion des officiers présidée par le Joukan Owari te sert parfaitement d’exemple pour identifier les erreurs et éviter leur reproduction. Chaque sujet devait être traité un à un pour éviter une fuite des cerveaux coûteux en temps et en énergie. Hélas, la position de médiateur que tu préconises et incarnes vascille bien vite lorsque l’héritage de la noblesse de l’Ordre se dresse face à la fougue de certains membres.

Les propos du masqué atteignent à peine des pensées que l’orage métaphorique gronde sur le plafond boisé de cette salle. Une remontrance froide et cinglante, te rappelant douloureusement la lame qui se loge dans tes entrailles. La parole peut être aussi affûtée qu’un sabre et le Joukan Kô le démontre avec un calme féroce. Ton être ne peut retenir le soupir qui s’échappe de ta bouche. Ta vision se calque globalement sur la louve au pelage blanchâtre, mais tu te crispes quand la forme de tels propos est autant négligée. Invoquer le sempiternel poids de la hiérarchie n’édifie en rien les relations durables et de confiances. Au contraire, le clivage s'élargit prodigieusement, amenant avec lui le nuage funeste des fomentations contre des archimandrites se croyant intouchable.

Face à une telle tirade, les réponses ne peuvent être que manichéenes, dans un monde où noir et blanc s’entremêlement cosntamant. Courber l’échine et s’excuser ou bien garder la tête haute et défier le sang abritant l’histoire du Seireitei. Les deux réactions s'enchaînent et provoquent inexorablement le silence monacal prévisible.

— Je me permets de tempérer votre intervention Joukan Kô, pour le bien de cette assemblée qui se veut instigatrice de dialogues et de réflexions. Higanbana-san vous a rappelé la quintessence de notre Ordre, ce que nous devons être et représenter en tant que soutien du Concile Blanc. Néanmoins, nous sommes tous réunis ici pour échanger sur les diverses situations du monde en bonne intelligence. Je ne désire, en aucun cas, qu’un avis pertinent soit empûté de cette entrevue à cause d’une peur de se faire sermonner. Il est de notre devoir, à tous, de contribuer à cette tablée. Faites-le en respectant vos semblables, vos supérieurs et nos valeurs.

Tes yeux se tournent vers la descendante au sang noble, alors que les paroles du Kaiin Hideyoshi résonnent dans ton esprit.

— La remise des zanpakutos me semble être le moment propice pour à minima interroger le Marche-Failles. Cependant, je serais un bien mauvais officier de vous confier mon travail lorsque vos travaux sur le cycle des âmes doivent grandement vous occuper. Laissons plutôt cette tâche aux âmes devant se forger au sein de notre Ordre.

Tu t’arrêtes quelques secondes avant d’orienter ton regard sur le masqué.

— Kaiin Aizome, vous vous occuperez personnellement de ce prétendu Amatsu Tensai. Un membre de mon équipe de la Garde des Sceaux viendra vous épauler dans votre interrogatoire. L’Ordre compte sur vous.

Tu t’inclines très légèrement avant d’enchaîner.

— Bien, je pense que nous pouvons conclure sur le premier sujet de cette réunion. Revenons donc aux propos avancés par le Kaiin Araï. Ce que vous avez partagé ne peut être ignoré, mais comprenez que de telles paroles amènent dans leurs sillages une myriade de questions. Comment avez-vous obtenu de telles informations ? Qui était ce membre infiltré et quel était son objectif ? Pourquoi a-t-il été tué dans le silence le plus total par la Sanbantai ? Une action d'une telle envergure se doit d’être au préalable discutée avec les divisions concernées. Fukutaicho Koshiro-dono, le Troisième-Oeil vous a-t-il consulté sur cette affaire ?

Ton poing se serre violemment. Ce Troisième-Oeil. Un ramassis de pathétiques âmes revendiquant un droit divin qu’ils ne possèdent pas et qu’ils ne méritent pas. Dans les abîmes de ton esprit, tu maudis les Père-Fondateur d’avoir créé une telle division empreinte aux velléités les plus perfides.

— Vous insinuez que les membres surveillés de notre Ordre sont à l’origine de la disparition des espions de la Troisième ? Faites très attention, Kaiin Araï. Une telle accusation ne doit pas être prononcée à la légère. Qu’avez-vous comme preuve tangible pour corroborer cette hypothèse ?

Un visage ferme. L’ombre projetée par l’étincelant Ordre s’agite face à un chaos invisible. Pour l’instant, tu mets sous silence les informations à ta disposition sur le Troisième-Oeil. Le sujet arrivera bien assez vite sur la table.

Pendant quelques instants, je n’écoutais que de moitié la suite de la discussion. Je n’étais pas très expert des autres sujets qui se débattaient entre ses murs, et tout comme mes semblables et Keihai, je me contentai de hocher méthodiquement la tête à chaque fois qu’un intervenant prenait la parole. Cependant, le Joukan Genichiro marqua encore toute une myriade de points dans mon estime. C’était certain, il faisait un bien plus habile supérieur, compara à cette maudite succube de Kô. Prônant le dialogue et l’écoute pour tous les membres de la Nanabantaï pour éviter l’auto-censure, voilà des paroles pleines de sens. Voilà quel genre de chef l’Ordre méritait. L’Officier tourna son regard vers moi, il était temps d’enchaîner sur le fâcheux sujet de la Troisième Division.



Je quittai le banc où je m’étais assis, pour adopter me tenir debout, le plus droit possible. Les regards étaient rivés vers moi, et certains s’apprêtaient déjà à rire de nouveau.



A la fin de mes mots, un léger brouhaha se fit entendre. Il s’apaisa de lui-même après que quelques Kaiin eussent réclamé un peu de silence dans l’assemblée. Visiblement, le sujet de ce débat était plutôt sensible.



Je me mis à genoux et m’inclinai devant le Joukan, presque à m’en cogner la tête. De nouveaux ricanements retentirent autour de moi, mais je n’avais que faire de la dignité.

Quelle tâche fastidieuse incombe le rôle de médiateur. Tempérer l’ardeur des âmes sous ce toit boisé où l’aporie règne en maître. Une chemin bien plus complexe et montagneux doit être arpenter pour s’accaparer les problématiques de chacun, comprendre ce qui anime cette pompe organique pour extraire l’empathie requise pour comprendre tout être habitant ce monde. Une voie bien souvent annihilée à ses prémices lorsque l’individu cède à la facilité d’écraser des âmes qu’il juge inférieur. Une artère coûteuse en temps et en énergie, mais que tu ne regrettes à aucun moment. Si tu as intégré l’Ordre, ce n’est pas pour te complaire dans l’aristocratie de cette société, mais bien pour la sublimer. Ton ultime dessein obscur ne s’entâche pas d’un égo inutile et perfide. Tu n’as que le bien commun en tête et comme un vieil homme te l’avais dit, la lumière, si ce n’est que pour ma pomme, je ne vois pas bien l’intérêt.

Un simple signe de tête se forme en guise de réponse aux préfaces de l’aguerri. Amenant à la tablée un sujet ô combien houleux, il était que normalité de lui laisser la scène et d’écouter son propos avec la plus grande intention. Là où le fantomatique Ordre se laisse distraire par des messes basses, tu te places en chef d’orchestre improvisé, voyant ton lieutenant, d’habitude si bavard, se muer dans un silence inquiétant. Une baguette au bout de tes doigts hâve, tu amènes la danse dans un nouveau rythme, bien plus sombre et lent.

La mort de l’un des nôtres s'éclaircit au fur et à mesure que le Kaiin délivre sa langue des tourments qui la bloquait. L’informateur se révèle être la progéniture adoptée du membre prenant la parole contre les regards foudroyants. Un élément qui anime l’assemblée de quelques balivernes glissées sous la couverture de l’ombre. Pourtant, tes prunelles aiguisées ne vacillent pas, s’orientant sans attendre sur ces infâmes souillant ton Ordre. Crispé, tu réorientes tes iris sur le courageux, désirant entendre la fin de son histoire. Une tentative de recrutement en tant qu’agent dormant. Une exécution prodiguée par un Officier en personne du Troisième-Oeil. La véracité des disparitions. Les rumeurs d’une prise de pouvoir. Des informations toutes plus sensibles les unes que les autres.

L'éclat des voix de la tablée s’envenime et le soupir de ton lieutenant ne rassure en rien la situation alarmante. L’ultime demande du Kaiin n’arrange en rien les choses, malgré sa dévotion inébranlable. Pour calmer l'accalmie de la réunion, tu tappes d’un point fort et déterminé sur la table, résonnant comme un coup de canon. Le silence matérialisé par tes soins attise tous les regards sur ta personne, alors que tu restes calme et assis. Prenant une grande bouffée d’air, tu prépares ta prochaine réponse.

— Inutile de vous agiter. Je ne suis pas surpris d’entendre que des argents dormant arpentent notre Cour Impériale. Après tout, ce ne sont là que les machinations primaires de Sanbantai, rien de plus, rien de moins. C’est ce que le Goteijūtai attend d’eux. Agir dans les ombres pour soutirer la moindre bribe d’information. Le Troisième-Oeil est tout à fait capable d’attiser les braises d’une fausse rumeur pour distiller le doute dans les rangs visés. Leurs intentions sont peut-être nobles, mais leurs actions viles. Mes blessures faites par un membre de la troisième en témoignent.

Tu indiques de tes mains l’origine de tes affres avant de reprendre.

— Nous allons devoir enquêter rapidement sur ces membres de Sanbantai disparu pour connaître les membres de la Septième suivis. Plutôt que de s’indigner dans l’ombre, agissons pour connaître au plus vite la vérité. Néanmoins, que l’un de nôtre Ordre s'infiltre chez eux dans l'ombre, voilà qui est… Embêtant. Surtout lorsque ce dernier se fait exécuter. Nous devons vérifier toutes ces informations et trouver le commanditaire de cette exécution et mission d’infiltration afin d'examiner les raisons amenant la mort de notre frère. Kaiin Araï, vous avez montrer votre dévotion et fidélité à l'Ordre en nous dévoilant tout ceci. Vous êtes le plus à même de démêler cette sombre histoire et je travaillerais de pair avec vous pour comprendre.

Une pause, brève.

— Un coup d’état… Des propos diffamatoires dont la troisième se nourrit pour fomenter son activité. Un homme de paille qui leur permet de justifier tout et n’importe quoi. Une belle cachette pour les lâches qu’ils sont. Si le doute plane sur la troisième, j’irai personnellement calmer les ardeurs de ses molosses en leur montrant que l’Ordre n’est là que pour épauler le Concile Blanc avec toute sa ferveur et son humilité. Je leur ferai comprendre de ne plus jamais douter de ceci s’ils ne veulent pas devoir se soumettre à la Nanabantai par la force.

Le poing serré, tu reviens brièvement sur l’ultime révérence du membre.

— Relevez-vous, Kaiin Araï. Votre fils ne devait que suivre les ordres de sa propre division, rien qui mérite une sentence irrévocable. Néanmoins, il devra être interrogé sur ces agissements et sur cette déclaration calomnieuse contre notre Ordre et selon ses réponses, les punitions adéquates seront appliquées. J’y veillerais.

Les paroles de mon Joukan sonnèrent comme du miel à mes oreilles. Voilà les paroles dignes d’un chef. Ryuzoji Genichiro remit les choses à leur place : il fallait enquêter sur la mise à mort de notre frère, une tâche qui allait m’incomber d’après les dires de l’Officier. J’acceptai le fardeau avec joie, d’autant plus que Genichiro serait à mes côtés pour résoudre l’affaire. En signe d’approbation, je baissait respectueusement la tête en direction du chef. Quant à la fausse rumeur de coup d’État, il fallait rapidement y mettre un terme. Et ce par la force de la conviction. Enfin, le Joukan revint sur le cas particulier de Haku. Mon coeur se mit à battre à tout rompre. Puis, ce fut le soulagement. Pas de châtiment trop hâtif pour ce simple rouage de la mécanique bien huilée du Troisième Oeil. Je pouvais souffler.

C’est ainsi que le bâtonnier frappa cinq fois le plancher de la grande salle, avec le bout de son immense canne d’ivoire. La réunion était enfin terminée. Les hauts-gradés se levèrent en premier, et je glissai un dernier regard de haine en direction de Kô Hibangana. Les autres membres suivirent le mouvement de foule dans lequel je m’étais moi-même laissé emporté. Il y avait fort à parier que les discussions qui avaient fleuri entre ces quatre murs, allaient changer beaucoup de choses ….