Assis au coin d'un feu, mes yeux se perdaient dans la danse frénétique des flammes, profitant de leur festin endiablé pour me réchauffer. Au loin, le sifflement presque reptilien des bourrasques serpentines du vent glacial de Nemuro se faisaient toujours entendre, déversant leur furie d'hydrométéores sur cette terre presque épargnée par la civilisation. Abrité par une caverne dont l'ouverture étroite sur le ciel laissait s'échapper les cendres du feu de camp, je cogitais toujours sur le mystère s'étant emparé de la région.

Il y a quelques jours, sollicité par une missive, je m'étais rendu en ces terres à la recherche d'un groupe d'homologues psychopompes, eux-mêmes enquêtant sur la disparition inexpliquée d'humains. Au nombre de cinq, je ne pus retrouver que quatre carcasses ou plutôt les restes d'uniquement quatre personnes, trancheuses d'âmes y compris. Celles-ci furent rendues à mon retour, toutefois, le dernier shinigami avait totalement disparu. Mort, vif, rien ne pouvait affirmer ou infirmer l'une ou l'autre de ces possibilités, ce qui rajoutait une nouvelle couche de suspicion à ce mystère.

Ainsi, me voilà une nouvelle fois à arpenter les terres de Nemuro à la recherche du parangon perdu à travers le blizzard. En face de moi et enveloppée d'une cape pour repousser les avances du froid, Kanamori Rin le médecin officieux de la division admirait elle-aussi le spectacle ardent du feu, en attente du membre final de notre trio. Soucieux de confier cette affaire à un professionnel, le Concile avait demandé la présence d'un membre du Troisième Oeil à nos côtés, cette division étant spécialisée dans ce genre d'incident.

Attente longue de plusieurs heures déjà, je posais mon regard une nouvelle fois sur l'archiatre des explorateurs stellaires, un léger mouvement de la langue sur mes lèvres calcinées afin de les humidifier et de briser ce silence pesant.

– Pourquoi la Yonbantai ? Il me semble avoir compris que vous faisiez partie de la Panacée il y a seulement quelques mois, pourquoi ce changement soudain de vie ? Veuillez m'excuser Kaiin si cela ne me regarde pas, mais ce n'est pas tous les jours que l'on croise quelqu'un qui choisit volontairement de nous rejoindre.

Spoiler:

Plus le temps passe et plus Kyoka a cette effrayante impression que la situation empire dans le monde -et pour sa personne-. La liste d'âmes disparues ne cesse d'augmenter, les yokais demeurent toujours aussi inépuisables et l'impression que les derniers cercles se font plus nombreux l'angoisse. Le nombre d'actes étranges et inexplicables lui-aussi augmente. Et finalement, la femme se retrouve mêlée à de surprenantes affaires d'humains aux pouvoirs dépassant tout ce qu'elle aurait pu imaginer jusqu'à ce jour. Elle tait ces informations évidemment, peu désireuse de finir sur l'échafaud ou de condamner de pauvres innocents.

Parfois, elle a la sensation de n'être que spectatrice de sa vie et pourtant, elle se débat, elle tente de lutter contre le courant du destin et de garder le contrôle de la situation. Templar a rallumé quelque chose en elle, la flamme de la vie peut-être. Les humains ont réchauffé son coeur qui avait fini par se refroidir à force d'être enveloppé par l'obscurité d'Okuno-In et des ombres qui y opèrent. La pression de l'héritage de feu son capitaine, Amago Ujimichi, qui pesait sur ses épaules a disparu pour laisser place à un sentiment d'accomplissement et de sérénité.

Mais, malgré ces changements, le quotidien de la brune n'a pas tellement changé. Elle a des rêves mais ne sait comment les réaliser. Alors, elle continue comme avant à enquêter et empêcher le contre-espionnage. Ses charges de travail ont augmenté avec la place laissée vacante suite au décès de Kakugyo Heian. Ce jour-là est un jour comme les autres pour l'officière, un jour où des morts sont à déplorer et des mystères à élucider. Nemuro est la province qu'elle rejoint pour exercer ses fonctions de membre du Troisième Oeil, sous la demande du Concile Blanc. Elle y rejoint des Marche-Faille avec qui elle va devoir travailler, une femme médecin et l'homme qui a découvert les carcasses.

Le blizzard ne rend pas la tâche facile à la shinigami, mais finalement, après de longues heures de recherches, elle parvient à rejoindre les deux shinigami de la Yonbantai. Le corps recouvert de neige, elle s'avance pour prendre place auprès du feu, sans manquer de s'incliner devant ses partenaires afin de les saluer.



La Yonbantai est depuis toujours la division avec laquelle Kyoka a le plus de mal. Comment faire confiance à des gens qui sont terrés dans le Dangai, des anciens criminels pour certains, qui sont confrontées à des forces que jamais personne n'aimerait rencontrer. Leurs conditions de vie sont propices non seulement à la folie, mais aussi à la traîtrise. Si elle même est une traîtresse, à sa façon, elle ne peut s'empêcher de penser que sa trahison est positive comparée à celle d'autres personnes qui nuisent à la Soul Society de part leurs actes.



Autour du feu, elle frotte ses bras et ses mains, pour se réchauffer, lâchant un soupir avant de reprendre.

Le crépitement lent et timide de la braise incandescente succéda au monologue de la Sorcière, son enthousiasme surprenant m'ayant poussé dans un silence cependant volontaire. Il semblait que le destin avait bien fait les choses pour elle, ou que Shikai ne fit que l'accélérer. En effet, il était maintenant évident qu'elle aurait atterri tôt ou tard dans nos rangs, elle eût au moins la chance de le faire par elle-même et la tête haute. Lâchant un léger ricanement, je lui répondis enfin.

– J'espère que nous nous montrons un peu plus responsable que ce bon vieux Shikai. Vos raisons sont louables, "Sorcière", cependant sachez que plus personne ne vous impose un quelconque rôle dorénavant. Notre force réside dans notre authenticité, nous restons tous fidèles à nous-mêmes peu importe ce que les gens en pensent. Ceci dit, il me semble qu'un grand nombre d'entre nous n'a jamais mis les pieds dans le Dangai, cela vous intéresse ou préférez-vous rester les pieds sur terre ?

Depuis mon retour d'Awa, l'urgence de notre situation me pesait beaucoup. D'un côté les Yokai, de l'autre la légion apocalyptique de la Fin et au milieu, des shinigamis totalement insouciants des forces titanesques qui les menacent. Mon objectif en soumettant la médecin à ce choix était de gagner une alliée supplémentaire pour les futures batailles à mener et grâce à ses talents, elle était plus que nécessaire à notre survie, même si ces dits talents avaient un prix. Cependant, au lieu d'une réponse de la Kanemori, ma question fut interrompue par l'arrivée du dernier membre de cette escouade, une jeune femme aux yeux écarlates tout comme moi, mais pourtant bien différente de ce que j'étais. La tête tournée dans sa direction, je la saluai respectivement sans quitter mon siège.

– Enchanté Hayate-san, je suis Kusanagi Seigen, Joukan de la Yonbantai et voici Kanemori Rin, une Kaiin de la même division. Sauf votre respect, il me semblait avoir mentionné ces détails dans mon rapport lors de la découverte des cadavres, je m'attendais à ce que vous soyez déjà au courant. Mais soit. Quatre victimes, toutes de la Rokubantai. Leur corps était dans un état tel qu'il m'était impossible de déterminer ce genre de détails, l'endroit empestait le Yokai, sans surprise. Le rescapé quant à lui se nomme Go Souichi, Kaiin de la six. Je n'ai pas pu recevoir d'autres informations sur lui pour confirmer ou non votre hypothèse malheureusement, mais je ne donne pas cher de sa peau à l'heure qu'il est.

Je me levai alors calmement, les flocons de neige accumulés sur mes épaules graciant alors le sol de leur présence éphémère. D'un signe de tête, j'indiquai à mes homologues de faire de même avant de me diriger vers le fond de la caverne. Sur les murs cristallins, des marques  en tout genre décoraient les environs. Traces de mains, de geta, de sabre et même restes de vêtements ensanglantés jonchaient le sol de la salle reculée, épargnés du caprice hivernal.

– C'est ici que j'ai trouvé les corps. Je n'ai pas inspecté l'endroit plus que ça par peur de détruire une piste, il doit forcément y avoir un indice quelque part. Voyons voir si nous pouvons trouver quelque chose, le temps que ce blizzard se calme.

Les bras croisés, la Joukan de la Sanbantai écoute attentivement les propos du Joukan de la Yonbantai. A vrai dire, elle a pris connaissance du rapport, il aurait été d'un manque de professionnalisme si cela n'avait pas été le cas. Mais, elle a pensé que certaines informations avaient été émises pour une raison ou une autre. Elle ne pensait pas qu'il puisse y avoir une telle absence d'informations ou d'indices sur une scène de crime et pourtant, l'homme confirme qu'à part la sauvagerie de l'affrontement -ou de l'anéantissement- il n'a rien noté de particulier. Kyoka salue l'initiative de ne pas avoir fouillé plus que cela la scène du crime, il est vrai qu'il est préférable d'attendre que l'équipe soit réunie, au cas où un détail qui aurait échappé à la plupart soit relevé par certains.

La pugiliste s'étire tel un félin avant de s'élancer, à la suite du Marche-Faille, vers l'arrière de la grotte. Elle ne fait pas de commentaire quant à la shinigami qui les accompagne, considérant qu'il doit s'agir d'une personne sous les ordres de Seigen. L'odeur du sang ne tarde pas à monter au nez de la femme qui plisse les sourcils. Très vite, elle tourne la tête vers l'autre brune, haussant un sourcil face à son exclamation inattendue, puis elle incline légèrement le buste en guise de salutation, ravie d'apprendre qu'un médecin se trouve parmi eux -et de savoir qui doit être protégé en priorité.

Si l'enquêtrice est à l'écoute de Rin qui partage sans hésiter son expertise médicale, elle n'en détache pas moins son regard de la scène de crime. Elle s'intéresse aux habits, aux membres humains -ou plutôt shinigami- qu'elle croit reconnaître... Elle recherche un élément qui laisserait à penser que la personne manquante est salement amochée. Cependant, les comptes semblent être bons, si l'on prend juste les corps présents ou du moins, il n'y a pas de membre ou de vêtements en trop. Ce qui laisserait penser que Go Souichi serait en vie. Maintenant, est-il en train de fuir la chose à l'origine de se massacre ? S'est-il fait avoir un peu plus loin, après avoir essayé de s'enfuir ?



La shinigami aux yeux écarlates marque une pause. Des traces de griffures... Elle serait tentée de dire qu'il y a la possibilité que cela ait été fait par un Shikai, cependant rien ne dit que le disparu maîtrise le shikai et que son shikai arbore une forme de griffe. Et puis, ce serait étrange qu'il ait ainsi trahi ses compagnons. Et encore plus d'une façon aussi barbare et dangereuse. Il existe nombre de moyens de tuer quelqu'un sans trop laisser de trace et sans que la victime voit venir sa mort. Ainsi, elle exclut pour le moment la théorie de la trahison bien qu'il reste possible qu'il ait aidé des yokais pour que sa vie soit épargnée.

À peine arrivés au fond de la grotte, la Kaiin sous ma supervision me rappela immédiatement que l'amener en ces lieux était sans doute l'une des meilleures décisions que j'ai pu prendre concernant toute cette affaire. Démontrant à tous ses talents de médecin légiste, elle fit rapidement le tour de la scène de crime passant au peigne fin les indices là avant de tirer une conclusion : peu importe ce qui a bien pu se passer ici, un combat a forcément eu lieu. L'important était dorénavant de savoir contre qui ou quoi. Hayate-san souleva l'hypothèse de la trahison de la part du membre manquant de l'escouade de shinigami, ce qui semblait plutôt possible. Cependant, la piste des yokai n'était pas à écarter immédiatement, et elle l'avait bien compris.

– L'absence de Go me semble peu probable : il aurait déjà réapparu si c'était le cas, à moins que ce qui est responsable de ce carnage ait réussi à l'éliminer. Comme vous l'avez vous-même soulever, il est un suspect dans cette affaire et quelque chose me dit que soit vous avez raison soit notre pauvre homme a déjà perdu la vie.

Je tournai en suite mon regard en direction de la Kanemori à qui j'adressai un hochement de la tête respectueux en guise de félicitations avant de m'approcher des traces de griffures, la suggestion de la Joukan étant une piste légitime à suivre. Si les griffes provenait d'une seule origine alors cela signifierait que soit le Kaiin de la Rokubantai soit une autre créature est le responsable recherché, plusieurs origines et on saura au moins que nous avons affaire à une horde d'aberrations ou à quelque chose de beaucoup plus sinistre.

Soudain, un bruit étrange se fit entendre en direction du tunnel que nous venions d'emprunter pour rejoindre la pièce circulaire dans laquelle nous nous tenons. Main sur le tsuba de mon arme par réflexe et sens aux aguets, je restai quelque peu stupéfait en voyant l'embouchure du tunnel se sceller peu à peu d'une mystérieuse et inquiétante couche de glace. Que diable se passait-il ?

– Écartez-vous de ce mur et restez sur vos gardes !


Avertissement plutôt inutile vu l'état d'alerte dans lequel devait se trouver mes homologues. Toutefois, nous n'étions pas à la fin de nos peines. Des murs de cristaux, d'étranges êtres difformes et minéraux semblaient s'extirper tout en laissant s'échapper dans des nuages de cristaux d'hydrométéore ce qui ne pouvaient qu'être des lamentations. Au nombre de sept disposés un peu partout dans la prison de glace, les monstres cristallins ne perdirent pas leur temps avant de se jeter dans notre direction.

Les mots de Seigen sont justes. Kyoka se masse les tempes. Elle n'aime pas être dans le flou même si sa mission en tant que membre de la Sanbantai est justement de protéger des secrets et d'en révéler d'autres. Alors qu'elle continue à observer la scène de crime, un bruit attire son attention et rapidement, le Joukan de la Yonbantai met en garde les deux femmes. La pugiliste se relève alors immédiatement et pose la main sur la garde de son zanpakuto. Elle écarquille les yeux lorsqu'elle voit des silhouettes de glace approcher. Sept au total. Une espèce de grognement s'échappe de ses lèvres.


La brune change totalement de position, délaissant son asauchi et levant les poings pour se mettre en garde. Hakujou est un zanpakuto de froid, il est fort face au feu et à la chaleur, mais sa puissance est plus que négligeable face à la glace. Du coin de l'oeil, l'officière en charge du contre-espionnage observe la Kaiin de la Yonbantai au cas où celle-ci aurait besoin d'aide. Cependant, la soigneuse abat une des créatures d'un coup unique. Kyoka écarquille les yeux. La puissance brute de la kaiin est plus importante que la sienne.

Deux créatures de glace foncent en direction de la Joukan. Elle anticipe sans mal les mouvements des créatures et esquive leurs attaques de son agilité avant de s'essayer à un enchaînement de coups sur l'une des deux. La glace est dure si bien que la femme doit s'y reprendre à plusieurs fois pour abattre un des monstres, bondissant d'un endroit à l'autre pour esquiver les coups qui la ciblent tout en en assenant à ses ennemis. Sans doute que cette scène doit paraître bien pathétique aux yeux des Marche-Failles, mais elle est tombée sur le pire genre d'ennemis qui soit pour elle.

Sortant sa dague, elle la plante dans l'articulations du genou droit du second monstre de glace en y assenant un coup, tel un marteau enfonçant un clou dans une planche, pour restreindre ses mouvements. Puis, elle frappe à plusieurs reprises dans la lame jusqu'à ce que le genou rompe et que la créature tombe à terre. Récupérant sa lame, elle remarque que la créature de glace régénère sa jambe et recule d'un bond pour rejoindre ses alliés.

Moins fougueux que mes deux coéquipières, je les laissai porter les premiers coups à ces étranges êtres, une simple phase d'observation préliminaire en soi. Tout d'abord, la première conclusion que je pouvais tirer était la nature de ces ennemis, ou plutôt ce qu'il n'était pas, c’est-à-dire des yokais. Une intelligence réduite, voire inexistante, l'absence de masques caractéristiques des aberrations de Premier Cercle et une "mort" physique et non spirituelle au moment de la destruction.  Au mieux, il s'agissait des créations de quelqu'un ou de quelque chose, de préférence le responsable de la disparition de nos confrères, au pire, nous venions d'activer les défenses naturelles d'un lieu  nous refusant. Heureusement, explorer des labyrinthes déments et hostiles était ce pourquoi j'étais payé ; ce tombeau de glace n'était rien comparé au Dangai.

– Malheureusement Hayate-san, je ne suis qu'un humble épéiste. Ce genre d'exploits restent bien loin de mon domaine de compétences.

Ces dernières  paroles furent alors ponctuées d'un bruit strident et métallique, une lame d'air verticale fonçant à toute vitesse sur l'élémentaire en face de moi, assez puissante pour fendre son corps en deux, mais pas assez pour séparer les deux parties qui se recomposaient déjà . Mais mon assaut ne s'arrêta pas là. D'une impulsion prodigieuse, je me projetai en direction de l'être précédemment attaqué avant de dégainer et d'user de ma force et ma vitesse surhumaines pour lui délivrer un véritable déluge de coups, laissant mon adversaire en fin cubes de glace.

Reculant pour créer de la distance, je rejoignais mes coéquipières tandis qu'un étrange phénomène prenait forme sous nos yeux. S'agglutinant tels des rescapés en détresse, les cinq élémentaires survivants se rapprochèrent les uns des autres de plus en plus avant de subitement fondre en une flaque visqueuse et surnaturelle. J'échangeai alors avec les deux femmes un bref regard, comme pour confirmer qu'elles aussi n'avaient aucune idée de ce qui se passait.

Petit à petit, la flaque semblait habitée d'une conscience se mouvait dans tous les sens, comme hésitante à prendre forme une forme définitive. Puis, des contours semblables à ceux des élémentaires virent le jour avant de se solidifier. Cependant, cette chose était beaucoup plus imposante, si grande qu'elle atteignait le haut plafond du tombeau de cristal.


Telle une sentinelle ancestrale, la créature nouvellement formée du sacrifice de ses prédécesseurs, se dirigea immédiatement dans notre direction, d'un pas lourd et maladroit.


Presque imperceptible, le bruit si caractéristique du givre brisé commençait à emplir la pièce alors que le golem se rapprochait de plus en plus de nous jusqu'à ce que...

Cédant brutalement sous le poids du monstre, la banquise se fissura dans un concerto chaotique, très vite remplacé par le sifflement du vent accompagnant une longue, très longue chute. Sous nos pieds, un sol gelé se rapprochait de plus en plus, le doux baiser de la mort définitive se rapprochant de nos nuques, nous, corps impuissants prisonniers  de l'inarrêtable gravité. Il fallait agir vite.

– Engloutis, Kuzurichō !

Sabre dégainé et poids allégé, je m'empressai de projeter de la soie ci et là dans l'espoir de créer un filet assez solide pour supporter notre atterrissage, deux piliers de glace me servant de support. Heureusement, l'élasticité de mon shikai se révéla plus qu'utile, le filet se déformant in-extremis pour accueillir notre petite escouade tandis que plus loin, dans un fracas assourdissant, le tronc du golem subissait de plein fouet l'impact de la chute et éclata en une multitude de morceaux.


Annulant mon pouvoir, je nous permis de poser sains et saufs le pied à terre. Nous semblions être dans une caverne sous-terrainne entièrement recouverte de glace au fil des années, que dis-je, des décennies. Véritable monde caché sous nos pieds, la crevasse s'étendait sur une centaine de mètres dans toutes les directions, cependant aucun signe d'une quelconque sortie hormis une sinistre ouverture dans les remparts de givre.

– Toujours avec moi ?

Les mots du Marche-Failles ne sont pas pour rassurer Kyoka qui aurait bien aimé avoir un sorcier manipulant le feu ou un shinigami possédant un zanpakuto de feu à ses côtés. Elle pourrait faire appel aux pouvoirs d'Hakujou pour se protéger du froid, mais cela empirerait la situation de ses alliés sans rien faire aux créatures de glace. Celles-ci, pour ne rien améliorer à la situation du trio fusionnent pour créer un monstre bien plus imposant mais aussi plus lourd et moins agile, une sorte de bénédiction pour l'agile pugiliste.

Cependant, le sol finit par s'effondrer sous le poids de l'immense golem de glace. Et, tout le monde tombe sous l'emprise de la gravité. L'espionne n'a pas vraiment de soucis à se faire pour elle, c'est un être céleste, elle peut se battre sur terre comme dans le ciel. Cependant, et ses compagnons ? Sont-ils en mesure d'atterrir en toute sécurité ? Avant qu'elle n'ait le temps de prendre la parole pour interroger ses partenaires un filet vient se former en dessous d'eux sous l'effet des pouvoirs du zanpakuto de Seigen.

La Joukan se sent un peu dépassée. Elle est ravie d'avoir des personnes si compétentes à ses côtés, mais elle se sent  en même temps si faible et inutile. Le samouraï demande si les femmes sont toujours avec lui tandis que la médecin commente le paysage et invite les deux autres à prendre une décision assez rapidement. La créature de glace ne semble pas neutralisée, arrachant un grognement à la brune.



Kyoka pense qu'il n'y a pas de coïncidence en ce bas monde. Si cet être de glace semble immortel, soit il cache une faiblesse quelconque bien caché, soit son existence est lié à autre chose, un lieu, un objet, voire même à une personne. Dans tous les cas, si ces monstres de glace devenus un sont ici et qu'il ne s'agit pas de yokais, c'est qu'il y a une raison que  de bons shinigamis se doivent de trouver.

Les deux psychopompes avaient raison, restez ici une seconde de plus ne nous servirait à rien, surtout que cette étrange créature semblait, ironiquement, renaître de ses cendres. Cependant, aucune de mes coéquipières ne semblait enthousiaste à prendre la tête de notre petit groupe. Pour RIn, cela était tout à fait normal vu son grade, mais le comportement du Joukan Hayate était curieux : il s'agissait de son enquête et pourtant, celle-ci était peu entreprenante. Ou alors était-ce dans sa nature de consulter ses subalternes avant de prendre chaque décision ? Cette attitude représentait sans doute un vent frais pour l'Armée Invisible, néanmoins dans le genre de moment comme celui-ci, un leader se devait de faire des choix par lui-même.

Quoiqu'il en était, ce n'était ni l'endroit ni le moment de se lancer sur de longues discussions sur les milles et unes façons de diriger. Ainsi, j'offris à mes deux homologues un vif hochement de tête, nous étions sur la même longueur d'ondes.



Sans avoir plus de choix, je commençais alors à marcher en direction de cet étrange sanctuaire dont s'échappait un bruit distinct. Seraient là des paroles cryptiques de l'aquilon de la surface qui trouveraient leur voie jusqu'aux entrailles gelées de Dame Hokkaido Mater, ou une tout autre chose échappant à notre compréhension ? Peut-être la cause du massacre qui nous avait conduit ici ou alors son dernier rescapé se terrant sous les restes de ses défunts camarades ? Tant de mystères entourait cet endroit sans même mentionner sa localisation singulière et les engeances du givre l'entourant. Sûrement, les réponses à plus d'une question nous y attendaient.

Kyoka se met en marche avec les deux autres shinigamis. Elle regarde à droite à gauche tout en avançant, espérant trouver quelques indices dans ce palais de glace. Hélas, tout se ressemble et elle est rapidement gagnée par la sensation de s'être perdue. Heureusement que la pugiliste n'est pas seule, la présence des Marche Failles à ses côtés la rassure malgré la méfiance qu'elle avait pourtant l'habitude de ressentir à l'égard de ces gens-là. Comme quoi, il suffit parfois d'un rien pour libérer le coeur et l'esprit. La musique habilement jouée, participe peut-être à cette libération.

Pendant l'avancée du groupe, la brune garde le silence. Elle réfléchit aux différents scénarios possibles. Elle réfléchit à la façon dont elle pourrait  affronter le monstre de glace si celui-ci parvenait à les rattraper. Elle réfléchit au cas de Go souichi. Bien que perdue, elle continue d'avancer. Elle ne se préoccupe pas tellement d'être perdue ou plus tôt, elle ne s'en préoccupe pas. Elle sait que ses partenaires et elle finiront tôt ou tard par retrouver leur chemin.

Un visage inattendu se dévoile au trio, celui du shinigami recherché. Cela simplifie les choses et pas qu'un peu. Maintenant, il n'y a plus de question à se poser quant au camp auquel il appartient.



La voix de l'espionne se veut parfaitement calme et posée. Elle dégaine son asauchi mais sans prendre la peine de libérer son shikai qui n'a rien de bien avantageux en ces lieux. Elle adresse un regard à la femme-médecin comme pour s'assurer que celle-ci était bien prête à combattre, puis à son confrère Joukan. Et, finalement, elle bondit sur l'homme qu'elle identifie comme un ennemi pour ouvrir les hostilités d'une charge au katana suivi d'un coup de pied retourné. Kyoka n'est pas la femme la plus fine qui soit. Discuter pendant quelques minutes ? A quoi bon, une fois que l'interlocuteur est mis au tapis, il est bien plus simple de lui soutirer des informations. Une fois l'homme entre leur main, il sera plus facile de naviguer dans ce monde de glace et d'esquiver les potentiels pièges mis en place.

Observant la shinigami du Troisième Oeil passer à l'assaut, je suivis son exemple en chargeant le renégat. Je pensais qu'elle aurait aimé tirer plus de réponses de Go, mais cette alternative me satisfaisait tout autant.

Toutefois, notre tentative belliqueuse ne put aboutir, notre attaque trouvant sur son chemin un mur épais de glace qui venait soudainement de jaillir du sol de cristal. Doucement, le rempart regagnait sa hauteur initiale, dévoilant sous nos yeux un homme au sourire satisfait.



Regard mélancolique posé sur notre assemblée, le Parle-Esprit dégainait lui aussi à son tour sa trancheuse d'âmes, un simple tantō dissimulé dans l'une de ses manches. Outre ce mouvement, il n'avait pas bougé d'un poil, mais semblait tout de même bien plus loin qu'il ne l'était auparavant. Il soupira.



Un nouveau soupir interrompu son discours, comme s'il hésitait à révéler ses secrets. Un mélange d'émotions traversa son regard, aussitôt venu que reparti. Puis, il leva ses yeux au ciel, ou plutôt vers le plafond avant de les fermer.



Ces dernières syllabes prononcées, le sol se mit à trembler violemment, le cristal sous nos pieds se fissurant telle une mosaïque de la ruine. Autour de notre groupe, des murs apparaissaient et disparaissaient, comme si le labyrinthe de glace changeait soudainement de forme. J'entendis alors le cri surpris de ma subalterne derrière moi, nos regards se croisant une dernière fois avant sa disparition derrière un mur de glace.



Que pouvait-il bien se passer ? Était-ce là l'œuvre de cet homme ? Non, aucun shinigami ne peut mettre au point une structure aussi complexe en si peu de temps. Il ne reste alors qu'une seule possibilité...









Portant son arme proche de sa bouche, il prononça une terrible incantation.



Répondant à l'appel de son maître, la courte lame se désagrégea et laissa à sa place une flûte dorée engravée du kanji de l'amour. Le renégat posa alors ses lèvres sur son âme-sœur exaltée avant de souffler de toutes ses forces dans l'instrument spirituel.

Immédiatement, un torrent de rayons lumineux jaillit de la flûte, les ondes lumineuses se répercutèrent alors sur les murs, le sol et le plafond qui semblait s'être élevé. Traversant les divers obstacles de la pièce, je compris enfin le but de ses structures. Nous étions pris au piège, les constructions cristallines étant savamment disposées afin d'amplifier l'attaque.

Je réagis alors instinctivement, mes pieds me propulsant au-dessus du sol. De ma dextre, je saisis la lame de ma trancheuse d'une poigne désespérée avant de l'envoyer droit sur le couple responsable de toute cette mission. Cependant, alors que mon corps regagnait le sol, deux rayons m'atteignirent à l'abdomen et à l'épaule droite, une giclée d'ichor finalisant mon terrible atterrissage.

Un épais mur de glace vient bloquer la route des shinigamis. Une sorte de grognement s'échappe des lèvres de Kyoka qui aimerait en finir au plus vite avec toute cette mascarade. Un soupir s'échappe des lèvres de la Joukan, qui croise les bras, lorsque l'homme commence à parler de sa renaissance et de la torture que c'était de vivre avec un trou béant dans le coeur.



L'ombre du Troisième Oeil s'attendait à autre chose, à quelque chose de plus héroïque surement. Elle aussi a vécu de longues années de souffrance. Elle aussi a conservé des souvenirs de sa vie humaine, des souvenirs teintés de haine, de rage, le coeur parcouru par la volonté de venger la personne faible qu'elle était dans cette autre vie. Cependant, après un long combat, elle est finalement parvenue à vaincre la douleur lancinante que ces souvenirs généraient. Et, elle est devenue meilleure. Condamnerait-elle l'équilibre du monde pour son propre bien-être ? Non, elle n'est pas le centre du monde et elle le sait.

Kyoka pose un genou à terre et abaisse son centre de gravité lorsque les secousses se font sentir afin de conserver un maximum d'équilibre. Puis, lorsqu'elle voit que la structure de l'endroit change, elle bondit rapidement en direction de Seigen pour éviter d'en être séparée. Elle s'apprête à crier le nom de la soigneuse pour que celle-ci rapplique en vitesse, mais il est déjà trop tard. Elle a disparu de son champ visuel. Et, à la place, un nouvel être entre dans la partie. Une femme. Sublime. Mais, inhumaine en même temps. Un Yokai.



A peine la femme a-t-elle menacé l'homme que celui-ci dévoile son Bankai, un pouvoir particulièrement ennuyant, surtout dans ce genre d'environnement. Un grognement s'échappe des lèvres de la shinigami lorsque celle-ci comprend que tout faisait parti de leur plan et qu'elle reçoit un coup au niveau de la cuisse droite.

Malgré l'aide d'Hakujou et sa vitesse de déplacement élevée, la Joukan ne parvient pas à esquiver tous les rayons lumineux et hérite de quelques blessures supplémentaires bien qu'elle ne soient pas trop profondes, mais qui n'en restent pas moins gênantes. Elle sait que plus le combat s'éternisera et plus elle sera en danger.

"Kyoka ta maîtrise du Yokaku est l'un de tes meilleurs atouts. Concentre-toi dessus et peut-être que tu pourras prévoir la trajectoire de ces rayons. Tu DOIS le faire."

Elle prend une grande inspiration et se concentre, fermant ses yeux. La brune sent le danger arriver. Elle danse avec lui, elle danse avec la mort. Mais, c'est insuffisant. Esquiver de peu ne peut pas l'aider à vaincre. Elle va juste s'épuiser et être abattue. Il lui faut quelque chose de plus. Il lui faut voir plus loin, sentir plus intensément et précisément. Lorsqu'elle rouvre les yeux, ses pupilles ont changé, tout comme sa perception du monde. Elle voit avec une seconde d'avance. Elle a éveillé le Nagaime, la technique ultime de l'art du Yokaku. Elle prend plusieurs appuis alternant entre parois, sol et air, anticipant la trajectoire des rayons, afin de se rapprocher de sa cible, Souichi. Elle souhaite le mettre au tapis au plus vite, pour sa propre sécurité, mais aussi pour celle du Marche-Faille et, pour pouvoir s'occuper de la Yokai sans risquer sa vie à chaque seconde.