Me rattrapant à la dernière seconde lorsque je fais face à l’une des faces de placard de l’Ordre, afin d’éviter de parler du Lieutenant de façon négligée, je sors rapidement le papier d’entre mes vêtements pour la remettre en mains propres. Concrètement, le mémo disait plus courtoisement ce que je venais de dire, précisant “qu’à l’orée d’un Nouvel Ordre, prêt à voir le jour très bientôt, il fallait se préparer et mettre en place des initiatives pour le futur de la Nécromancie” blablabla… En gros, c’est à moi de me coltiner toute la route pour faire passer un audit aux autres, c’est ça que ça raconte !

Mais bon… Ce que le message ne dit pas, c’est qu’en réalité tout ça n’est qu’un prétexte, un test à grande échelle, mené par l’homme destiné à devenir le futur du Kido au sein de l’armée invisible. Le véritable but de ma présence… est de repérer les génies, de les observer puis d’éventuellement les recruter. Pourquoi moi ? Parce que le blondinet capable de parler en verlan en a marre de me voir trainer à la cantine du QG, et qu’il me met un bon coup de pied au cul pour que je serve à quelque chose pour une fois. Il a été très clair “et si tu suspectes l’usage de kidos interdits… Fais-moi un rapport”.

Pas la peine de préciser que j’ai bien transpiré lorsqu’il m’a dit ça en face, je me sentais déjà foutue ! Bien que techniquement ma propre création n’était pas encore au point… m’enfin bref, tout ça pour dire que la tête de linotte en face de moi avait fini de regarder le bout de papier, et qu’il allait vérifier auprès de ses supérieurs. De quoi me faire lâcher une bonne grimace alors que je regardais autour de moi… Je sais bien qu’on dit que le QG de la 7ème était joli à regarder, mais cet endroit me fout les jetons… Il y a comme un froid mordant qui se balade dans les couloirs, pire qu’à Hokkaido. Dans un soupir, je passais ma main dans mes cheveux, et je décidais d’aller prendre un peu l’air.

Adossée contre un mur, un terrain assez ouvert en face de moi, je voyais plusieurs têtes passées… Des recrues et des membres qui se baladaient à droite et à gauche, des tas de papiers entre les mains. Je sais que je me suis plainte à de nombreuses reprises d’avoir été mis avec les coincés de la 9ème, mais faut croire que j’imaginais l’herbe plus verte chez les autres. En l’occurrence l’herbe était bien verte ici, très bien taillée même, mais terriblement ennuyante. Je repensais aux mots du Lieutenant Rokkaku… il m’a parlé d’un homme qui devait avoir toute mon attention lorsque je le rencontrerai, celui qui a su faire ses preuves face à lui pendant l’Épreuve Puissance.

À force de me caresser le menton, j’en oubliais presque la rangée de quelques membres et recrues qui se tenaient devant moi, prêts à recevoir la soi-disante évaluation de ma part. Je n’étais pas dans la pédagogie, alors je m’excusais intérieurement pour eux…

Dans le tumulte inhabituel de la Cour Impériale, les officiers s’activent de concert pour réunir les érudits disséminés à travers les nombreuses structures boisées. L’instigatrice de cette cavalcade chaotique amena les dires officiels du Lieutenant Rokkaku, fier Nécromancien à la réputation immaculée et prétendant au trône vacant de cette Armée Invisible. Un état des lieux global sur les éléments fourmillant les rangs de la cohorte et y dénicher les pépites à l’éclat coruscant. L’aube de ce Nouvel Ordre altère bien des faciès dans cet Ordre attelé à figer les rouages immuables de cette société. Pourtant, en ce jour, ces fameuses roues crantées dissimulées se mettent en ordre de marche.

Flegme arboré par l’émissaire, les faciès bien trop raides des membres et officiers se mue dans des traits exposant le mépris grandissant dans les cœurs de chacun. La parade ordonnée par la Mande-Tempête n’attire en rien les mandarins. Les commentaires acerbes de la demoiselle à l’encontre du travail des dépositaires de la connaissance n'aidait en rien le processus commandité par le champion de la Kyūbantai.

L’audience dissipée s’écarte pour laisser avancer une jeune âme à la chevelure aussi longue que son ambition. La confiance en elle se lit avec une facilité déconcertante sur son visage. Mouvement de tête léger, elle toise de tout son être la messagère, avant d’enfin sortir de son silence.



Au loin, un homme à la crinière argenté s’active pour rejoindre la demoiselle, le souffle court.





Un bruit étrange retentit. Un vieil homme, un peu plus loin dans les rangs, allume sa pipe.



Agglutiné, le groupuscule hoche la tête à l’écoute de leur aîné.





Sourire suspendu au bout de sa pipe, l'ancêtre se réfugie dans l’ombre, laissant alors qui le désire débuter. D’un coup, la Kichi pointe la Jiki, laissant échapper son Reiryoku pour conjurer son assaut.



Machiavélique dans son regard, la jeune femme semble très nettement satisfaite de son espièglerie, laissant son frère désoeuvré, fuyant la scène qui allait, sans l’ombre d’un doute, s’envenimer.


Mésencéphale étreint par tes mains froides. Un long soupir s’éructe de ton corps have, blanchi par ce que tu venais d’apprendre. Le fardeau du sigisbée du Convent Nivéen venait de s’abattre sur tes épaules, tel l’implacable marteau sur l’enclume. Aucune dérobade ne venait aviver cet horizon funeste. Seuls les oraisons les plus funèbres venaient habiter cet esprit en proie au doute, à l’inquiétude, à la peur dans sa forme la plus pure.

Paysage spirituel en ruines, les fondations de ce palais mental forgé dans l'adamantin cèdent, sans que tu ne puisses rien n’y faire. Les rapports que tu venais de consulter contenaient un surplus d’information bien trop accablant pour le simple Favori que tu demeures. Toi qui ne possède qu’une unique clé sur ce trousseau éthéré, tu peines à tempérer cette douleur qui ronge tes viscères. Nobunaga, le point de convergence. Mormaer, Daeqirelle, le Havre des Esprits, la concrétion de l’âme, les Cavaliers de la Fin, Mort, Suenobu, les Exarchis, Fabula, Shikai, Imperator, l’Armée des Ombres, les Prophètes, la Fin, le Maître…

Architecte de Premier Succès, le voici encore, bougeant ses pions. Enfin, tu contemplais la cartographie nébuleuse des joutes cosmiques opérant dans le lointain firmament. Toute connaissance avait un prix. Un constat amer que tu n'as pas vraiment le temps de décanter.







Un unique poing percutant violemment le bureau, faisant sauter et virevolter les documents s’y trouvant. Soufflant avec hargne, tu fais signe au membre de te suivre, pressant le pas pour ces gamineries à des années lumières de ce qui habite ton esprit.

Sur place, le constat est… Désarmant. Ton Reiatsu s’amplifie au point d’être visible sur le pourtour de ton uniforme. Prunelles gorgées de colère,  ta réponse est cinglante