Oh non, pas elle. Je ne peux m'empêcher de râler en remarquant la présence de la jeune femme qui a débarqué en dernier, sans trop que je sache comment elle a réussi à arriver jusqu'ici... Mes râleries ont d'ailleurs bien failli me coûter fort cher, puisque la créature que nous sommes parvenus à déstabiliser manque de s'écrouler sur moi. La voilà même qui se permet de m'avertir, comme si elle s'inquiétait.

Le combat a rapidement gagné en intensité, jusqu'à ce que Kana nous rejoigne à son tour. A-t-elle réussi à convaincre sa hiérarchie de pouvoir me suivre aussi loin ? Quelle plaie... Si sa compagnie peut en de rares occasions se montrait agréable, je n'ai vraiment pas envie qu'elle me colle jusque dans mes missions et qu'elle vienne perturber mes combats contre des yōkai.


Je ne peux m'empêcher de le lui demander alors que la bête rugit et relâche son Cero dans une direction qui ne blesse fort heureusement aucun de nous. Personne d'autre n'est évidemment intéressé par la réponse, et Tensai se rue de tout son poids augmenté sur la créature qui peine alors à se relever tandis que l'officier Higure la bombarde d'un puissant Hado explosif.

L'on aurait pu croire qu'un dernier coup final aurait suffit à définitivement mettre fin aux jours de l'abomination. Il n'en est évidemment rien. La créature, bien que déjà salement amochée, reste un yōkai de deuxième cercle de désolation qui a eu plusieurs longues semaines de calme pour se reposer et emmagasiner une importante quantité d'énergie.


Je pense n'avoir réussi à esquiver les différents projectiles qui me prenaient pour cible que grâce à la chance. Le yōkai étant désormais affaibli et fatigué, il ne faut lui laisser aucun répit et contre-attaquer immédiatement, avant qu'elle ne puisse préparer sa prochaine offensive. Ce serait quand même dommage qu'elle parvienne à nous abattre un par un et qu'on ne puisse pas sortir victorieux de cet affrontement.


Je lâche ma directive à l'attention de Kana. Dans cette situation il faut absolument que l'on coordonne nos actions et qu'on s'y mette à deux pour enfin mettre un terme à tout ça. Une nouvelle fois, je redirige mon énergie spirituelle en direction de mes poings tandis que je charge dans la direction de la tête, toujours coincée au sol, de la bête. Violemment, je lui abats un puissant coup de poing en pleine face, dans l'espoir d'achever la créature.

Encore un ?! Décidemment, cette chasse au yōkai est un véritable défilé de shinigami. Au total, ce sont pas moins de sept émissaires, moi y comprise, qui sont apparus les uns après les autres pour aider à abattre ce colosse chélonien source du froid polaire qui s'est abattu depuis quelques semaines sur les environs. Ce n'est peut-être pas un mal, finalement. Sans toute cette aide supplémentaire, qui sait si les protagonistes originels auraient réussi à occire le démon...

Le nouveau venu n'a visiblement pas de temps à perdre. Sans doute en a-t-il, comme moi, assez de devoir supporter ce froid glacial. Plus vite la bête sera abattue, et plus vite nous pourrons tous rentrer au chaud. Une perspective qui me fait bien évidemment de l'œil aurait presque pu me déconcentrer si je n'avais pas été rappelée à l'ordre par un fracas soudain. Plus loin, un nouveau monstre, semblable au premier, fait son apparition.


Je soupire lourdement à l'idée de devoir combattre un second yōkai de cette envergure après avoir achevé la première tortue gelée. Ça risque bien de ne pas être une mince affaire, même avec un peu d'aide. Ce premier combat commence déjà à me mettre sur les rotules, à force de devoir sans cesse esquiver et charger dans toutes les directions. Un second affrontement m'épuiserait à n'en point douter.

Il me faut donc de longues secondes, en réalité jusqu'à ce que la seconde créature charge la première, pour me rendre compte qu'elles n'ont de semblable que l'apparence et ne sont absolument pas alliées. L'impact entre les deux tortues fait se soulever la neige en un nuage obstruant ma vue tandis que des morceaux de glace volent dans tous les sens, tranchants comme des rasoirs.

Ces éclats sont bien difficile à éviter, en n'y voyant pas grand chose, et je suis bien obligée de simplement protéger mon visage de mes bras et d'endurer les quelques coupures et égratignures que me fait subir la salve de glace. Mes habits désormais couverts d'une fiche pellicule de neige et de givre, je laisse la poussière retomber avant de me remuer pour ne pas laisser le nouvel Officier se battre seul.



Pour ma part, je ne vais pas modifier une recette qui a bien marché par le passé. Pendant que l'homme distrait le démon avec sa propre créature, j'en profite pour charger en direction de sa grosse, mon énergie spirituelle une nouvelle fois infusée dans mon poing. Seuls quelques sauts me sont nécessaires pour éviter les quelques boules glacés et me rapprocher suffisamment. À force de lui cogner dans la caboche, je vais bien finir par réussir à lui infliger de sérieux dégâts. Du moins, je l'espère.

-C'est fâcheux.

C'est surtout la preuve de la faiblesse apparente de l'officier, incapable d'esquiver la riposte hivernal de la créature. Il se jette derrière son ombre, dont la taille et surtout la taille permette au bicentenaires de s'abriter de la tempête qui gronde. Une tortue sur le dos, mais qui continue de se battre, et pourquoi donc? Même ces prédateurs ne souhaitent pas disparaître, vivre c'est ce qui motive n'importe quel être vivant. Qu'importe son apparence, ses raisons ou ses crimes, personne ne veut mourir. Et pourtant même dos au mur, le monstre puise dans ses dernières forces pour emporter avec lui les serviteurs du Concile Blanc. L'armure pourpre est teinté de neige et de gel, le froid consume le guerrier. Et pourtant, même ses muscles semblent moins réagir, même son invocation est prise dans une prison de glace. Même si le combat tournerait assurément contre lui, si le Yokai n'était pas déjà mal en point. Malgré tout ça, il ne peut s'empêcher de savourer la scène.

-Il faut en finir maintenant. Libère mon ombre si tu le peux.


Il inspire, l'espace d'une seconde et charge de nouveau se projetant vers l'avant. Pas besoin d'effets spéciaux, ou d'avantages physique, lui fait confiance en sa lame. Une arme trouve toujours sa cible, ils ont été entraînés pour ça, et lui depuis bien plus longtemps que la majorité des shinigamis. Lui qui était là à l'aube de cette nouvelle société, périrait-il maintenant contre ce Yokai à l'agonie? Les probabilités sont faibles, mais pas inexistante, il a terriblement besoin d'expérience. De combler ce laque de connaissances, et de capacités que tous semblent déjà posséder. Mettre les bouchées doubles, passer à la vitesse supérieur. Le zanpakuto feint de se courber à droite, puis à gauche, une image miroir témoignage de sa maîtrise du fer. C'est son seul atout, mais pas des moindres. Si la femme semble avoir un plan, du moins un objectif à viser. Il en va de même pour le demi-géant, trancher et séparer la tête du corps du démon.

Pas besoin de tergiverser sur les autres parties du corps de leurs ennemi. Comme le véritable animal, il semble impossible de l'occire autrement qu'en l'ayant préalablement retourné et de frapper au bon moment. Combien de shinigamis aura-il fallut pour vaincre cette menace? Est-ce là ce que valent véritablement les effectifs de l'Edo inversé? Ont-ils besoin d'être à sept contre un pour réussir les contrats? La différence de puissance est-elle à ce point importante?

Pitoyable, pathétique et leurs synonymes sont ce qui convient de qualifier cette situation. Un cruel manque d'entraînement ou de ressources, ou simplement d'autorité. La perdition, Yoshiro ne peut l'accepter et tandis qu'il abat son arme contre la nuque du monstre, il y insuffle sa rage et sa colère. Que tous meurent, seul les forts survivront.

Seul le pourpre sortira vainqueur des futurs conflits.

Spoiler:

La tortue invoquée par le dernier shinigami arrivé en date, réplique pratiquement exacte du yōkai que nous affrontons désormais depuis tant de temps, se retrouve prise dans la glace. J'imagine aisément que c'est ce qu'il essaie de me signifier en me demandant de « libérer son ombre. » Je ne dispose malheureusement pas de la moindre solution pour l'aider ; j'espère simplement que cette situation ne diminue pas ses facultés combatives. Nous avons de toute façon tous deux autre chose de bien plus important à faire que de libérer une invocation : enfin occire le démon.

Et, pour la première fois depuis le début de ce si long affrontement, nous touchons enfin au but. Désormais incapable de se mouvoir pour éviter nos assauts, le monstre se voit bien obligé de les subir de plein fouet. D'abord, mon violent crochet s'abat sur son gros crâne et lui remue le simulacre de cervelle qu'il contient au point de faire tomber la bête inconsciente. À cet instant, la tempête glaciale qui nous entourait jusqu'alors faiblit puis cesse totalement.

À peine quelques instants plus tard, le tranchant du samurai fend l'air dans un sifflement caractéristique et vient sans peine trouver sa cible. Naturellement tranchante et guidée d'une main de maître, la lame s'enfonce sans peine dans l'épiderme de l'abomination. Elle trouve son chemin jusqu'à finalement achever l'agonie du yōkai en séparant une bonne fois pour toute sa tête de son corps. Un acte final qui entachera la glace environnante d'un rouge carmin.



Essoufflée par le combat qui vient d'avoir lieu, je lâche un soupir avant de m'enquérir de l'état de mon dernier compagnon en date. Non-loin, tous les autres protagonistes reprennent leurs esprits ou s'extirpent de leur prison de glace. Fort heureusement, tout le monde semble aller à peu près bien et les petits bobos de chacun n'ont pas l'air trop graves.

C'est un véritable soulagement d'en avoir fini avec cette créature et que nous nous en sortions tous indemne. Il y a cependant un problème : "tous", pour abattre une simple désolation de deuxième cercle, c'est inquiétant. Sommes-nous trop faibles, ou les yōkai gagnent-ils en puissance dernièrement ?

Ils avaient triomphés.

Le premier Yokai que terrassait le bicentenaire depuis des décennies, ce n'était pas un sentiment désagréable. Au contraire, il sentait que progressivement il gagnait à affronter des adversaires plus forts que lui. Pourtant, pourtant quelque chose le dérangeait dans cette intervention. Dès le départ, dès qu'on lui avait intimé l'ordre de venir en aide à des homologues shinigamis, il avait ressentit une sorte de malaise en lui. Comme si sa présence n'était pas requise, il avait ignoré ce sentiment, mais désormais en observant la scène, l'officier comprenait la raison de son mal-être Rangeant son arme dans son fourreau, il leva son pouce droit en direction de sa compère, il ne savait pas son prénom mais les deux avaient déjà partagés plus qu'une simple discussion. Ils s'étaient introduits à l'autre dans le feu du combat, et cela avait plus de valeur qu'une discussion autour d'une tasse de thé.

-Sept, sept shinigamis pour cette bête, est-ce normal ? Le constat est pathétique, c'est un euphémisme non?

Il secoua son heaume, certes l'adversaire était redoutable mais à ce point? Cela ne faisait qu'accentuer les doutes et l'inquiétude de Yoshiro sur ses pairs, les années avaient transformés des guerriers en bergers. La paix était l'ennemi de tous, surtout ceux ayant un rôle non seulement moral mais également de protecteurs. Minamoto était irrité, mais d'avantage exaspéré ou désespéré par la situation.

-Puis-je demander ton nom? Tu es la seule qui est digne de te présenter.

Un regard sur l'assemblée, et il repartit en direction des quartiers de la cinquième. Il y avait beaucoup de choses à rattraper, à commencer par les effectifs de sa propre division.

Je reprends mon souffle après cette bataille plus éprouvante que prévue. Lentement et difficilement, à cause du froid environnant, mes poumons se remplissent à un rythme plus régulier, qui me permet de converser avec davantage de fluidité. Je ne me doutais pas qu'un simple Byakko opposerait tant de résistance à une escouade aussi nombreuse que la nôtre. Le constat est en effet décevant, sinon même alarmant.


Ou peut-être sommes-nous trop faibles. Une éventualité que je ne formule pas, mais que je sais intimement que l'homme qui me fait face partage. Sept shinigamis, ça n'est qu'une infime fraction de l'armée invisible. Et pourtant, c'est énorme. Une bête de la sorte, qui n'a atteint que le deuxième cercle de désolation, aurait pu... non, aurait du être abattue par trois shinigamis, quatre tout au plus. J'ignore pourquoi nous avons eu besoin d'autant de monde et, même si tout le monde n'a pas participé de manière égale, chacun devra se remettre en question suite à ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Notre entraînement n'est probablement pas suffisant pour affronter les menaces qui nous entourent.


Autour de nous, les cinq autre shinigamis récupèrent également. Chacun reprend son souffle et tâche de panser convenablement ses plaies. L'ambiance n'est pas vraiment à la joie ou à la célébration : tous savent que l'affrontement ne sait pas déroulé comme prévu. Ça ne fait aucun doute, le chemin du retour risque de se faire dans un silence morose.